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28/05/2015 | FRANCE | N°14VE00019

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 28 mai 2015, 14VE00019


Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2014 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, et la même requête, enregistrée le même jour au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris et transmise par ordonnance du 10 février 2014 de la présidente de

la 4ème chambre au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle M. E... B..., demeurant..., par Me Mohammad, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1304211 du 2 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'an

nulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 25 mars 2013 ref...

Vu la requête, enregistrée le 3 janvier 2014 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, et la même requête, enregistrée le même jour au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris et transmise par ordonnance du 10 février 2014 de la présidente de

la 4ème chambre au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle M. E... B..., demeurant..., par Me Mohammad, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1304211 du 2 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 25 mars 2013 refusant de lui délivrer une carte de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande de titre de séjour, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 120 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à

Me Mohammad, en application de l'alinéa 2 de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat relative à l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour dès lors qu'il avait droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il justifie d'une durée de séjour en France depuis le

6 janvier 2006 ;

- cette décision a été prise sans qu'il ait été procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- dès lors qu'il avait demandé un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision rejetant cette demande est entachée d'erreur de droit en tant qu'elle est motivée par l'absence d'autorisation de travail et par l'absence de justification d'une présence de dix années sur le territoire français ;

- elle porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît donc le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de même que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à sa durée de séjour en France depuis l'année 2006, au fait que toute sa famille y vit - sa mère, ses deux frères, sa concubine et ses trois enfants, dont le dernier est né en France en 2012 - , et qu'il n'a plus aucune attache avec son pays d'origine ;

- cette décision viole également les stipulations de la directive 90/364/CEE du Conseil du 2 juin 1990 relative au droit au séjour et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu, notamment, de la régularité de son entrée en France, de la présence de ses enfants dans ce pays et de l'absence d'attaches familiales au Ghana ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2015 le rapport de M. Bergeret, président assesseur ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant ghanéen né le 1er mai 1977, relève appel du jugement du 2 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 25 mars 2013 refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, que M.B..., qui soutient que sa demande de titre de séjour se fondait sur les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement faire valoir que la décision attaquée serait entachée d'erreurs de droit, en ce qu'elle lui refuse par ailleurs la délivrance d'un titre sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code aux motifs que l'intéressé ne justifie pas d'une autorisation de travail ou d'un contrat de travail et qu'il ne démontre pas une présence de dix années sur le territoire, dès lors que cette décision précise les motifs pour lesquels le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de la décision contestée, que, contrairement à ce que soutient M.B..., elle est intervenue après un examen particulier de sa demande ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

5. Considérant, que, pour soutenir que la décision contestée méconnaît les dispositions et stipulations précitées, M. B...fait valoir qu'entré régulièrement en France

le 6 janvier 2006 sous couvert d'un visa Schengen, il y réside sans interruption depuis cette date, qu'il vit maritalement avec Mme D...B...et leurs trois enfants nés en 2004 et 2005 au Ghana, s'agissant des deux premiers, scolarisés à Clichy-sous-Bois, et en janvier 2012 à Montfermeil, s'agissant du troisième, enfin, que sa mère, titulaire d'une carte de résident, et ses deux frères, de nationalité française, résident également en France et qu'il n'a plus aucune attache avec son pays d'origine ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que sa communauté de vie avec sa compatriote Mme D...B..., laquelle est en situation irrégulière, n'est pas établie, l'intéressé ne produisant à cet égard qu'un contrat de bail à leurs deux noms prenant effet au 1er avril 2013, soit postérieurement à la décision attaquée du 25 mars 2013, et persistant d'ailleurs à se déclarer domicilié chez un tiers; que s'il ressort des pièces versées au dossier que Mme A...épouse C...est la mère de M. F...C...et de

M. G... C..., nés en France en 1987 et 1993, présentés comme les frères de M. B..., celui-ci n'établit pas son lien de parenté avec eux et ne présente aucun élément de nature à corroborer son allégation selon laquelle il est dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ; qu'il ne justifie d'aucune ressource, ni de ses conditions d'existence au sens du 7° de l'article L. 313-11 précité ; qu'il ne démontre pas que sa vie familiale, à la supposer établie en France, ne pourrait se poursuivre au Ghana où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, avec sa compatriote et leurs enfants ; qu'il ressort, enfin, des pièces du dossier que l'intéressé n'a pas déféré à une première obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 9 février 2010 par le préfet du Val-d'Oise qui a rejeté à cette date une première demande de titre de séjour présentée en 2009 au titre de la vie privée et familiale ; que, dans ces conditions, au regard des pièces du dossier, la décision de refus de titre de séjour ne peut être regardée comme ayant porté une atteinte excessive au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; qu'elle ne méconnaît donc ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce telles que rappelées ci-dessus, et dès lors qu'il n'apparaît pas d'obstacle réel à ce que la vie familiale alléguée par M. B...se poursuive le cas échéant au Ghana, avec ses enfants et sa compatriote en situation irrégulière en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant ladite décision, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas accordé une attention primordiale à l'intérêt supérieur desdits enfants ; qu'ainsi, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention susmentionnée ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour instituée par l'article L. 312-1 de ce code que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 de ce même code et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de tous ceux qui s'en prévalent ; qu'ainsi, dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5. que M. B...n'est pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas davantage tenu, avant de rejeter sa demande, de soumettre préalablement son cas à la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, enfin, qu'en supposant que M. B...ait entendu contester la légalité de la décision de refus de séjour litigieuse par l'invocation de l'article 18 du traité instituant la Communauté européenne et de la directive 90/364/CEE du 2 juin 1990, un tel moyen est en tout état de cause inopérant dès lors que ces dispositions communautaires ne concernent que les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, ou les parents d'un tel ressortissant en bas âge, et qu'il n'est aucunement allégué que le fils de M. B...né en France en 2012 serait de nationalité française ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ;

10. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de titre de séjour opposée à

M. B...énonce les motifs de droit et de fait qui l'ont fondée au regard des exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que dès lors qu'il résulte des dispositions précitées que l'obligation de quitter le territoire français qui assortit cette décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M.B..., qui vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au

point 5., la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire ne peut être regardée, en l'état des pièces produites au dossier, comme entachée d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, et, en tout état de cause, celles tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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N° 14VE00019


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE00019
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Yves BERGERET
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : MOHAMMAD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-05-28;14ve00019 ?
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