La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2015 | FRANCE | N°14VE01917

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 07 juillet 2015, 14VE01917


Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2014, présentée pour Me C...D..., mandataire liquidateur de la société REPROTECHNIQUE dont le siège est 4 le Parvis

Saint-Maur à Saint-Maur Cedex (94106), par Me Douchin, avocat ;

La société REPROTECHNIQUE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1108127 en date du 12 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 août 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision de l'inspecteur du

travail du 17 février 2011 et refusant d'autoriser le licenciement de

M. E...A...;
...

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2014, présentée pour Me C...D..., mandataire liquidateur de la société REPROTECHNIQUE dont le siège est 4 le Parvis

Saint-Maur à Saint-Maur Cedex (94106), par Me Douchin, avocat ;

La société REPROTECHNIQUE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1108127 en date du 12 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 août 2011 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la santé a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 17 février 2011 et refusant d'autoriser le licenciement de

M. E...A...;

2° d'annuler cette décision ;

3° de rejeter les demandes de M. A...;

4° de mettre à la charge de M. A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société REPROTECHNIQUE soutient que :

- le recours hiérarchique devant le ministre du travail est tardif et irrecevable ;

- la décision du ministre du travail a été prise après l'expiration du délai de quatre mois prévu par l'article R. 2422-1 du code du travail ;

- le vote à main levée auquel ont procédé les membres du comité d'entreprise n'a pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, vicié la procédure ; les membres du comité d'entreprise ont voté dans le sens souhaité par le salarié ;

- elle a satisfait à son obligation de reclassement interne et externe, pour des emplois compatibles avec les conclusions du médecin du travail ; une rupture conventionnelle homologuée qui a été signée par une salariée victime de harcèlement moral est nulle ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2015 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Douchin, pour MeD..., et de MeB..., pour M. A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...A..., recruté le 5 décembre 1990 en qualité d'attaché commercial par la société REPROTECHNIQUE, spécialisée dans la reproduction numérique, et titulaire de mandats de délégué du personnel, membre et secrétaire du comité d'entreprise, a fait l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement, après avis médical du médecin de travail le déclarant inapte pour tout emploi dans l'entreprise, qui a été accordée par l'inspecteur du travail le 17 février 2011 avant d'être refusée par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé par une décision du 23 août 2011 à la suite du recours hiérarchique formé par 1'intéressé ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. " ; que dans le cas où le ministre statue sur un recours hiérarchique après 1'expiration du délai au terme duquel naît une décision implicite de rejet, sa décision doit être regardée comme ayant rapporté la décision implicite de rejet ; que nonobstant la circonstance que le refus d'autorisation délivré par l'inspecteur du travail soit créateur de droits pour le salarié, l'expiration du délai de quatre mois à l'issue duquel est intervenue une décision implicite de rejet ne fait pas obstacle à ce que, dans le délai de deux mois de recours contentieux qui suit 1'expiration du délai de quatre mois, le ministre rapporte la décision implicite de rejet et procède au retrait de la décision initiale créatrice de droits, dès lors qu'elles sont l'une et l'autre entachées d'illégalité ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision de l'inspecteur du travail du 17 février 2011 a été envoyée le lendemain par lettre recommandée qui n'a pu au plus tôt être notifiée à M. A...que le 19 février 2011 ; que par suite le délai de deux mois dont disposait le salarié, qui a commencé à courir le 20 février 2011 a expiré le 20 avril 2011 à 24 heures ; que par suite le recours hiérarchique formé par M. A...par courrier postal du 18 avril 2011 parvenu dans les services du ministre le 20 avril 2011, n'était pas tardif ;

4. Considérant, en second lieu, que si une décision implicite de rejet était effectivement intervenue le 21 août 2011, le ministre pouvait toutefois la retirer pour des motifs de légalité ; que par suite la société requérante ne peut soutenir que la décision du ministre est illégale en raison du seul dépassement du délai de quatre mois mentionné dans les dispositions précitées de l'article R. 2422-1 du code du travail ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-9 du code du travail : " L'avis du comité d'entreprise est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé " ;

6. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que, dans le cadre de la procédure de licenciement appliquée à M.A..., la société REPROTECHNIQUE a convoqué le comité d'entreprise qui s'est réuni le 17 décembre 2010 ; qu'il n'est pas contesté que l'avis alors émis ne résulte pas d'un vote à bulletins secrets mais d'un vote à main levée et que les membres de ce comité se sont prononcés favorablement pour ce licenciement ; que, dans ces conditions, l'inspecteur du travail était tenu de rejeter la demande dès lors que la méconnaissance de la règle prescrite par l'article R. 2421-9 précité du code du travail viciait substantiellement la procédure de licenciement dès lors qu'elle a eu nécessairement, dans ces circonstances, une influence sur le sens du vote ;

7. Considérant, en outre, qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé ; que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter le groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les sociétés du groupe Service Point Service dont fait partie la société REPROTECHNIQUE interviennent dans un domaine identique - les solutions de gestion documentaire - que leurs sites internet sont liés et qu'elles présentent le même logo et le même en-tête et que la société SPS espagnole a acheté 51 % des parts de la société française en 2011 ; qu'enfin des possibilités de permutation de personnel sont possibles entre les différentes sociétés SPS, comme le soulignent les correspondances des sociétés anglaise, norvégienne, américaine qui répondaient à des demandes de reclassement de la société REPROTECHNIQUE dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi de septembre 2010 ; qu'ainsi ces indices permettent, sans qu'il soit nécessaire de relever l'existence d'un comité de groupe, d'établir que les différentes sociétés SPS appartiennent à un même groupe au sein duquel les possibilités de reclassement devaient donc être recherchées ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par avis du 12 octobre 2010, et dans le cadre de la procédure de " danger immédiat " le médecin du travail a déclaré M. A... " inapte au poste et à tout poste de l'entreprise " ; que cependant en proposant le

4 janvier 2011 à ce salarié, qui a un statut de cadre, un poste de chauffeur livreur et un poste de responsable facturation, sans étendre ses recherches de reclassement à l'ensemble du groupe " Service Point Solutions " auquel elle appartient depuis mai 2008, la société REPROTECHNIQUE a méconnu son obligation de reclassement ; qu'elle ne peut pas notamment apporter la preuve d'avoir procédé à un examen particulier des possibilités de reclassement de M. A...en produisant des correspondances de plusieurs société européennes appartenant au même groupe, datées de septembre 2010 et ainsi antérieures à la procédure de licenciement ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société REPROTECHNIQUE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société la somme de 1 500 euros au profit de M. A... en application de l'article L. 761-1 dudit code ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société REPROTECHNIQUE est rejetée.

Article 2 : La société REPROTECHNIQUE versera à M. A...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

''

''

''

''

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE01917
Date de la décision : 07/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01-045 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection. Représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : ADES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-07-07;14ve01917 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award