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01/12/2015 | FRANCE | N°14VE02313

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 01 décembre 2015, 14VE02313


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AMS STUDIO a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 190 000 euros dont elle disposait au titre du mois de juin 2012.

Par un jugement n° 1303576 du 2 mai 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 8 juillet 2014 et le

9 novembre 2015, la société AMS STU

DIO, représentée par Me Krief, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AMS STUDIO a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 190 000 euros dont elle disposait au titre du mois de juin 2012.

Par un jugement n° 1303576 du 2 mai 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 8 juillet 2014 et le

9 novembre 2015, la société AMS STUDIO, représentée par Me Krief, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 190 000 euros dont elle disposait au titre du mois de juin 2012 ;

3° de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'unique facture objet du litige, à savoir une facture datée du 29 décembre 2011 émise par la Sarl Euro Knit Fabrics qui lui a vendu un lot de " vêtements de dessous " d'un montant hors taxe de 990 000 euros, n'est pas une facture de complaisance et, d'ailleurs, la Sarl Euro Knit Fabrics, qui avait omis de déclarer la taxe sur la valeur ajoutée collectée à cette occasion, a régularisé sa situation auprès de l'administration ; les marchandises textiles, exportées vers la Tunisie afin d'y être remises au goût du jour, sont parties de son siège à Pantin et elle produit les justificatifs d'exportation ; les marchandises ont ensuite été refoulées par les douanes tunisiennes et à leur retour en France, il a été constaté par huissier que leur état particulièrement dégradé, dans un conteneur endommagé, les rendait impropres à leur objet commercial ce qui a entraîné leur destruction par incinération ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Moulin-Zys,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) " ; que selon le 2ème alinéa de l'article 272 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture. " ; que le 4 de l'article 283 du même code dispose : " Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées, ainsi que de celles de l'article 230 de l'annexe II au même code dans sa rédaction alors en vigueur, qu'un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que, si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

3. Considérant que la requérante soutient que la société Euro Knit Fabrics lui a facturé le 29 décembre 2011 un lot important de " vêtements de dessous " pour un montant de

990 000 euros hors taxe qui devaient être exportés temporairement en Tunisie auprès de la société STMC chargée de leur remise au goût du jour, puis retournés en France pour y être commercialisés mais que, les marchandises ayant été refoulées par les douanes tunisiennes, elles ont été retournées à leur expéditeur, sont arrivées endommagées et ont du être détruites et qu'elle justifie de l'existence d'une facture délivrée par une entreprise régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés ; que, toutefois, si la société justifie effectivement d'une facture émise par une société dont il n'est pas contesté qu'elle est régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés, l'administration fait valoir plusieurs éléments corroborés par l'examen des pièces produites permettant d'établir que cette facturation avait un caractère fictif ; que, premièrement, pour justifier du caractère inhabituel de la transaction faisant l'objet de la facture litigieuse, l'administration fait observer que le montant de la facture, à savoir 1 184 040 euros toutes taxes comprises, est sans aucun rapport avec la capacité financière de la société AMS STUDIO qui s'établissait, en 2011, à 58 004 euros de chiffre d'affaires et 209 527 euros de capitaux propres avec une trésorerie passive de 19 809 euros, que cette facture demeure impayée deux années plus tard, qu'il s'agit de l'unique facture d'achat de la société AMS STUDIO pour l'année et que cet achat de marchandises est, en outre, sans rapport avec l'activité déclarée de cette société ; que, deuxièmement, le service fait valoir que la société requérante ne justifie d'aucune stratégie commerciale en rapport avec cette facture faute notamment de justifier de l'existence d'une relation commerciale avec la société tunisienne SMTC à qui elle a pourtant affirmé avoir confié la tâche de modifier ces vêtements pour les remettre au goût du jour, ni même, de décrire les perspectives ou les circuits de revente de ces marchandises ; que, troisièmement, pour expliquer les incohérences relevées dans ses opérations de transit international des marchandises, elle met en avant que les factures émises le 19 septembre 2012 à l'attention du prestataire tunisien SMTC, à hauteur de 550 000 euros s'agissant de la facture n°" 129001/1 " qui concerne 1274 colis pour un poids total de 19 280 kilos et à hauteur de 440 682,50 euros s'agissant de la facture n°" 129001 " qui concerne également 1274 colis pour un poids total identique de 19 280 kilos, ne sont pas cohérentes avec le formulaire douanier pour l'exportation qui mentionne une valeur de 440 000 euros, qui concerne un conteneur numéroté " AT 721 KM " avec 1274 colis, et se réfère à une seule facture émise par la société AMS STUDIO à l'attention de SMTC en Tunisie, à savoir la facture numérotée " 129001 " du

19 septembre 2012 ; que, de plus, les documents de retour du conteneur, émis par le transitaire Goldtrans Logistics sont également incohérents en ce qui concerne le poids, la valeur et le destinataire des marchandises ; que, si la société AMS STUDIO a déclaré le 10 juillet 2014 à l'interlocuteur départemental que le transitaire tunisien n'avait fourni qu'une facture sur deux à l'occasion des formalités douanières, elle n'en justifie pas ; qu'enfin, s'agissant des conditions de transit international des marchandises, l'expert du groupe Muret, consulté par l'administration, rapporte d'une part que le plomb garantissant l'intégrité du conteneur a été changé puisque son numéro au départ de France était " TN1299194 " alors qu'à son retour en France ce numéro était " 194221 " et, d'autre part, que le conteneur lui-même a été ouvert plusieurs fois et les marchandises déplacées ; qu'il suit de tout cela que l'administration apporte un faisceau d'indices nombreux et précis de nature à démontrer que la facture en cause présente les caractéristiques d'une opération fictive ; que ces indices ne sont pas utilement contredits par la société alors même qu'elle fait valoir que la Sarl Euro Knit Fabrics aurait tardivement présenté, en date du 15 mars 2013 sa déclaration de taxe sur la valeur ajoutée due au titre du mois de janvier 2012, l'administration remarquant, à juste titre, que cette déclaration n'a été faite que peu de temps avant la saisine du juge administratif et ne s'est accompagnée d'aucun paiement de taxe ; qu'ainsi, l'administration était fondée à refuser à la société AMS STUDIO, pour ce seul motif, le remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 190 000 euros au titre du mois de juin 2012 ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AMS STUDIO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 mai 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

Sur l'amende pour recours abusif :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros " ;

6. Considérant que la requête de la société AMS STUDIO présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de la condamner à payer une amende de 2 500 (deux mille cinq cents) euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société AMS STUDIO est rejetée.

Article 2 : La société AMS STUDIO est condamnée à payer une amende de 2 500 (deux mille cinq cents) euros.

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N°14VE02313 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE02313
Date de la décision : 01/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Remboursements de TVA.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Cécile MOULIN-ZYS
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : KRIEF

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-12-01;14ve02313 ?
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