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29/09/2015 | FRANCE | N°12VE02932

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 septembre 2015, 12VE02932


Vu le recours, enregistré le 2 août 2012, présenté par le MINISTRE DELEGUE, CHARGE DU BUDGET, qui demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1007453 du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin (VZB) la restitution des retenues à la source d'un montant de 110 574 euros, 216 049 euros et 157 431 euros prélevées sur les dividendes de source française qui lui ont été distribués au cours des années 2005 à 2007 ;

2° de remettre à la charge de la VZB les retenues à la source d

ont la restitution a été accordée ;

Il soutient que :

- la demande de restituti...

Vu le recours, enregistré le 2 août 2012, présenté par le MINISTRE DELEGUE, CHARGE DU BUDGET, qui demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1007453 du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin (VZB) la restitution des retenues à la source d'un montant de 110 574 euros, 216 049 euros et 157 431 euros prélevées sur les dividendes de source française qui lui ont été distribués au cours des années 2005 à 2007 ;

2° de remettre à la charge de la VZB les retenues à la source dont la restitution a été accordée ;

Il soutient que :

- la demande de restitution est irrecevable faute pour la VZB de produire des documents établissant de manière probante la réalité des prélèvements opérés et leur reversement à l'administration fiscale ;

- en se bornant à produire ses statuts en allemand, la VZB n'établit pas remplir les conditions lui permettant d'être considérée comme un organisme sans but lucratif, à savoir une gestion désintéressée, une activité qui n'était pas en concurrence avec le secteur commercial et l'absence de relations privilégiées avec des entreprises ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 21 juillet 1959 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2015 :

- le rapport de M. Skzryerbak, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 25 septembre 2015, présentée pour la Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin ;

1. Considérant que la Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin (VZB), caisse de retraite des dentistes du Land de Berlin a perçu, de 2005 à 2007, des dividendes de source française qui ont été soumis à une retenue à la source de 25 %, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187-1 du code général des impôts ; qu'elle en a demandé, à titre principal, le remboursement total sur le fondement du principe de liberté de circulation des capitaux au sein de l'Union européenne ou, à titre subsidiaire, la restitution partielle, en se prévalant du taux réduit de 15 %, prévu à l'article 9 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 ; que, par un jugement en date du 27 avril 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la VZB la restitution totale de la retenue à la source ; que le MINISTRE DELEGUE, CHARGE DU BUDGET, relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir :

2. Considérant que le jugement a été notifié à la Direction des résidents à l'étranger et des services généraux le 30 avril 2012 ; que le recours du ministre a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 2 août 2012 ; qu'il a donc été enregistré dans le délai de deux mois qui commence à courir à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour transmettre au ministre le dossier de l'affaire, en vertu des dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la VZB et tirée de la tardiveté de l'appel doit être écartée ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de restitution :

3. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. (...) " ; qu'aux termes du 5 de l'article 206 de ce code, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition (...) sont assujettis audit impôt en raison : / (...) c. Des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent, à l'exception des dividendes des sociétés françaises, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis (...) " ; qu'aux termes du 5° bis du 1 de l'article 207 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, sont exonérés de l'impôt sur les sociétés " les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée " ; qu'aux termes du b du 1° du 7 de l'article 261, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée " les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (...) " ;

4. Considérant que si, en vertu des dispositions du c du 5 de l'article 206 du code général des impôts, combinées notamment avec celles de son 1, et avec celles du 5° bis du 1 de l'article 207, un organisme établi en France ayant pour objet de servir des pensions de retraite, tel qu'une caisse de retraite de base ou complémentaire, ou une société mutualiste, dont la gestion est désintéressée et dont les activités non lucratives restent significativement prépondérantes, est assujetti à l'impôt sur les sociétés à raison des revenus de capitaux mobiliers dont il dispose, les dividendes de sociétés établies en France perçus par cet organisme ne sont pas imposables ; que l'application de la retenue à la source au versement de dividendes de sociétés françaises à des organismes installés dans un autre Etat membre remplissant les mêmes conditions, constitue ainsi une restriction aux mouvements de capitaux ; que le régime d'exonération prévu par les dispositions des articles 206 et 207 du code général des impôts étant applicable à des associations, fondations et autres organismes à raison du caractère non lucratif de leur activité et non d'une charge d'intérêt général qui pèserait sur les seuls organismes résidents de France, cette restriction à la liberté de circulation des capitaux ne saurait être justifiée, pour ce motif, par l'existence d'une différence de situation objective entre les organismes français et ceux d'un autre Etat membre ; qu'ainsi, et faute que soit établie l'existence d'une raison impérieuse d'intérêt général, cette restriction méconnaît les stipulations de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne en tant qu'elle prive tout organisme installé dans un autre Etat membre de la faculté d'apporter la preuve qu'il pourrait bénéficier, s'il était établi en France, de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au c du 5 de l'article 206 à raison de la perception de dividendes de sociétés françaises ; qu'il appartient, à cette fin, à cet organisme d'établir, d'une part, que sa gestion présente un caractère désintéressé et, d'autre part, que les services qu'il rend ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où cet organisme intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, il peut bénéficier de cette exonération s'il exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et, à tout le moins, des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'il offre ;

5. Considérant que le ministre fait valoir que la VZB ne justifie pas d'une gestion désintéressée ; que la VZB n'apporte aucun élément permettant d'établir que sa gestion présente un caractère désintéressé ; qu'elle se borne à produire une traduction française de ses statuts ; que ces statuts prévoient que les membres du comité de gestion et ceux du comité de surveillance peuvent recevoir une indemnité ; que la VZB n'apporte aucune précision sur le montant de cette indemnité ; qu'ainsi, la VZB n'établit pas satisfaire aux conditions mentionnées au point 4 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'existence d'une atteinte à la liberté de circulation des capitaux pour ordonner la restitution à la VZB de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française qu'elle a perçus de 2005 à 2007 ;

7. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la VZB devant le tribunal administratif et le cas échéant devant la cour ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 : " Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que les impositions et les obligations y relatives auxquelles sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation. " ;

9. Considérant que la VZB n'établit pas le caractère désintéressé de sa gestion, ainsi qu'il a été dit au point 5 ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle est dans la même situation que les organismes à but non lucratif établis en France qui bénéficient d'une exonération d'impôt sur les dividendes qu'ils reçoivent de sociétés établies en France ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la retenue à la source prélevée sur les dividendes qu'elle a perçus méconnaîtrait les stipulations de l'article 21 de la convention fiscale franco-allemande doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et à ce que la retenue à la source dont la restitution a été accordée à la VZB soit remise à sa charge ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la VZB demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1007453 du 27 avril 2012 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La retenue à la source dont la restitution a été accordée à la Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin par les premiers juges pour un montant de 110 574 euros en 2005, 216 049 euros en 2006 et 157 431 euros en 2007 est remise à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de la Versorgungswerk der Zahnärztekammer aus Berlin sont rejetées.

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N° 12VE02932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02932
Date de la décision : 29/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. NICOLET
Rapporteur ?: M. Arnaud SKZRYERBAK
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-09-29;12ve02932 ?
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