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23/06/2015 | FRANCE | N°12VE02312

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 23 juin 2015, 12VE02312


Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2012, présentée pour M. et Mme C...A..., demeurant..., par Me Rang, avocat ;

M. et Mme A...demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1101577 en date du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge de cette cotisation supplémentaire et des pénalités correspondant

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3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2012, présentée pour M. et Mme C...A..., demeurant..., par Me Rang, avocat ;

M. et Mme A...demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1101577 en date du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge de cette cotisation supplémentaire et des pénalités correspondantes ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- les gains effectués lors de la levée d'option des actions nominatives constituent des plus-values de valeurs mobilières dès lors que la période d'indisponibilité a été respectée, et non comme le prétend l'administration des compléments de salaire ; par conséquent, et en application du c du I de l'article 163 bis du code général des impôts, ils doivent être imposés dans les conditions prévues à l'article 150-0 A du même code relatives aux plus-values de cession de valeurs mobilières, et non aux revenus de capitaux mobiliers comme l'a jugé à tort le tribunal ; cette analyse est confirmée par l'instruction 5 F-1-09 du 5 janvier 2009 (paragraphe n° 52), par l'instruction n° 5-1-01 du 3 juillet 2001, par la circonstance que la plus-value d'acquisition bénéficiait du seuil d'exonération des cessions de valeurs mobilières jusqu'à sa suppression et par l'assujettissement des gains d'acquisition à la contribution sur les revenus du patrimoine et non aux cotisations salariales de sécurité sociale en vertu de l'article 1600-0 C du code général des impôts ;

- en application de l'article 244 bis C du code général des impôts, la plus-value d'acquisition réalisée à l'occasion d'une cession de valeur mobilière par un non résident n'est pas imposable en France ; or, lors de la levée d'option en 2006, ils n'avaient pas leur résidence fiscale en France, mais en Belgique ; la plus-value était donc, en application de l'article 18 de la convention franco-belge, imposable en Belgique ;

- à titre subsidiaire, l'administration contrevient au principe de sécurité juridique en adoptant une interprétation des textes en contradiction avec sa propre doctrine et elle porte atteinte au droit au respect des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en modifiant rétroactivement les normes applicables alors qu'ils avaient l'espérance légitime de ne pas avoir à payer d'impôt en France sur un gain que le législateur français et l'administration fiscale considéraient à l'époque des faits comme une plus-value de valeurs mobilières et non comme un complément de salaire ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2015 :

- le rapport de Mme Bruno-Salel, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme A...demandent l'annulation du jugement du 27 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2006, ainsi que des pénalités correspondantes ainsi que la décharge de ces impositions ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Considérant que le 15 novembre 1999 et le 20 novembre 2002, la société Suez, établie en France, a attribué à son salarié, M. C...A..., sur le fondement des articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce, des options, assortie d'une période d'indisponibilité de cinq ans pour les premières et de quatre ans pour les secondes, permettant à l'intéressé d'acquérir à un prix privilégié des actions nominatives de la société ; que M. A...a transféré son domicile en Belgique le 31 août 2003, puis levé les options en cause les 21 septembre 2006 et 8 décembre 2006, après expiration de la période d'indisponibilité, réalisant à cette occasion des plus-values dites d'acquisition ; que les actions ainsi acquises ont été immédiatement revendues ; que la plus-value résultant de ces opérations n'a pas été déclarée à l'administration fiscale ; que cette dernière a toutefois estimé qu'en vertu de l'article 80 bis du code général des impôts, un tel avantage devait être imposé en France à l'impôt sur le revenu en tant que rémunération analogue aux traitements et salaires, au sens et pour l'application du 1 de l'article 11 de la convention fiscale franco-belge, pour la partie de cet avantage qui trouvait sa source en France ; que l'administration a mis à la charge de M. et MmeA..., sur ce fondement, le supplément d'imposition litigieux ;

3. Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

En ce qui concerne l'application du droit interne :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 80 bis du code général des impôts : " I. L'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option accordée dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce, et le prix de souscription ou d'achat de cette action constitue pour le bénéficiaire un complément de salaire imposable dans les conditions prévues au II de l'article 163 bis C " ; que le I de l'article 163 bis C du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige, prévoit une dérogation au principe d'imposition du gain de levée d'option à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires en soumettant cet avantage à un régime d'imposition spécifique, alors prévu à l'article 150-0 A ou à l'article 150 UB du code général des impôts, lorsque le bénéficiaire respecte un délai légal d'indisponibilité avant la cession et que les actions acquises revêtent la forme nominative ; que l'avantage défini à l'article 80 bis est ainsi imposé lors de la cession des titres au taux forfaitaire fixé au 6 de l'article 200 A du même code, sauf option du bénéficiaire pour l'imposition à l'impôt sur le revenu selon les règles applicables aux traitements et salaires ;

5. Considérant qu'il ressort des termes mêmes du I de l'article 80 bis du code général des impôts, rapprochés de ceux du II du même article, comparés à ceux des articles 150-0 A à 150-0 D du même code et éclairés par l'objet et le but poursuivis par les dispositions de la loi du 31 décembre 1970 dont est issu l'article 80 bis, que si l'éventuelle plus-value de cession ou gain net résultant, le cas échéant, de la différence entre le prix de cession des actions et leur prix d'acquisition doit être regardée comme un revenu de capitaux mobiliers entrant, faute de stipulations contraires, dans le champ de l'article 18 de la convention fiscale franco-belge, la plus-value d'acquisition éventuellement réalisée par le bénéficiaire d'options de souscription ou d'achat d'actions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et égale à la différence entre, d'une part, la valeur réelle de l'action à la date de levée d'option et, d'autre part, le prix de souscription ou d'achat de cette action, doit être regardée, en revanche, comme une rémunération analogue aux traitements et salaires imposable dans cette catégorie alors même que ce gain serait imposé selon le régime dérogatoire d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus ./ Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française " ; qu'aux termes de l'article 164 B du même code : " I. Sont considérés comme revenus de source française : (...) d. Les revenus tirés d'activités professionnelles, salariées ou non, exercées en France ou (...) " ; qu'aux termes de l'article 244 bis C du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 244 bis B, les dispositions de l'article 150-0 A ne s'appliquent pas aux plus-values réalisées à l'occasion de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières ou de droits sociaux effectuées par les personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B, ou dont le siège social est situé hors de France, ainsi qu'aux plus-values réalisées par ces mêmes personnes lors du rachat par une société émettrice de ses propres titres " ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 qu'alors même que les revenus salariaux découlant de la levée d'option sont imposables selon les règles applicables en matière de plus-value de cession de valeurs mobilières, les requérants ne sauraient se prévaloir, pour prétendre à l'exonération de l'avantage en litige, des dispositions de l'article 244 bis C du code général des impôts dès lors que celles-ci ne sont applicables qu'aux plus-values réalisées à l'occasion d'une cession d'actions et non aux plus-values réalisées à l'occasion d'une levée d'options, comme c'est le cas en l'espèce ; que cet avantage était, au contraire, imposable en France, ainsi que le fait valoir le ministre, sur le fondement des dispositions combinées de l'article 4 A et du d du I de l'article 164 B du code général des impôts comme revenu de source française puisqu'il provient d'une activité salariée exercée en France lors de l'attribution des options par un contribuable fiscalement domicilié hors de France;

8. Considérant, par ailleurs, que les requérants, qui n'invoquent pas le bénéfice de la garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ne peuvent utilement se prévaloir des instructions 5 F-1-09 du 5 janvier 2009 et 5-1-01 du 3 juillet 2001, qui ne comportent en tout état de cause aucune interprétation différente de la loi fiscale, ni des déclarations de M.B..., ministre du budget lors de la séance à l'assemblée nationale du 19 octobre 2012, relatives au projet de loi de finances pour 2013, au demeurant postérieures à l'année d'imposition en litige ;

9. Considérant, enfin, que si les requérants invoquent la violation du principe de sécurité juridique, l'article 6 de la loi du 31 décembre 1970, qui a créé le régime des stocks options et dont est issu le I de l'article 80 bis du code général des impôts, dispose que l'avantage résultant de la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de la levée d'option et le prix de souscription ou d'achat de cette action constitue pour son bénéficiaire un complément de salaire et n'a jamais été modifié sur ce point ; que la doctrine citée par les requérants n'a jamais remis en cause cette définition ; qu'enfin, la circonstance que le calcul de l'impôt sur le revenu dû à raison de cet avantage a pu être déterminé selon des conditions propres aux plus-values de cession de valeurs mobilières est sans incidence sur sa nature juridique ; que, par suite, M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que le principe de sécurité juridique a été violé ;

En ce qui concerne l'application de la convention fiscale franco-belge :

10. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 11 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 : " Sous réserve des stipulations des articles 9, 10 et 13 de la présente convention, les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat contractant sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus." ; qu'aux termes de l'article 18 de la même convention : " Dans la mesure où les articles précédents de la présente convention n'en disposent pas autrement, les revenus des résidents de l'un des Etats contractants ne sont imposables que dans cet Etat " et qu'aux termes de son article 22 : " Tout terme non spécialement défini dans la présente convention aura, à moins que le contexte n'exige une autre interprétation, la signification que lui attribue la législation régissant, dans chaque Etat contractant, les impôts faisant l'objet de la convention " ; qu'il résulte de ces stipulations que, sous réserve des stipulations des articles 9, 10 et 13 de la convention, un revenu que le droit national assimile à un salaire ou à un traitement n'est imposable en France que pour autant que l'activité qu'il rémunère a été exercée sur le territoire français ;

11. Considérant qu'aucune stipulation de la convention ne définit la notion de

plus-value d'acquisition réalisée lors de la levée d'options accordées par une société à un salarié dans le cadre d'un plan de souscription ou d'achat d'actions ; qu'il y a donc lieu, pour déterminer les stipulations de la convention applicables aux plus-values d'acquisition, de rechercher dans le droit national la qualification qui doit en être donnée ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, la plus-value d'acquisition éventuellement réalisée par le bénéficiaire d'options de souscription ou d'achat d'actions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et égale à la différence entre, d'une part, la valeur réelle de l'action à la date de levée d'option et, d'autre part, le prix de souscription ou d'achat de cette action doit être regardée comme une rémunération analogue aux traitements et salaires, entrant dès lors dans le champ de l'article 11 de la convention fiscale franco-belge et imposable, par suite, dans l'Etat sur le territoire duquel a été exercée l'activité salariée que cette plus-value rémunère, soit en l'espèce la France ; que sont sans incidence sur ce point les modalités de calcul de l'impôt sur le revenu dû à raison de cette plus-value ;

12. Considérant qu'il suit de là que les plus-values d'acquisitions réalisées par M. A... sont imposables en France, en application de l'article 11 de la convention franco-belge ; que, par suite, la convention franco-belge ne s'oppose pas à l'imposition en France de l'avantage perçu par celui-ci à raison de la période de détention des options durant laquelle celui-ci y a exercé son activité ; que la circonstance qu'à la date de la levée d'option M. A... n'était plus salarié de la société Suez est sans incidence sur la nature des gains et le lieu de leur imposition ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les plus-values d'acquisition devaient être imposées en Belgique en application de l'article 18 de la convention fiscale franco-belge doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme A...demandent au titre des frais exposés pour l'instance et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

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N° 12VE02312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02312
Date de la décision : 23/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : RANG

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-06-23;12ve02312 ?
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