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02/06/2015 | FRANCE | N°14VE00869

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 juin 2015, 14VE00869


Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2014, présentée pour la société AIR FRANCE, dont le siège est situé 45 rue de Paris à Roissy Charles de Gaulle (95747), par Me Gravé, avocat ;

La société AIR FRANCE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1209559 en date du 23 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un ressortissant ét

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Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2014, présentée pour la société AIR FRANCE, dont le siège est situé 45 rue de Paris à Roissy Charles de Gaulle (95747), par Me Gravé, avocat ;

La société AIR FRANCE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1209559 en date du 23 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un ressortissant étranger dépourvu de document de voyage revêtu, le cas échéant, du visa requis pour entrer dans l'espace Schengen ;

2° d'annuler cette décision, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende infligée à un montant qui ne saurait excéder 500 euros ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas statué sur le moyen tiré de l'absence de caractère manifeste de la dissemblance physionomique entre le passager débarqué et la photographie apposée sur son passeport ;

- le courrier du 30 mars 2012 par lequel le ministre de l'intérieur l'a invitée à présenter ses observations sur le projet tendant à lui infliger une amende de 5 000 euros ne précisait pas qu'elle pouvait se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix, en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- elle n'a pas été mise à même de discuter le motif nouveau, relatif à la dissemblance physionomique du passager et la photographie apposée sur son passeport, sur lequel le ministre de l'intérieur a fondé sa décision ;

- cette dissemblance physionomique n'était pas manifeste ;

- le passager n'était pas tenu de justifier d'un visa alors qu'il se trouvait en transit pour emprunter un vol à destination de Hong-Kong ;

- en toute hypothèse, le montant de l'amende ne saurait excéder 500 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code des transports ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 :

- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort du procès-verbal dressé le 12 janvier 2012 à 9h33 par un officier de police judiciaire, qu'un passager se présentant sous le nom de M.A..., de nationalité indéterminée, a débarqué le 11 janvier 2012 à 6h10 à l'aéroport

Roissy-Charles-de-Gaulle du vol n° AF 861 en provenance de Lomé (Togo), démuni de tout document de voyage ; que par une décision en date du 19 septembre 2012, le ministre de l'intérieur a infligé une amende d'un montant de 5 000 euros à la société AIR FRANCE pour avoir débarqué sur le territoire français un ressortissant étranger démuni de tout document de voyage revêtu, le cas échéant, d'un visa requis pour entrer dans l'espace Schengen ;

Sur la légalité de la décision du ministre de l'intérieur en date du 19 septembre 2012 et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 5 000 Euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité " ; qu'en vertu de l'article

L. 625-2 du même code : " (...) L'entreprise de transport a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites dans un délai d'un mois sur le projet de sanction de l'administration. La décision de l'autorité administrative, qui est motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction " et qu'aux termes de l'article L. 625-5 dudit code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1, L. 625-3 et L. 625-4 ne sont pas infligées : (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste " ;

3. Considérant qu'il résulte tant de ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l'article 26 de la convention de Schengen signée le 19 juin 1990, que de l'interprétation qu'en a donnée le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 92-307 DC du 25 février 1992, qu'elles font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;

4. Considérant en premier lieu qu'il résulte de l'instruction que la société

AIR FRANCE a embarqué, le 11 janvier 2012, un passager muni d'un passeport béninois au nom d'Assani Mohamed Yasser Adechinan, lequel n'a pas été en mesure de présenter ce même document de voyage à son arrivée à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle où il s'est présenté sous le nom deA... ; que si la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a infligé une amende de 5 000 euros à la société requérante en application des dispositions précitées de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait état de dissemblances physionomiques entre la photo du passager prise par les autorités de police judiciaire lors de son interpellation à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, et celle figurant sur le passeport présenté à l'embarquement, tenant à la lèvre supérieure plus épaisse, l'espace

naso-labial moins important et la taille plus élevée, celles-ci n'étaient cependant pas décelables à l'oeil nu par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ;

5. Considérant en second lieu qu'il résulte de l'instruction que ce passager était en transit sur le territoire français dans l'attente d'une correspondance à destination de Hong-Kong ; que la qualité de ressortissant béninois alléguée en transit en France pour se rendre dans un aéroport situé hors de l'espace Schengen ne soumettait pas ce passager à une obligation de visa de transit aéroportuaire sur le territoire français ; que par suite l'administration ne peut utilement reprocher à la société AIR FRANCE d'avoir embarqué ce passager sans un tel visa ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur ne pouvait, sans commettre une erreur d'appréciation, infliger à la société AIR FRANCE une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un ressortissant étranger démuni de document de voyage revêtu le cas échéant d'un visa d'entrée dans l'espace Schengen sur le fondement de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société AIR FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 novembre 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 5 000 euros pour avoir débarqué sur le territoire français un ressortissant étranger dépourvu de document de voyage revêtu d'un visa d'entrée dans l'espace Schengen ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1209559 du 23 janvier 2014 du Tribunal administratif de Montreuil et la décision du 19 septembre 2012 du ministre de l'intérieur sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la société AIR FRANCE sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 14VE00869 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE00869
Date de la décision : 02/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-15 Police. Polices spéciales. Police des aérodromes (voir : Transports).


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : VATIER et ASSOCIES ASSOCIATION D'AVOCATS À RESPONSABILITÉ PROFESSIONNELLE INDIVIDUELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-06-02;14ve00869 ?
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