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08/10/2015 | FRANCE | N°14VE03608

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 08 octobre 2015, 14VE03608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, l'arrêté du 31 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement

n° 1407727-1407753 du 4 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du Tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Essonne l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office, d'autre part, l'arrêté du 31 octobre 2014 par lequel le préfet de l'Essonne a décidé son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours.

Par un jugement n° 1407727-1407753 du 4 novembre 2014, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 décembre 2014, M.B..., représenté par Me Berdugo, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 27 octobre 2014 ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas saisi pour avis le médecin de l'agence régionale de santé, contrairement aux prescriptions des articles L. 313-11 (11°), L. 511-4 (10°) et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 8 juillet 1999 ;

- son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et les médicaments qui lui sont prescrits en France ainsi que le suivi régulier dont il a besoin n'existent pas dans son pays d'origine ;

- en ordonnant son éloignement, le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste d'appréciation.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Haëm été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant camerounais né le 8 février 1972, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 4 novembre 2014 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 27 octobre 2014 l'obligeant à quitter le territoire français, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, M. B...justifie être entré régulièrement sur le territoire français le 25 janvier 2004 ; que, par suite, l'arrêté attaqué portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 ; que, toutefois, cette mesure d'éloignement trouve son fondement légal dans les dispositions du 3° du I du même article L. 511-1 qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, ayant fait l'objet le 12 mars 2009 d'un refus de renouvellement de titre de séjour, notifié le 23 avril 2009, M. B...se trouvait dans la situation où, en application du 3° du I de l'article L. 511-1, le préfet pouvait l'obliger à quitter le territoire français, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux trois premiers alinéas de l'article R. 313-22. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 dudit code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie qu'elles prévoient des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, recueillir préalablement l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

6. Considérant qu'en l'espèce, M. B...n'établit pas avoir, notamment par la production d'éléments suffisamment circonstanciés, informé le préfet de la nature et de la gravité des pathologies dont il souffre et qui, selon lui, auraient dû conduire cette autorité à solliciter l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en l'absence d'un tel avis, la mesure d'éloignement litigieuse aurait été édictée au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, d'autre part, que M. B...fait valoir qu'il souffre de bipolarité et d'un diabète de type 2 et soutient que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que les médicaments qui lui sont prescrits en France, notamment le Lepticur et le Deroxat, ainsi que le suivi régulier dont il a besoin n'existent pas dans son pays d'origine ; que, toutefois, ni les données générales fournies par le requérant sur le système de santé et les offres de soins prévalant au Cameroun, ni les certificats médicaux qu'il produit, établis les 4 novembre 2014, 18 décembre 2014, 7 janvier 2015 et 16 janvier 2015, dont aucun ne fait état de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont l'intéressé est originaire, ne permettent d'établir que les traitements et suivis médicaux dont M. B... a besoin, n'existeraient pas dans son pays d'origine ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne aurait fait une inexacte application des dispositions précitées des articles L. 313-11 (11°) et L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant que M. B... soutient qu'il a établi le centre de ses attaches personnelles et familiales en France où il séjourne depuis 2004 et qu'il vit en concubinage depuis plusieurs années avec une ressortissante française ; que, toutefois, le requérant ne justifie pas, par la seule production d'une attestation de sa compagne, de l'ancienneté et de la stabilité de la relation dont il se prévaut ; qu'en outre, il ne justifie pas davantage d'une quelconque insertion sociale ou professionnelle sur le territoire français ; que, par ailleurs, l'intéressé qui a fait l'objet le 3 décembre 2009 d'une condamnation à une peine de deux mois d'emprisonnement pour soustraction à une mesure de reconduite à la frontière et rébellion, a fait l'objet également de plusieurs signalements, au demeurant non contestés, notamment pour des faits de violences ou de prise de nom d'un tiers ou usurpation d'identité ; qu'enfin, le requérant n'établit pas, ni n'allègue d'ailleurs, être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour en France de M. B..., l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas été pris en méconnaissance des stipulations précitées ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 27 octobre 2014 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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N° 14VE03608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE03608
Date de la décision : 08/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : CABINET KOSZCZANSKI et BERDUGO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-10-08;14ve03608 ?
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