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17/11/2015 | FRANCE | N°15VE00451

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 17 novembre 2015, 15VE00451


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des intérêts de retard correspondants auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 pour un montant total de 123 050 euros.

Par l'article 1er du jugement n° 1105630 du 3 décembre 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à cette demande, tout en rejetant, en l'article 2 de ce jugement, la demande présentée par

M. et Mme B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B...ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des intérêts de retard correspondants auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 pour un montant total de 123 050 euros.

Par l'article 1er du jugement n° 1105630 du 3 décembre 2014, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à cette demande, tout en rejetant, en l'article 2 de ce jugement, la demande présentée par M. et Mme B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 6 février et 15 octobre 2015, le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 1er de ce jugement ;

2° de remettre à la charge de M. et Mme B...les impositions dont la décharge a été prononcée par le tribunal.

Il soutient que :

- seule une fraction, soit 291 804 euros, de l'indemnité transactionnelle versée par la société Bunge à M. B...l'a été au titre du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) dans le cadre d'un reclassement interne au groupe et est, ainsi, exonérée d'impôt en application de l'article

80 duodecies du code général des impôts ; par suite, le tribunal a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que la circonstance que l'indemnité ait été fixée à la suite d'une transaction globale visant à prendre en compte l'ensemble du préjudice subi par M. B... du fait de la procédure de licenciement pour motif économique puis de son reclassement à Genève ne faisait pas obstacle, par elle-même, à l'application de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dès lors que cet accord était intervenu dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ;

- le surplus versé n'est exonéré que dans la limite des plafonds visés au deuxième alinéa du 1. de l'article 80 duodecies, lesquels s'appliquent en globalisant toutes les sommes perçues lors de la rupture du contrat de travail ; les premiers juges ont donc commis une erreur de droit en extournant les indemnités propres au plan de sauvegarde de l'emploi pour la mise en oeuvre de ces plafonds.

...................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon,

- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour M. et MmeB... ;

1. Considérant que le 8 septembre 2003, le groupe Bunge, après avoir racheté la société Céréol, qui employait, à son siège de Neuilly-sur-Seine, M. B...en qualité de directeur du " business development ", des ressources humaines, de la communication et des affaires réglementaires, a proposé à ce dernier, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) à la suite d'une restructuration des activités, un poste de " corporate affairs director " à Genève ; qu'en raison du refus de cette proposition de reclassement, l'intéressé a été licencié pour motif économique par lettre du 1er décembre 2003 notifiée le 5 décembre suivant ; que dès le

8 décembre, M. B...a fait valoir, auprès de son employeur, le caractère abusif de son licenciement, pour lequel il a réclamé des dommages et intérêts venant s'ajouter aux sommes dues dans le cadre du plan d'indemnisation du PSE ; que le 22 janvier 2004, M. B...a finalement accepté, compte tenu de la situation de l'emploi, l'offre de reclassement à Genève que la société Bunge lui avait à nouveau exceptionnellement offerte mais a, toutefois, maintenu ses prétentions indemnitaires au motif que ce reclassement entraînait un préjudice professionnel et familial grave ; qu'afin d'éteindre ce litige, les parties ont conclu le 26 janvier 2004 une transaction en vertu de laquelle la société Bunge a versé à M.B..., au titre de son licenciement, une somme brute globale et forfaitaire de 620 000 euros, incluant l'indemnité prévue par le PSE ainsi qu'une indemnité complémentaire, que l'intéressé n'a pas déclarée à l'impôt sur le revenu ; qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces et aux termes d'une proposition de rectification du

8 septembre 2006, l'administration fiscale a estimé que ne pouvait être exonérée, sur le fondement de l'article 80 duodecies du code général des impôts, que la fraction du total des indemnités n'excédant pas la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U de ce code, soit 360 000 euros ; qu'en conséquence, elle a rapporté au revenu imposable du contribuable de l'année 2004 une somme de 241 690 euros correspondant à la fraction de la base imposable excédant ce seuil, la base imposable ayant elle-même été déterminée en retranchant de l'indemnité brute d'un montant de 620 000 euros la part déductible de la CSG calculée hors indemnité conventionnelle fixée à 242 080 euros, soit 18 310 euros ; que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS relève appel du jugement du

3 décembre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil, en ce que, par l'article 1er, le tribunal a déchargé M. et Mme B...des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des intérêts de retard y afférents auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2004, à raison de la rectification sus-analysée pour un montant total de 123 050 euros ;

Sur les conclusions du ministre :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 1. (...) constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail, à l'exception des indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code du travail, des indemnités mentionnées à l'article L. 122-14-4 du même code ainsi que de la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n'excède pas le montant prévu par la convention collective de branche, par l'accord professionnel et interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. / La fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite exonérée en application du premier alinéa ne peut être inférieure ni à 50 % de leur montant ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de la moitié ou, pour les indemnités de mise à la retraite, du quart de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U " ;

3. Considérant qu'en cause d'appel, le ministre soutient que seule une part de l'indemnité transactionnelle versée à M. B...s'élevant à 291 084 euros a été perçue au titre du PSE et que le surplus, correspondant à une indemnité complémentaire négociée par l'intéressé hors PSE, n'est exonéré que dans la limite des plafonds visés au deuxième alinéa du 1. de l'article 80 duodecies du code général des impôts, lesquels s'appliquent en globalisant l'ensemble des sommes perçues lors de la rupture du contrat de travail, y compris celles afférentes au PSE ;

4. Considérant, toutefois, qu'il ressort des dispositions précitées du 1. de l'article

80 duodecies que " la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite exonérée en application du premier alinéa ", dont l'exonération est plafonnée en application du deuxième alinéa, n'inclut pas les indemnités de licenciement versées dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; que, par suite, dans le cas où un salarié perçoit, en plus d'une indemnité au titre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, laquelle est totalement exonérée en vertu du premier alinéa, une indemnité transactionnelle visant à réparer des préjudices autres que ceux couverts par son indemnité de licenciement versée dans le cadre d'un tel plan et ainsi soumise au seuil d'exonération du deuxième aliéna, il ne ressort pas des dispositions en cause que le dépassement de ce seuil doive être apprécié en tenant compte de la totalité des indemnités perçues ; qu'à cet égard, et à supposer même que lesdites dispositions puissent être regardées comme recelant une ambiguïté sur ce point, il ne résulte pas des travaux préparatoires de la loi dont elles sont issues et desquels le ministre se borne à extraire quelques principes généraux, que le législateur ait entendu, pour l'appréciation du seuil d'exonération fixé au deuxième alinéa, faire masse des indemnités soumises au régime d'exonération partielle de cet alinéa et de celles éligibles au régime d'exonération totale institué par le premier alinéa ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a estimé que les requérants étaient fondés à se prévaloir - outre du régime d'exonération pour l'ensemble des sommes perçues dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi - du régime d'exonération plafonnée pour la fraction d'indemnité transactionnelle perçue en application de la transaction conclue le 26 janvier 2004 sans qu'il y ait lieu de faire masse de la totalité des sommes perçues pour le calcul du plafond d'exonération ;

5. Considérant, par suite, qu'à supposer même que le montant de l'indemnité versée à M. B...dans le cadre du PSE doive être limité à 291 084 euros - ce qui est contesté par les requérants qui font valoir que ladite indemnité s'élève en réalité à 484 510 euros -, l'indemnité complémentaire s'établirait ainsi à 328 916 euros correspondant à une base imposable, après déduction de la CSG déductible, de 312 294 euros, inférieure à la moitié de la première tranche du tarif de l'impôt de solidarité sur la fortune fixé à l'article 885 U du code général des impôts pour l'année en litige, soit 360 000 euros ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le tribunal a jugé qu'alors que l'indemnité perçue au titre du PSE devait être totalement exonérée, il en était de même de l'indemnité complémentaire transactionnelle, dès lors qu'à elle seule, cette dernière n'excédait pas le seuil fixé au 2ème alinéa du 1. de l'article 80 du code général des impôts ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé M. et Mme B...des impositions en litige ;

Sur les conclusions de M. et Mme B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation " ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS est rejeté.

Article 2 : L'État versera à M. et Mme B...une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 15VE00451


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00451
Date de la décision : 17/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-07-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Traitements, salaires et rentes viagères. Personnes et revenus imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : CABINET ALERION

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-11-17;15ve00451 ?
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