Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés le 11 et le 17 septembre 2014, présentés pour M. L...H..., Mme I...H..., M. M...H..., M. K...H..., M. C...H..., M. F...H..., demeurant..., Mme B...H..., Mme G...H..., demeurant..., Mme E...H..., demeurant..., M. D...H..., demeurant ... et M. A...H..., demeurant..., par Me Heurton, avocat ; les requérants demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1303741 du
17 juillet 2014 ;
2° de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Robert Ballanger à verser à
M. L...H...une somme de 283 113, 32 euros au titre des divers préjudices subis ;
3° de condamner le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger à verser à
Mme I...H...et M. M...H...une somme de 15 000 euros chacun, ainsi qu'une somme de 10 000 euros chacun à M. K...H..., M. C...H...,
M. F...H..., Mme B...H..., Mme G...H..., Mme E...H..., M. D...H...et M. A...H...au titre du préjudice d'affection ;
4° de mettre à la charge de centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens ;
Ils soutiennent que :
- le centre hospitalier a commis une faute dans l'organisation du service en raison d'un manque de coordination des différents services et d'un défaut de surveillance ;
- il existe un lien de causalité direct et certain entre la faute précitée et l'accident de
M. L...H... ;
- M. L...H...a subi une perte de chance d'éviter l'accident en raison de la faute commise par le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger ;
- M. L...H...a subi des préjudices patrimoniaux (dépenses de santé, tierce personne temporaire, préjudice scolaire et professionnel), physiques (souffrance et handicap), esthétiques et d'agrément ;
- les parents ainsi que les frères et soeurs de M. L...H...ont subi un préjudice d'affection ;
......................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2015 :
- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me J...pour le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger ;
1. Considérant que M. L...H...a fait l'objet le 18 septembre 2001, alors qu'il était âgé de 23 ans, d'une mesure d'hospitalisation sans son consentement au sein de l'hôpital Paul Giraud de Villejuif ; qu'il a été transféré au CHI Robert Ballanger
d'Aulnay-Sous-Bois le 25 septembre suivant ; que le 29 octobre de la même année, M. H... s'est enfui du CHI ; que le 9 novembre 2002, l'intéressé a été admis au service des urgences du CHI Robert Ballanger mais a pu repartir accompagné de sa famille alors qu'il était toujours placé sous le régime de l'hospitalisation sous contrainte et déclaré en fugue ; que le
8 février 2003, M. L...H...a été percuté par un train en Belgique ; qu'il a été transféré au service orthopédique du CHI Robert Ballanger le 6 mars 2003 ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :
" I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;
3. Considérant, en premier lieu, que M. L...H..., alors âgé de 23 ans, a été placé en hospitalisation d'office au sein du service de psychiatrie du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger à compter du 25 septembre 2001 en raison de troubles mentaux ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise du 27 septembre 2010, que le patient, alors même que ses médecins référents avaient signalé la nécessité d'une surveillance accrue sur sa personne, a pu s'échapper du centre hospitalier le 29 octobre 2001 ; qu'il ressort de ces faits et du rapport d'expertise précité que le centre hospitalier, qui connaissait les risques de fugue du patient et n'a pas mis en oeuvre la surveillance nécessaire à son égard, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
4. Considérant, en second lieu, que le 9 novembre 2002, M. L...H...a été retrouvé et reconduit au service des urgences du même centre hospitalier qui l'a laissé ensuite repartir sans en informer le service de psychiatrie et alors même que la mesure d'hospitalisation d'office était toujours en vigueur ; que ces évènements sont révélateurs d'un défaut de coordination entre les services du centre hospitalier, défaut qui a rendu possible la sortie du patient de l'établissement alors qu'il faisait toujours l'objet d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte ; que par suite, c'est à bon droit que les consorts H...soutiennent que le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger a commis une faute dans l'organisation du service ;
5. Considérant que les préjudices subis par M. L...H...sont la résultante directe de son accident, intervenu le 8 février 2003, soit trois mois après son passage au service des urgences du CHI ; que le comportement de M. H...démontre sa volonté de se soustraire au traitement de sa pathologie dont il résulte de l'instruction qu'elle est d'une incontestable gravité ; qu'en laissant repartir M. H...du service des urgences le
9 novembre 2002, le CHI Robert Ballanger a ainsi commis une faute qui, au regard de ces éléments, exposait l'intéressé à ce qu'il fut victime de l'accident qui s'est produit le
8 février 2003 ; que c'est par conséquent à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a jugé que le lien de causalité entre la faute commise par le CHI Robert Ballanger et l'accident survenu le 8 février 2003 n'était pas suffisamment direct pour engager sa responsabilité ;
6. Considérant que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de se prononcer sur l'ensemble des moyens et conclusions des consortsH... ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts H...sont fondés à demander que le CHI Robert Ballanger soit condamné à les indemniser des préjudices nés pour eux de l'accident dont a été victime M. L...H...le 8 février 2003 ;
8. Considérant, toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'il y a lieu, en l'espèce, compte tenu de la période de trois mois qui s'est écoulée entre la sortie fautive de M. H...du service des urgences du CHI Robert Ballanger et l'accident du
8 février 2003 de fixer cette perte de chance à 20 % ;
Sur les préjudices de M. L...H... :
9. Considérant que si M. H...demande la somme de 6 377,32 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles, les pièces justificatives versées au dossier ne permettent de regarder comme établies que les sommes de 994,49 euros facturée par le CHU Saint-Pierre de Bruxelles et de 999,97 euros facturée par le CHI Robert Ballanger au titre de l'hospitalisation de l'intéressé entre le 6 mars et le 4 juin 2003 ; que, toutefois, M. H...ayant été maintenu sous le régime de l'hospitalisation sous contrainte jusqu'au 1er juin 2003, la somme correspondant à cette période d'hospitalisation ne peut être regardée comme imputable à l'accident survenu le 8 février 2003 ; qu'il y aura lieu de mettre à la charge du
CHI Robert Ballanger la somme de 198,90 euros ;
10. Considérant que M. H...évalue à 13 076 euros l'indemnité qui lui serait due au titre de l'aide par tierce personne provisoire ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du docteur Chanzy, que l'état de santé de M. H...a été consolidé le 22 mai 2004 ; que si le rapport ne s'est aucunement prononcé sur le besoin de M. H...de bénéficier de l'aide d'une tierce personne pour accomplir les actes de la vie quotidienne, au regard de l'état du membre inférieur gauche de l'intéressé, il peut être retenu qu'il a eu besoin d'une aide par tierce personne à raison d'une heure par semaine entre sa sortie de l'hôpital et le 21 novembre 2003, date à laquelle l'expert relève que l'appui sur la jambe gauche est complet et indolore ; que M. H...n'ayant pas fait appel à une personne rémunérée pour l'aider à accomplir les taches de la vie courante, le montant de l'indemnité qui lui est due à ce titre sera calculé sur la base de la valeur du SMIC horaire applicable à la date des faits majorée de 40 % pour tenir compte des charges patronales applicables ; que toutefois, la somme proposée à ce titre par le CHI Robert Ballanger étant supérieure à la somme de 340,23 euros due à l'intéressé, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 348 euros ;
11. Considérant que si M.H..., qui n'invoque aucune perte de revenus, sollicite la somme de 103 680 euros au titre de son préjudice scolaire et de l'incidence professionnelle du dommage, il résulte de l'instruction que, d'une part, l'intéressé n'avait pas la qualité d'étudiant au moment de l'accident et que, d'autre part, s'il avait travaillé quelques mois en 2001 en qualité d'agent de sécurité, il n'avait pas d'activité professionnelle stable ; qu'il ne résulte aucunement de l'instruction que son état de santé mentale, indépendamment des séquelles physiques liées à l'accident du 8 février 2003, aurait été compatible avec un emploi dans le domaine de la sécurité ; que l'incidence professionnelle invoquée présente donc un caractère purement éventuel et ne peut être indemnisée ;
12. Considérant que M. H...demande l'allocation d'une somme de 32 180 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire ; que l'intéressé a subi une incapacité temporaire totale du 5 février au 21 novembre 2003 puis une incapacité temporaire partielle, dont le taux peut être fixé à 25 %, entre le 22 novembre 2003 et le 22 mai 2004, date de la consolidation de son état ; qu'il y a lieu d'accorder à ce titre la somme de 560 euros ;
13. Considérant que M. H...demande une somme de 45 000 euros en réparation des souffrances qu'il a endurées ; que dans son rapport d'expertise, le docteur Chanzy a coté ce poste de préjudice à 4,5/7 ; qu'il y a lieu de mettre à la charge du CHI Robert Ballanger la somme de 1 440 euros à ce titre ;
14. Considérant que M. H...sollicite une somme de 4 000 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que M. H...aurait, pendant la période précédant sa consolidation, subi une dégradation notable de son apparence physique ; que, dans son rapport d'expertise, le docteur Chanzy n'a pas retenu l'existence d'un tel préjudice ; qu'il n'y a pas lieu d'accorder à M. H...la somme qu'il demande à ce titre ;
15. Considérant que M. H...demande une somme de 52 800 euros en réparation de son déficit fonctionnel permanent ; que, dans son rapport, le docteur Chanzy a évalué à 22 % le taux d'incapacité permanente partielle de l'intéressé ; que, compte tenu de son âge, il y a lieu d'accorder à l'intéressé la somme de 6 000 euros ;
16. Considérant que si M. H...demande la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément, il n'établit pas, par les pièces versées au dossier, qu'il pratiquait régulièrement et assidument des activités sportives ; que sa demande sera écartée ;
17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique permanent de M. H...a été coté à 3/7 par l'expert ; qu'il y a lieu de lui accorder la somme de 700 euros à ce titre ;
Sur les droits des victimes indirectes :
18. Considérant que les parents de M. H...demandent une somme de
15 000 euros chacun en réparation de leur préjudice d'affection ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et en tenant compte du handicap définitif dont souffre M.H..., de fixer à 800 euros le montant de l'indemnisation due au titre de ce préjudice pour chacun des parents de l'intéressé ; que, s'agissant des frères et soeurs de M.H..., il sera fait une juste évaluation de leur préjudice en mettant à la charge du CHI Robert Ballanger la somme de
200 euros chacun ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis :
19. Considérant que si la caisse primaire d'assurance maladie de la
Seine-Saint-Denis conclut à ce qu'une somme de 75 635,47 euros soit mise à la charge du
CHI Robert Ballanger, il ressort des pièces mêmes produites par la caisse que cette somme comprend, d'une part, la somme de 7 438, 87 euros au titre de l'hospitalisation de M. H...au sein du CHU Saint-Pierre de Bruxelles du 5 février au 6 mars 2003 et, d'autre part, la somme de 68 196,60 euros correspondant à l'hospitalisation de l'intéressé au sein du
CHI Robert Ballanger du 6 mars au 4 juin 2003 ; que, toutefois, M. H...étant demeuré sous le régime de l'hospitalisation sous contrainte jusqu'au 1er juin 2003, et nonobstant les mentions contraires, nécessairement erronées, de l'attestation d'imputabilité établie le
17 juillet 2015 par le médecin conseil de la caisse, l'hospitalisation de M. H...entre le
6 mars 2003 et le 1er juin 2003 ne peut être imputée aux seules conséquences de l'accident dont a été victime l'intéressé ; qu'il y a par conséquent lieu d'écarter les mentions de cette attestation et de considérer que seule la somme de 7 438,87 euros doit être prise en compte pour établir le montant total des dépenses de santé qui doivent être mises à la charge du CHI Robert Ballanger ; que tenant compte du taux de perte de chance fixé ci-dessus à 20 %, il y a lieu de mettre à la charge du CHI la somme totale de 1 686,67 euros ; que la somme de 198,90 euros ayant été accordée prioritairement à M.H..., conformément aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis peut prétendre à l'allocation d'une somme de 1 487,76 euros ; que cette somme portera intérêts à compter du 10 octobre 2013, date d'enregistrement de sa première demande devant le Tribunal administratif de Montreuil ;
20. Considérant que, conformément aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis peut prétendre à une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 037 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1du code de justice administrative :
21. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsH..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le CHI Robert Ballanger au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHI Robert Ballanger la somme de
1 500 euros au titre de ces mêmes frais d'une part, au bénéfice des consorts H...et, d'autre part, à celui de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1303741 rendu le 17 juillet 2014 par le Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : Le CHI Robert Ballanger versera à M. L...H...la somme de
9 246,90 euros.
Article 3 : Le CHI Robert Ballanger versera à M. M...H...et
Mme I...H...la somme de 800 euros chacun.
Article 4 : Le CHI Robert Ballanger versera à Belaid, Mohamed, Fesal, Taher, Khalid, Rabia, Loubna et Fahiza H...la somme de 200 euros chacun.
Article 5 : Le CHI Robert Ballanger versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la
Seine-Saint-Denis la somme de 1 487,76 euros.
Article 6 : Le CHI Robert Ballanger versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la
Seine-Saint-Denis la somme de 1 037 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 7 : Le CHI Robert Ballanger versera, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros, d'une part, aux consorts H...et, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis.
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N° 14VE02749 2