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08/10/2015 | FRANCE | N°14VE00722

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 08 octobre 2015, 14VE00722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AÉROPORTS DE PARIS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

- de condamner solidairement les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas à lui verser la somme de 320 989,46 euros HT en réparation des désordres d'infiltrations au travers de la voûte en béton du satellite A du terminal 2 de l'aéroport de Paris Charles-de-Gaulle ;

- de condamner solidairement les sociétés Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 192 550

,54 euros HT en réparation des désordres d'infiltrations entre la voûte en béton et les ver...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société AÉROPORTS DE PARIS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

- de condamner solidairement les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas à lui verser la somme de 320 989,46 euros HT en réparation des désordres d'infiltrations au travers de la voûte en béton du satellite A du terminal 2 de l'aéroport de Paris Charles-de-Gaulle ;

- de condamner solidairement les sociétés Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 192 550,54 euros HT en réparation des désordres d'infiltrations entre la voûte en béton et les verrières de cet ouvrage ;

- de condamner solidairement les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France, Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 121 331, 28 euros HT au titre des frais d'investigation exposés pour la recherche des causes de ces désordres ;

- de dire et juger que ces sommes seront réactualisées selon l'indice BT 01 au jour du jugement et majorées des intérêts légaux à compter de la date de la demande devant le tribunal ;

- de condamner solidairement les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France, Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 19 977,12 euros TTC au titre des frais d'expertise judiciaire.

Par un jugement n° 1210223 du 31 décembre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 5 mars 2014 et le 12 juin 2015, la société AÉROPORTS DE PARIS, représentée par Me Marquet, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner solidairement les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas à lui verser la somme de 320 989,46 euros HT en réparation des désordres d'infiltrations au travers de la voûte en béton du satellite A du terminal 2 de l'aéroport de Paris Charles-de-Gaulle ;

3° de condamner solidairement les sociétés Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 192 550,54 euros HT en réparation des désordres d'infiltrations entre la voûte en béton et les verrières de cet ouvrage ;

4° de dire et juger que ces sommes seront réactualisées selon l'indice BT 01 au jour de l'arrêt à intervenir et majorées des intérêts légaux à compter de la date de la demande en première instance ;

5° de condamner solidairement les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France, Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui payer la somme de 121 331,28 euros HT, assortie des intérêts légaux à compter de la demande en première instance, au titre des frais d'investigation exposés pour la recherche des causes de ces désordres ;

6° de condamner solidairement les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France, Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 19 977,12 euros TTC, assortie des intérêts légaux à compter de la demande en première instance, au titre des frais d'expertise judiciaire ;

7° à titre subsidiaire, de condamner la société Bouygues Bâtiment Ile de France à lui rembourser 63 % des frais d'investigation et d'expertise exposés, la société Eiffel Construction Métallique 27 % de ces frais et la société Bureau Veritas 10 % desdits frais, les sommes assorties des intérêts légaux à compter de la demande en première instance, ou, à titre infiniment subsidiaire, selon toute autre répartition qu'il plaira à la Cour de fixer ;

8° de mettre à la charge solidaire des sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France, Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas la somme de 18 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'agissant des infiltrations se produisant au travers de la voûte en béton, c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que les désordres revêtaient un caractère apparent lors de la réception des travaux ou lors de la levée des réserves ; en effet, ces désordres résultent d'une malfaçon grossière et généralisée relevant exclusivement d'une faute d'exécution des travaux effectués pour la réalisation des barbacanes, sans respect ni du plan d'exécution fourni par le sous-traitant ni des règles de l'art, alors que le cahier des clauses techniques particulières attirait l'attention de l'entreprise attributaire du lot sur la nécessité de veiller à assurer la continuité de l'étanchéité ; cette malfaçon n'était pas connue ni apparente lors de la réception des travaux alors que la partie de l'ouvrage n'était plus visible à cette date, que les infiltrations sont survenues dans toute leur ampleur après réception et que les réserves émises portaient en réalité sur des désordres soit distincts, soit ponctuels ; les désordres n'étaient pas plus visibles lors de la levée des réserves, laquelle est intervenue après que les entreprises soient intervenues pour régler ces réserves et faire cesser, sur le terrain de la garantie du parfait achèvement, les infiltrations survenues après réception ; ainsi, la responsabilité des sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas peut être recherchée sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et suivants du code civil ;

- compte tenu des stipulations du cahier des clauses techniques particulières et du plan d'exécution fourni, il ne peut être retenu à son encontre une quote-part de responsabilité de 25 %, aucune faute ne pouvant lui être reprochée, qu'il s'agisse d'un défaut de conception ou d'une défaillance dans le suivi des travaux ;

- s'agissant des infiltrations se produisant à la liaison entre la voûte en béton et les verrières, c'est également à tort que les premiers juges ont considéré que les désordres revêtaient un caractère apparent lors de la réception des travaux ou lors de la levée des réserves ; en particulier, ces désordres, qui résultent d'une faute dans l'exécution des travaux de pose de la membrane, n'étaient pas apparents lors de la réception des travaux alors que la partie de l'ouvrage n'était plus visible à cette date et que ces désordres sont survenus, par définition, avec le temps ; ainsi, la responsabilité des sociétés Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale ;

- il ne peut être retenu à son encontre une quote-part de responsabilité de 30 %, aucune faute ne pouvant lui être reprochée, y compris en matière de surveillance des travaux ;

- elle est fondée à rechercher une condamnation solidaire pour le montant des frais d'investigation et d'expertise des sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Eiffel Construction Métallique dès lors qu'il est constant que, par leurs fautes respectives, elles ont contribué à l'entier préjudice ;

- en toute hypothèse, elle conserve, en sa qualité de maître d'oeuvre, la possibilité de mettre en jeu la responsabilité des sociétés mises en cause sur un fondement extracontractuel, ainsi qu'elle l'avait indiqué dans sa note en délibéré enregistrée le 18 décembre 2013 devant le tribunal administratif.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Marquet, pour la société AÉROPORTS DE PARIS, Me A..., substituant MeD..., pour la société Eiffel Construction Métallique, et Me B..., pour la société Bureau Veritas.

1. Considérant que, pour la construction du satellite A du terminal 2 de l'aéroport

Paris-Charles-de-Gaulle, l'établissement public Aéroports de Paris, devenue la société AÉROPORTS DE PARIS, a confié à un groupement d'entreprises constitué entre la société Bouygues Bâtiment Ile de France et la société Eiffel Construction Métallique l'exécution des travaux relevant du lot n° 50X " clos et couvert " du marché public n° EA 97/85 conclu par acte d'engagement en date du 9 juin 1997 ; que le contrôle technique a été confié à la société CEP, devenue la société Bureau Veritas ; que les travaux de ce lot ont fait l'objet d'une réception le 17 mars 1999, avec effet au 25 février 1999, assortie de diverses réserves, notamment à raison d'infiltrations d'eau ; qu'à la suite de travaux de reprise ainsi que de l'acceptation d'une réfaction sur le prix total du marché, l'ensemble des réserves ont été levées le 20 février 2001 ; qu'en raison de nouveaux désordres d'infiltrations apparues en 2007 au travers de la voûte en béton de l'ouvrage et à la liaison entre la voûte et les verrières latérales, la société AÉROPORTS DE PARIS a sollicité auprès du Tribunal de commerce de Paris la désignation d'un expert qui a été désigné le 17 juillet 2008 et qui a déposé son rapport le 5 juillet 2010 ; que la société AÉROPORTS DE PARIS fait appel du jugement du 31 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire, sur le fondement de la garantie décennale, des sociétés Eiffel Construction Métallique, Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas à lui verser une indemnisation en réparation des désordres constatés ;

2. Considérant que, pour rejeter cette demande, le tribunal administratif a considéré que les désordres affectant l'ouvrage étaient apparents à la date de réception des travaux et également à la date de la levée des réserves et pouvaient être appréhendés dans toute leur ampleur par la société AÉROPORTS DE PARIS, qui avait exercé à la fois une mission de maîtrise d'ouvrage et de maîtrise d'oeuvre ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que les désordres affectant le satellite A du terminal 2 de l'aéroport de

Paris-Charles-de-Gaulle et constitués par des infiltrations d'eau se produisant, d'une part, au travers de la voûte en béton et, d'autre part, entre la voûte en béton et les verrières latérales, ont pour origine, respectivement, une discontinuité de l'étanchéité de la membrane revêtant l'ouvrage au niveau des barbacanes, dispositifs permettant l'écoulement des eaux pluviales, et le décollage et la déchirure de la membrane néoprène assurant la liaison entre la voûte et les verrières ; que si les réserves émises lors de la réception des travaux le 17 mars 1999 ont notamment porté sur des infiltrations d'eau ainsi que sur les imperfections de certains joints sur les verrières, il résulte de l'instruction que ces désordres ainsi relevés lors de la réception soit ont revêtu un caractère ponctuel ou de faible importance, sans commune mesure avec les désordres constatés après la levée des réserves et revêtant un caractère généralisé, notamment ceux constatés en 2007, soit sont sans rapport avec les désordres pour lesquels la société requérante recherche la responsabilité décennale des constructeurs ; que, par ailleurs, si le rapport d'expertise mentionne que les malfaçons qui sont la cause des désordres constatés après la levée des réserves, notamment ceux constatés en 2007, et qui concernent soit la réalisation des barbacanes, soit la pose de la membrane néoprène, sont " grossières ", il ne résulte ni de ce rapport, ni des autres éléments de l'instruction que la société AÉROPORTS DE PARIS aurait pu, à la date de la réception ou à la date de la levée des réserves, connaître la nature de ces vices et l'ampleur de leurs conséquences, alors surtout que les malfaçons en litige étaient indécelables, à ces dates, selon un examen normal de l'ouvrage, l'identification de ces vices ayant nécessité soit le dépôt de " cassettes " destinées à dissimuler l'aspect inesthétique de la membrane néoprène, soit, s'agissant des barbacanes, des sondages destructifs ; que, dans ces conditions, ni les désordres en litige, ni l'ampleur de leurs conséquences ne peuvent être regardés comme ayant été apparents à la réception des travaux ou à la date de la levée des réserves ; qu'il s'ensuit que la société AÉROPORTS DE PARIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a, pour ce motif, rejeté sa demande ;

3. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société AÉROPORTS DE PARIS tant devant le tribunal administratif que devant elle ;

Sur le principe de la mise en jeu de la garantie décennale des constructeurs :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres en litige, qui affectent le satellite A du terminal 2 de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, qui revêtent un caractère généralisé et se traduisent par des infiltrations d'eau, notamment dans la salle d'embarquement des passagers, sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; que, par suite, les désordres en cause sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale ;

Sur les responsabilités :

En ce qui concerne les désordres d'infiltrations au travers de la voûte en béton :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise, que les désordres dont il s'agit, caractérisés par des infiltrations au travers de la voûte en béton de l'ouvrage et qui ont pour origine une discontinuité de l'étanchéité de la membrane revêtant cet ouvrage au niveau des barbacanes permettant le passage des eaux pluviales, résultent, à titre principal, d'une malfaçon de ces barbacanes dont la réalisation par la société Bati France, sous-traitant de second rang de la société Bouygues Bâtiment Ile de France, ne s'est révélée être conforme ni aux règles de l'art, ni au plan d'exécution préparé par la société Smac, sous-traitant de la société Bouygues Bâtiment Ile de France ; qu'en particulier, la société Bati France a commis une faute grossière d'exécution en utilisant, afin d'assurer l'étanchéité, un matériau, du mastic, inapproprié, voire interdit pour la réalisation du revêtement d'étanchéité ; que, par suite, les désordres en cause sont imputables à la société Bouygues Bâtiment Ile de France, chargée de la réalisation de la voûte et, en particulier, de l'étanchéité de la toiture qu'elle a sous-traitée à la société Smac ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version alors applicable : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-24 du même code, dans sa version alors applicable : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20. " ;

7. Considérant, d'une part, que si, en vertu de l'article 4 de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, l'article L. 111-24 précité a été complété par les dispositions selon lesquelles : " Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage ", un contrôleur technique ne saurait utilement se prévaloir de ces nouvelles dispositions, au demeurant en l'espèce postérieures à la conclusion du marché passé par la société Bureau Veritas, envers le maître de l'ouvrage, créancier de la garantie décennale, dès lors qu'en tout état de cause, celles-ci ne limitent la responsabilité des contrôleurs techniques qu'à l'égard des autres constructeurs ;

8. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que la société Bureau Veritas s'est vu confier une mission de contrôle technique, lors de la conception et de l'exécution des travaux, portant notamment sur la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes, incluant l'étanchéité de la construction ; qu'eu égard à la technicité des travaux à réaliser et au caractère généralisé des malfaçons en cause affectant les barbacanes, la contribution de la société Bureau Veritas à la prévention des différents aléas techniques ne peut être regardée comme ayant été correctement effectuée ; que, par suite, les désordres en cause lui sont également imputables ;

9. Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un défaut de conception ou qu'une conception insuffisante puisse être imputée à la société AÉROPORTS DE PARIS, défaut ou insuffisance qui serait en partie à l'origine des désordres en cause ; qu'en effet, si le cahier des clauses techniques particulières peut apparaître succinct quant aux préconisations relatives à l'étanchéité de la voûte de l'ouvrage, le dispositif retenu a été précisément conçu par la société Smac, sous-traitant de la société Bouygues Bâtiment Ile de France, et mis en oeuvre par la société Bati France, sous-traitant de second rang ; qu'en outre, les désordres en cause n'ont pas pour cause, comme le relève l'expert dans son rapport, le plan d'exécution ainsi conçu par la société Smac, mais la faute grossière commise dans la réalisation des barbacanes ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction qu'en ne s'assurant pas du respect de ses propres préconisations quant à l'étanchéité de la voûte de l'ouvrage, à savoir la continuité de la membrane de couverture, ni des prescriptions définies par la société Smac, dont le plan d'exécution prévoyait, pour chaque barbacane, la mise en place d'un tube en inox et un retour d'étanchéité sur le fourreau PVC, et en ne relevant pas que les travaux réalisés étaient affectés d'une malfaçon grossière, l'établissement public Aéroports de Paris, devenu la société AÉROPORTS DE PARIS, qui exerçait la mission de maître d'oeuvre pour ces travaux, a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité encourue par les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas ; qu'il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en imputant 25 % de la responsabilité des désordres dont il s'agit au défaut de surveillance de la société AÉROPORTS DE PARIS ;

En ce qui concerne les désordres d'infiltrations entre la voûte en béton et les verrières :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise que les désordres dont il s'agit, caractérisés par des infiltrations entre la voûte en béton de l'ouvrage et les verrières latérales et qui ont pour origine le fait que la membrane néoprène assurant la liaison entre la voûte et les verrières est déchirée et décollée, résultent, à titre principal, d'un défaut dans la pose de cette membrane, celle-ci ayant été posée, par simple encollage sur le chant du verre, par la société Sos Murs Rideaux, sous-traitant de la société Eiffel Construction Métallique ; que, par suite, les désordres en cause sont imputables à la société Eiffel Construction Métallique, chargée de la réalisation de la membrane de liaison entre la voûte et les verrières, qu'elle a sous-traitée à la société Sos Murs Rideaux ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que la société Bureau Veritas ne saurait, ainsi qu'il a été dit au point 7, se prévaloir utilement des dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation pour soutenir que sa responsabilité serait nécessairement limitée à l'égard du maître de l'ouvrage ; que, par ailleurs et ainsi qu'il a été dit au point 8, la société Bureau Veritas s'est vu confier une mission de contrôle technique, lors de la conception et de l'exécution des travaux, portant notamment sur la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes, incluant l'étanchéité de la construction ; qu'eu égard au caractère généralisé des malfaçons en cause affectant la membrane de liaison entre la voûte et les verrières, la contribution de la société Bureau Veritas à la prévention des différents aléas techniques ne peut être regardée comme ayant été correctement effectuée ; que, par suite, les désordres en cause lui sont également imputables ;

12. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction qu'en ne s'assurant pas de la bonne mise en oeuvre de la membrane de liaison entre la voûte de l'ouvrage et les verrières latérales, surveillance ne présentant pas de difficultés particulières compte tenu de la nature des travaux, l'établissement public Aéroports de Paris, devenu la société AÉROPORTS DE PARIS, qui exerçait la mission de maître d'oeuvre pour ces travaux, a commis une faute de nature à atténuer la responsabilité encourue par les sociétés Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas ; qu'il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en imputant 30 % de la responsabilité des désordres dont il s'agit au défaut de surveillance de la société AÉROPORTS DE PARIS ;

Sur la réparation des désordres :

En ce qui concerne la réparation due au maître d'ouvrage :

13. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres d'infiltrations au travers de la voûte en béton de l'ouvrage, soit la réfection des barbacanes, s'élève à la somme de 320 989,46 euros HT ; qu'eu égard à la part de responsabilité à hauteur de 25 % laissée à la charge de la société AÉROPORTS DE PARIS, cette dernière est fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas à lui verser la somme de 240 742,09 euros en réparation de ces désordres ; que la société AÉROPORTS DE PARIS a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal de cette somme à compter du 5 décembre 2012, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres d'infiltrations entre la voûte en béton de l'ouvrage et les verrières, soit la réfection de la membrane, s'élève à la somme de 192 550,54 euros HT ; qu'eu égard à la part de responsabilité à hauteur de 30 % laissée à la charge de la société AÉROPORTS DE PARIS, cette dernière est fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 134 785,37 euros en réparation de ces désordres ; que la société AÉROPORTS DE PARIS a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal de cette somme à compter du 5 décembre 2012, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif ;

15. Considérant, enfin, que la société AÉROPORTS DE PARIS n'établit pas, ni n'allègue d'ailleurs, avoir été dans l'impossibilité financière ou technique de faire procéder aux réparations nécessaires à la date du dépôt du rapport de l'expert, soit le 5 juillet 2010, date à laquelle l'expert s'est placé pour déterminer la consistance et l'étendue des dommages ainsi que le coût des travaux de réparation ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander que les sommes qui lui sont dues soient réévaluées en fonction de la variation du coût de la construction ;

En ce qui concerne les appels en garantie :

16. Considérant, d'une part, que, s'agissant des désordres d'infiltrations au travers de la voûte en béton et eu égard à la part de responsabilité à hauteur de 25 % laissée à la charge de la société AEROPORTS DE PARIS, il sera fait une exacte appréciation des responsabilités des parties en regardant la société Bouygues Bâtiment Ile de France et la société Bureau Veritas comme ayant concouru à la survenance des désordres en cause à hauteur respectivement de 65 % et de 10 % ; qu'ainsi, il y a lieu de faire droit aux appels en garantie de ces deux sociétés et de condamner la société Bouygues Bâtiment Ile de France à garantir la société Bureau Veritas à hauteur de 87 % du montant de l'indemnité à laquelle elles sont condamnées solidairement et la société Bureau Veritas à garantir la société Bouygues Bâtiment Ile de France à hauteur de 13 % de ce montant ;

17. Considérant, d'autre part, que, s'agissant des désordres d'infiltrations entre la voûte en béton et les verrières et eu égard à la part de responsabilité à hauteur de 30 % laissée à la charge de la société AÉROPORTS DE PARIS, il sera fait une exacte appréciation des responsabilités des parties en regardant la société Eiffel Construction Métallique et la société Bureau Veritas comme ayant concouru à la survenance des désordres en cause à hauteur respectivement de 60 % et de 10 % ; qu'ainsi, il y a lieu de faire droit à l'appel en garantie de la société Bureau Veritas et de condamner la société Eiffel Construction Métallique à la garantir à hauteur de 86 % du montant de l'indemnité à laquelle elles sont condamnées solidairement ;

Sur les frais d'investigation :

18. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que les frais d'investigation engagés pour connaître la cause des désordres s'élève à la somme de 121 331,28 euros HT ;

19. Considérant que le groupement d'entreprises constitué entre la société Bouygues Bâtiment Ile de France et la société Eiffel Construction Métallique pour l'exécution des travaux relevant du lot n° 50X " clos et couvert " du marché public n° EA 97/85, ne correspondait pas à un groupement solidaire d'entreprises ; qu'en outre, les différents désordres en litige ne sont pas imputables, de manière commune, à ces deux sociétés ; que, par suite, la société AÉROPORTS DE PARIS n'est pas fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France, Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 121 331, 28 euros au titre des frais d'investigation ;

20. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de répartir les frais d'investigation, d'une part, au prorata du coût des travaux de réparation des deux désordres en litige, soit 62, 5 % au titre des désordres d'infiltrations au travers de la voûte en béton et 37, 5 % au titre des désordres d'infiltrations entre la voûte en béton et les verrières et, d'autre part et pour chaque désordre, en fonction des parts respectives de responsabilité du maître d'ouvrage et de chacun des constructeurs, soit 25 % pour la société AÉROPORTS DE PARIS, 65 % pour la société Bouygues Bâtiment Ile de France et 10 % pour la société Bureau Veritas s'agissant des premiers désordres, et 30 % pour la société AÉROPORTS DE PARIS, 60 % pour la société Eiffel Construction Métallique et 10 % pour la société Bureau Veritas s'agissant des autres désordres ; que, par suite et au titre de ces frais d'investigation, la société AÉROPORTS DE PARIS est fondée à demander la condamnation de la société Bouygues Bâtiment Ile de France à lui verser la somme de 49 290,83 euros, la société Eiffel Construction Métallique la somme de 27 299,53 euros et la société Bureau Veritas la somme de 12 133,12 euros ; que la société AÉROPORTS DE PARIS a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal de ces sommes à compter du 5 décembre 2012, date d'enregistrement de sa demande devant le Tribunal administratif ;

Sur les frais d'expertise :

21. Considérant que, pour les mêmes motifs exposés au point 19, la société AÉROPORTS DE PARIS n'est pas fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France, Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 19 977,12 euros au titre des frais d'expertise ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de répartir ces frais d'expertise, d'une part, au prorata du coût des travaux de réparation des deux désordres en litige et, d'autre part et pour chaque désordre, en fonction des parts respectives de responsabilité du maître d'ouvrage et des constructeurs ; qu'ainsi, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 19 977,12 euros, à la charge de la société Bouygues Bâtiment Ile de France à hauteur de 41 %, de la société AÉROPORTS DE PARIS à hauteur de 27 %, de la société Eiffel Construction Métallique à hauteur de 22 % et de la société Bureau Veritas à hauteur de 10 % ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AÉROPORTS DE PARIS, dont les conclusions subsidiaires présentées en sa qualité de maître d'oeuvre et tendant à la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs sur un fondement extracontractuel, se rattachent à une cause juridique distincte de celle qui fondait sa demande de première instance et sont, par suite et en tout état de cause, irrecevables, est seulement fondée à demander la condamnation solidaire des sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas à lui verser la somme de 240 742,09 euros, la condamnation solidaire des sociétés Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas à lui verser la somme de 134 785,37 euros, la condamnation de la société Bouygues Bâtiment Ile de France à lui verser la somme de 49 290,83 euros, la société Eiffel Construction Métallique la somme de 27 299,53 euros et la société Bureau Veritas la somme de 12 133,12 euros, ces sommes assortis des intérêts légaux à compter du 5 décembre 2012, ainsi que la répartition des frais d'expertise, telle qu'énoncée au point 19 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société AÉROPORTS DE PARIS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France, Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Bouygues Bâtiment Ile de France, la société Eiffel Construction Métallique et la société Bureau Veritas le versement d'une somme, respectivement, de 3 000 euros, 2 000 euros et 1 000 euros à la société AÉROPORTS DE PARIS sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1210223 du 31 décembre 2013 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas sont condamnées solidairement à verser à la société AÉROPORTS DE PARIS la somme de 240 742,09 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2012, au titre des désordres d'infiltrations au travers de la voûte en béton.

Article 3 : Les sociétés Eiffel Construction Métallique et Bureau Veritas sont condamnées solidairement à verser à la société AÉROPORTS DE PARIS la somme de 134 785,37 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2012, au titre des désordres d'infiltrations entre la voûte en béton et les verrières.

Article 4 : Les sociétés Bouygues Bâtiment Ile de France et Bureau Veritas sont condamnées à se garantir à hauteur, respectivement, de 87 % et de 13 % du montant de l'indemnité prévue à l'article 2.

Article 5 : La société Eiffel Construction Métallique est condamnée à garantir la société Bureau Veritas à hauteur de 86 % du montant de l'indemnité prévue à l'article 3.

Article 6 : La société Bouygues Bâtiment Ile de France, la société Eiffel Construction Métallique et la société Bureau Veritas sont respectivement condamnées à verser à la société AÉROPORTS DE PARIS la somme de 49 290,83 euros, la somme de 27 299,53 euros et la somme de 12 133,12 euros, au titre des frais d'investigation.

Article 7 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 19 977,12 euros, sont mis à la charge de la société Bouygues Bâtiment Ile de France à hauteur de 41 %, de la société AÉROPORTS DE PARIS à hauteur de 27 %, de la société Eiffel Construction Métallique à hauteur de 22 % et de la société Bureau Veritas à hauteur de 10 %.

Article 8 : La société Bouygues Bâtiment Ile de France, la société Eiffel Construction Métallique et la société Bureau Veritas verseront à la société AÉROPORTS DE PARIS une somme, respectivement, de 3 000 euros, 2 000 euros et 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 14VE00722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE00722
Date de la décision : 08/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SELARL ROCHERON-OURY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-10-08;14ve00722 ?
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