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11/06/2015 | FRANCE | N°13VE03506

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 11 juin 2015, 13VE03506


Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2013, présentée pour la société OMEA TELECOM SAS, venant aux droits et obligations de la société britannique Omer Telecom Ltd, dont le siège est situé 12-14, rue de Belgrand à Levallois-Perret (92300), par Me Nouel (AARPI Gide-Loyrette-Nouel), avocat ;

La société OMEA TELECOM SAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201640 du 25 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les services fournis par les opérateurs

de communications électroniques qui ont été acquittées par la société Omer Tel...

Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2013, présentée pour la société OMEA TELECOM SAS, venant aux droits et obligations de la société britannique Omer Telecom Ltd, dont le siège est situé 12-14, rue de Belgrand à Levallois-Perret (92300), par Me Nouel (AARPI Gide-Loyrette-Nouel), avocat ;

La société OMEA TELECOM SAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201640 du 25 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques qui ont été acquittées par la société Omer Telecom Ltd au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2010 pour un montant de 1 353 556 euros et à la restitution de la somme en cause ;

2°) de prononcer la restitution de la somme de 1 353 556 euros majorée des intérêts moratoires au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2010 ;

Elle soutient que :

- l'article 302 bis KH du code général des impôts opère un traitement discriminatoire prohibé par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec l'article 1er du protocole additionnel à cette convention ; les " Mobile Virtual Network Operator " (MVNO), qui ne disposent pas d'un réseau, sont placés devant les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts dans une situation plus défavorable que les " Mobile Network Operator " (MNO), qui disposent d'un réseau ;

- les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts sont contraires à l'article 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dans la mesure où elles sont discriminatoires ; cet article est discriminatoire en ce qu'il permet aux MNO à la fois de déduire de l'assiette de la taxe les dotations aux amortissements afférentes aux matériels et équipements qu'ils utilisent pour mettre leur réseau à disposition des MVNO et d'exclure de cette assiette les produits qu'ils perçoivent au titre des prestations d'interconnexion facturées aux MVNO ;

- les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts sont contraires à l'article 33 de la sixième directive ;

- la taxe ne peut pas être indépendante de l'utilisation effective du service de l'audiovisuel par le contribuable ;

- subsidiairement, l'assiette de la taxe doit être réduite à hauteur de la partie de l'abonnement correspondant à la vente du téléphone portable ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 14, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention, notamment son article 1er ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ;

Vu la décision n° 2009-577 DC du 5 mars 2009 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 avril 2015 :

- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;

1. Considérant que la société de droit britannique Omer Telecom Ltd a acquitté des cotisations de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques pour un montant de 1 353 556 euros au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2010, à raison de l'activité de sa succursale implantée en France ; que, le 19 mars 2013, les éléments d'actif et de passif de la succursale française de cette société ont été apportés à la société Omer Mobile SAS, devenue OMEA TELECOM SAS, sous le régime de faveur prévu à l'article 210 B du code général des impôts ; que la société OMEA TELECOM SAS, venant aux droits et obligations de la société Omer Telecom Ltd, relève appel du jugement n° 1201640 du

25 septembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution des cotisations de cette taxe acquittées par la société Omer Telecom Ltd ;

2. Considérant que les impositions litigieuses sont fondées sur les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts, selon lesquelles : " I. - Il est institué une taxe due par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, qui fournit un service en France et qui a fait l'objet d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en vertu de l'article L. 33-1 du même code. / II. - La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs mentionnés au I en rémunération des services de communications électroniques qu'ils fournissent, déduction faite du montant des dotations aux amortissements comptabilisés au cours de l'exercice clos au titre de l'année au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, lorsqu'ils sont afférents aux matériels et équipements acquis, à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, par les opérateurs pour les besoins des infrastructures et réseaux de communications électroniques établis sur le territoire national et dont la durée d'amortissement est au moins égale à dix ans. / Sont toutefois exclues de l'assiette de la taxe : 1° Les sommes acquittées par les opérateurs au titre des prestations d'interconnexion et d'accès faisant l'objet des conventions définies au I de l'article L. 34-8 du code des postes et des télécommunications électroniques ; 2° Les sommes acquittées au titre des prestations de diffusion ou de transport des services de communication audiovisuelle ; 3° Les sommes acquittées au titre de l'utilisation de services universels de renseignements téléphoniques mentionnés à l'article R. 10-7 du même code. (...) / III. - L'exigibilité de la taxe est constituée par l'encaissement du produit des abonnements et autres sommes mentionnées au II. / IV.- La taxe est calculée en appliquant un taux de 0, 9 % à la fraction de l'assiette visée au II qui excède 5 millions d'euros. (...) " ;

Sur les conclusions en décharge de la taxe litigieuse :

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de la combinaison des stipulations de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Les Hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention :

" La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens./ Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer 1'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; que les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er de son premier protocole additionnel peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables ;

4. Considérant, en premier lieu, que la société OMEA TELECOM SAS soutient que les dispositions ci-dessus rappelées de l'article 302 bis KH instaurent une discrimination entre contribuables dès lors que l'assiette de la taxe comporte seulement les prix des abonnements et les autres sommes payées par les usagers et n'incluent pas les produits que certains opérateurs perçoivent au titre de prestations d'interconnexion ;

5. Considérant, cependant, qu'aux termes du 15° de l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, auquel renvoie l'article 302 bis KH précité du code général des impôts : " On entend par opérateur toute personne physique ou morale exploitant un réseau de communications électroniques ouvert au public ou fournissant au public un service de communications électroniques. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 34-8 de ce code : " I.-L'interconnexion ou l'accès font l'objet d'une convention de droit privé entre les parties concernées. Cette convention détermine, dans le respect des dispositions du présent code et des décisions prises pour son application, les conditions techniques et financières de l'interconnexion ou de l'accès. Elle est communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande. (...) / II.- Les exploitants de réseaux ouverts au public font droit aux demandes d'interconnexion des autres exploitants de réseaux ouverts au public, y compris ceux qui sont établis dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, présentées en vue de fournir au public des services de communications électroniques. / La demande d'interconnexion ne peut être refusée si elle est justifiée au regard, d'une part, des besoins du demandeur, d'autre part, des capacités de l'exploitant à la satisfaire. Tout refus d'interconnexion opposé par l'exploitant est motivé. / III.- Les opérateurs qui contrôlent l'accès aux utilisateurs finals peuvent se voir imposer des obligations en vue d'assurer le bon fonctionnement et l'interconnexion de leurs réseaux ainsi que l'accès aux services fournis sur d'autres réseaux (...) " ;

6. Considérant qu'un opérateur de réseau mobile virtuel, également connu sous le sigle MVNO venant de l'anglais " Mobile Virtual Network Operator ", est un opérateur de téléphonie mobile qui, ne possédant pas de concession de spectre de fréquences ni d'infrastructure de réseau propres, contracte des accords avec les opérateurs possédant un réseau mobile, également connus sous le sigle MNO, venant de l'anglais " Mobile Network Operator " ;

7. Considérant que les opérateurs possédant un réseau mobile sont tenus, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 34-8 du code des postes et des communications électroniques, d'assurer des prestations d'interconnexion permettant l'accès des opérateurs de réseau mobile virtuel aux réseaux qu'ils possèdent ; que les produits perçus à ce titre par les opérateurs possédant un réseau mobile sont acquittés par les opérateurs de réseau mobile virtuel et non par les utilisateurs finals des services de communications électroniques ; que la situation dans laquelle se trouvent les opérateurs possédant un réseau mobile au titre de l'activité par laquelle ils proposent des prestations d'interconnexion aux opérateurs de réseau mobile virtuel diffère, par ses caractéristiques techniques et économiques, de celle de ces derniers ; qu'en revanche, les opérateurs de communications électroniques, qu'ils possèdent ou non un réseau mobile, se trouvent dans une situation analogue au titre de l'activité par laquelle ils fournissent aux utilisateurs finals des services de communications électroniques ;

8. Considérant, par suite, que l'article 302 bis KH du code général des impôts ne crée aucune discrimination en prévoyant que la taxe est assise sur le chiffre d'affaires perçu par un opérateur au titre des abonnements et des autres sommes payées par les usagers finals, sans que soient pris en compte les produits perçus par les opérateurs possédant un réseau mobile au titre des prestations d'interconnexion qu'ils fournissent aux opérateurs de réseaux mobiles virtuels ;

9. Considérant, en second lieu, d'une part, que l'article 302 bis KH du code général des impôts, en ce qu'il prévoit que les amortissements afférents aux matériels et équipements acquis par les opérateurs pour les besoins des infrastructures et réseaux de communications électroniques établis sur le territoire national et dont la durée d'amortissement est au moins égale à dix ans sont déductibles de l'assiette de la taxe, constitue une incitation à l'investissement par les opérateurs dans la couverture numérique durable du territoire national ; que l'incitation à une telle couverture est un objectif d'utilité publique;

10. Considérant, d'autre part, que les opérateurs possédant un réseau mobile (MNO) concourent directement à cet objectif en procédant à l'acquisition et à la maintenance des matériels et équipements dédiés aux besoins des infrastructures et réseaux de communication électroniques établis sur le territoire national et dont la durée d'amortissement est au moins égale à dix ans ; que les opérateurs de réseau mobile virtuel (MVNO) qui ne procèdent ni à l'acquisition ni à la maintenance de ces matériels et équipements, acquittent il est vrai le prix des prestations d'accès prévu par les conventions d'interconnexion, dans le respect des dispositions du code des postes et des communications électroniques et sous le contrôle de l'Autorité de régulation des communications électroniques et contribuent ainsi, indirectement, au financement des investissements et des coûts d'exploitation de la boucle locale radioélectrique déployée par les opérateurs possédant un réseau mobile (MNO) ; que, toutefois, les opérateurs de réseau mobile virtuel bénéficient des disposition ci-dessus rappelées de l'article L. 34-8 du code des postes et des communications électroniques, en application desquelles les exploitants de réseaux ouverts au public font droit à leurs demandes d'interconnexion présentées en vue de fournir au public des services de communications électroniques ; qu'ainsi, l'activité exercée en France par les opérateurs de réseau mobile virtuel (MVNO) bénéficie directement de la couverture numérique du territoire national assurée par les investissements en infrastructures lourdes et réseaux réalisés par les opérateurs possédant un réseau mobile (MNO) ; que, dès lors, la différence de situation existant entre les opérateurs mobiles possédant un réseau mobile (MNO) et les opérateurs de réseau mobile virtuel (MVNO) justifie la différence de traitement prévue par l'article 302 bis KH du code général des impôts, eu égard à l'objectif de favoriser l'installation et la maintenance des infrastructures et réseaux permettant la couverture du territoire national ; qu'ainsi, la différence de traitement entre les opérateurs prévue par ledit article 302 bis KH est fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport raisonnable avec les buts poursuivis par la loi ;

11. Considérant, par suite, que contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts ne sont pas à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, incompatibles avec les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 110 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

12. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 90 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires " ;

13. Considérant que la taxe prévue par l'article 302 bis KH du code général des impôts est perçue à raison de prestations de services de communications électroniques fournies par les opérateurs, et non à raison d'opérations portant sur la livraison de produits ; que, dès lors, elle n'entre pas dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 110 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité de la taxe avec l'article 33 de la sixième directive :

14. Considérant que l'objet de l'article 33 de la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, dont les dispositions sont reprises à l'article 401 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, est d'éviter que soient instaurés ou maintenus des impôts, droits et taxes qui, du fait qu'ils grèvent la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la taxe sur la valeur ajoutée, compromettent le fonctionnement du système commun de cette dernière ; que doivent être considérés comme tels les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de cette taxe ; qu'en revanche, cet article ne fait pas obstacle au maintien ou à l'introduction d'autres types d'impôts, droits et taxes, et en particulier de taxes assises sur les salaires versés par les entreprises, dès lors que ces impôts, droits ou taxes ne présentent pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ;

15. Considérant que la taxe sur la valeur ajoutée s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services, est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services, est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution et, enfin, s'applique à la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle qui a été payée lors de la transaction précédente ; que la taxe litigieuse, qui est assise sur la part, excédant 5 millions d'euros, du montant hors taxe sur la valeur ajoutée des sommes acquittés par les usagers aux opérateurs de communications électroniques en rémunération des services de communications électroniques, après déduction des dotations aux amortissements satisfaisant aux critères fixés à l'article 302 bis KH du code général des impôts, n'est pas établie d'une manière générale sur la base des transactions réalisées par ceux-ci et portant sur des biens ou des services, ni calculée proportionnellement au prix acquitté par le client, ni perçue à chaque stade du processus de production et de distribution, après déduction des droits acquittés lors de la transaction précédente ; que dans ces conditions la taxe litigieuse, si elle est recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée, et alors même que sa charge reposerait en définitive sur le consommateur final, ne présente pas les caractéristiques essentielles de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette taxe serait incompatible avec l'article 33 de la sixième directive doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la taxe ne saurait valablement être indépendante de l'utilisation effective du service de l'audiovisuel :

16. Considérant que le Conseil constitutionnel a relevé, dans sa décision 2009-577 DC du 5 mars 2009 susvisée, qu'aucune exigence constitutionnelle ni organique n'imposait que le législateur dérogeât, par l'affectation du produit de la taxe litigieuse, aux principes d'unité et d'universalité budgétaires ; que la société requérante ne se prévaut d'ailleurs d'aucun principe général, d'aucune stipulation conventionnelle et d'aucune disposition légale ou réglementaire dont il ressortirait que le principe de l'imposition à la taxe litigieuse ou le montant de cette dernière devrait être déterminé en lien avec l'usage fait par le contribuable du service de l'audiovisuel ; que, dans ces conditions, la société OMEA TELECOM SAS n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article 302 bis KH du code général des impôts ne pouvaient pas être applicables à la société Omer Telecom Ltd au motif que la taxe litigieuse est indépendante de l'utilisation effective, par l'opérateur qui en est redevable, du service de l'audiovisuel ;

Sur les conclusions en réduction :

17. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des dispositions précitées de l'article

302 bis KH du code général des impôts selon lesquelles " (...) II.- La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs (...) ", que le montant brut de l'assiette de la taxe est égal à celui des abonnements et autres sommes acquittées par les consommateurs finals aux opérateurs de communications électroniques ; que si le deuxième alinéa du II de cet article dispose également, que " Sont toutefois exclues de l'assiette de la taxe : 1° Les sommes acquittées par les opérateurs au titre des prestations d'interconnexion et d'accès faisant l'objet des conventions définies au I de l'article L. 34-8 du code des postes et des télécommunications électroniques (...)", il ne ressort pas de ces dispositions, qui n'ajoutent rien à celles du premier alinéa du II de l'article 302 bis KH au regard desquelles elles sont surabondantes, éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelles et au nouveau service public de la télévision, que les charges supportées par un opérateur en exécution des contrats d'accès signés avec les opérateurs possédant un réseau mobile seraient déductibles de l'assiette de la taxe ;

18. Considérant qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à demander que les montants de 97 182 587 euros et 105 769 689 euros, correspondant selon elle à la charge qu'elle a supportée au titre de ces années 2009 et 2010 en exécution des contrats d'accès signés avec les opérateurs possédant un réseau mobile, soient déduits des bases des cotisations de taxe litigieuses qu'elle a acquittées au titre de ces années ;

19. Considérant, en second lieu, que la société OMEA TELECOM SAS soutient qu'une partie du prix des abonnements qu'elle a facturés aux consommateurs finaux correspond non pas à la rémunération de services de communications électroniques, au sens et pour l'application de l'article 302 bis KH du code général des impôts, mais à la contrepartie de la mise à disposition d'un téléphone portable bénéficiant au consommateur final dans des conditions particulières ;

20. Considérant qu'aux termes de l'article R.* 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'en application de ces dispositions la société OMEA TELECOM SAS, qui vient aux droits et obligations de la société Omer Telecom Ltd, supporte la charge d'établir le caractère exagéré de la taxe dont elle demande la restitution ; que la société requérante, qui se borne à produire des calculs portant selon elle sur l'extrapolation, sur la période d'avril 2009 à décembre 2010, de l'analyse détaillée des tarifs pratiqués au cours de l'année 2012, qui sont dépourvus de toute valeur probante, ne démontre pas que tout ou partie de la somme de 2 346 330 euros devrait être déduite de la base de la taxe litigieuse au titre de la part des abonnements qui ne correspondrait pas à la rémunération de services de communications électroniques ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ses conclusions subsidiaires et de celles relatives aux intérêts moratoires, que la société OMEA TELECOM SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques qui ont été acquittées par la société Omer Telecom Ltd au titre de la période du 1er avril 2009 au 31 décembre 2010 et à la restitution de ces impositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société OMEA TELECOM SAS est rejetée.

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N° 13VE03506


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE03506
Date de la décision : 11/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Portée des règles du droit de l'Union européenne - Directives.

Communautés européennes et Union européenne - Application du droit de l'Union européenne par le juge administratif français - Prise en compte des arrêts de la Cour de justice.

Postes et communications électroniques - Communications électroniques.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : A.A.R.P.I. GIDE-LOYRETTE-NOUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-06-11;13ve03506 ?
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