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24/11/2015 | FRANCE | N°15VE02782

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 24 novembre 2015, 15VE02782


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 27 janvier 2015 par laquelle le Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE) d'Île-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi présenté par la société Île-de-France Poids Lourds (IDF PL).

Par un jugement n° 1501936 du 26 juin 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
r>Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 26 août...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision en date du 27 janvier 2015 par laquelle le Directeur Régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE) d'Île-de-France a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi présenté par la société Île-de-France Poids Lourds (IDF PL).

Par un jugement n° 1501936 du 26 juin 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 26 août, 16 septembre et

2 octobre 2015, M. A..., représenté par Me Substelny , avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 27 janvier 2015 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que le plan de sauvegarde de l'emploi présenté dans le document unilatéral de la société Île-de-France Poids Lourds ne pouvait pas être homologué dès lors que :

- il n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail ;

- il est par ailleurs insuffisant au regard des moyens du groupe auquel appartient la société Île-de-France Poids Lourds ;

- la procédure d'information/consultation de la délégation unique du personnel n'a pas été menée régulièrement.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Les parties ont été averties que l'arrêt serait lu le jour de l'audience à 16 heures 30.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Orio,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Substelny pour M. A... et de Me C...pour la société Île-de-France Poids Lourds.

1. Considérant que dans le cadre d'une réorganisation de l'activité poids lourds (pièces détachées et maintenance) du groupe Autodistribution, la société Île-de-France Poids Lourds, dont elle est une filiale indirecte détenue à 100%, a racheté en février 2014 à la société Autodistribution Bassin Parisien Nord les fonds de commerce de cette entreprise consacrés à l'exploitation de l'activité poids lourds ; qu'au vu de la dégradation des résultats de l'entreprise, les dirigeants de la société Île-de-France Poids Lourds ont présenté, le 24 octobre 2014, aux représentants du personnel un plan de restructuration prévoyant un maximum de vingt-cinq suppressions d'emplois ; que les négociations engagées dans le but d'obtenir un accord collectif majoritaire ayant échoué, la société Île-de-France Poids Lourds, après avoir consulté la délégation unique du personnel, a demandé le 19 janvier 2015 à la DIRECCTE d'Île-de-France l'homologation d'un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi ; que cette homologation est intervenue le 27 janvier 2015 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-24-4 du même code : " A défaut d'accord (...), un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité d'entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en oeuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L.1233-24-1 à L.1233-24-4. (...) II. Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, (...) le document mentionné à l'article L.1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L.1233-57-1 à L.1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéa de l'article L.1233-57-4 et à l'article L.1233-57-7 (...)" ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 1233-57-3 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L.1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise et (...) le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1 (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du même code ; qu'à ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont disposent l'entreprise et, le cas échéant, l'unité économique et sociale et le groupe ;

4. Considérant qu'à ce titre, il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité ; que l'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise ; qu'en outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe ; que pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation ;

5. Considérant que si, dans les documents portés à la connaissance de la délégation unique du personnel le 24 octobre 2014, la société Île-de-France Poids Lourds a évoqué la possibilité de créer de nouveaux emplois, le projet de plan de sauvegarde de l'emploi qui a été produit lors de la première réunion d'information/consultation de la délégation, qui s'est tenue le 4 novembre 2014, ne présentait aucune liste de postes offerts au reclassement interne des salariés dont l'emploi serait supprimé ; que cette absence a d'ailleurs fait l'objet d'une observation adressée à l'employeur par la DIRECCTE dans son courrier du 25 novembre 2014 ; qu'en réponse à cette observation, la société Île-de-France Poids Lourds s'est engagée, dans son courrier en date du 3 décembre 2014, à annexer la liste des postes disponibles tant au sein de l'entreprise qu'au sein des autres sociétés du groupe au projet de plan de sauvegarde de l'emploi et de porter cette liste à la connaissance des instances représentatives du personnel dans les meilleurs délais ; que, toutefois, si lors d'une réunion du 10 décembre 2014, une liste de postes vacants proposés par d'autres sociétés du groupe Autodistribution a bien été portée à la connaissance des membres de la délégation unique du personnel, cette liste, annexée au plan de sauvegarde de l'emploi soumis à homologation ne comprenait aucun poste au sein de la société Île-de-France Poids Lourds ; que si, ultérieurement, le registre des entrées et sorties du personnel pour l'année 2014 a été porté à la connaissance des représentants du personnel, ce document, qui n'a jamais été annexé au projet de plan de sauvegarde de l'emploi, ne peut être regardé comme présentant des propositions de reclassement dès lors qu'il résulte des écritures mêmes de la société Île-de-France Poids Lourds que celle-ci n'entendait pas ouvrir au reclassement certains des postes devenus vacants au cours de l'année ; que, de même, si le projet de plan de sauvegarde de l'emploi soumis à homologation indiquait que sept postes seraient vacants à l'issue du projet de réorganisation, rien n'indiquait que ces postes seraient ouverts au reclassement ; que le plan de sauvegarde de l'emploi présenté par l'employeur à l'homologation ne précisait ainsi ni le nombre, ni la nature, et ni la localisation des emplois susceptibles d'être offerts au reclassement au sein même de la société Île-de-France Poids Lourds en méconnaissance des obligations légales ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Île-de-France Poids Lourds demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à

M. A...sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1501936 du 26 juin 2015 du Tribunal administratif de Versailles et la décision en date du 27 janvier 2015 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 15VE02782


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE02782
Date de la décision : 24/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SCP SUBSTELNY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-11-24;15ve02782 ?
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