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28/05/2015 | FRANCE | N°13VE00843

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 28 mai 2015, 13VE00843


Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Koubbi, avocat ;

Mme B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1006270 du 17 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, d'une part, sa demande tendant à la condamnation de l'Ecole Centrale de Paris à lui verser la somme de 110 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du non-renouvellement de son contrat et du harcèlement moral dont elle a été victime, somme assortie des intérêts à compter de la date de réception

de sa demande préalable et de leur capitalisation ;

2° de mettre à la charge ...

Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me Koubbi, avocat ;

Mme B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1006270 du 17 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté, d'une part, sa demande tendant à la condamnation de l'Ecole Centrale de Paris à lui verser la somme de 110 000 euros en réparation des préjudices subis du fait du non-renouvellement de son contrat et du harcèlement moral dont elle a été victime, somme assortie des intérêts à compter de la date de réception de sa demande préalable et de leur capitalisation ;

2° de mettre à la charge de l'Ecole Centrale de Paris une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a donné entière satisfaction à ses supérieurs hiérarchiques jusqu'en août 2008 et a en revanche rencontré de nombreuses difficultés à compter de son affectation en qualité de secrétaire en septembre 2008 au service des mastères spécialisés T§M et SDAI en raison de l'attitude de sa supérieure hiérarchique directe, responsable pédagogique, puis de l'attitude de la responsable des assistantes de département à compter de mars 2009 où elle a été mise à l'isolement et a fait l'objet de harcèlement moral ;

- le non-renouvellement de son contrat n'a pas été motivé par l'intérêt du service mais constitue une sanction disciplinaire déguisée qui s'appuie essentiellement sur un rapport d'évaluation de la responsable pédagogique du service des mastères spécialisés ;

- que ce soit avec les enseignants ou avec les étudiants, elle a donné entière satisfaction ainsi que cela ressort des pièces produites ; il en est de même avec le personnel administratif de l'école ;

- le grief relatif à la connaissance des outils informatiques inadaptée à son poste de travail est très contestable étant donné l'attestation de formation dont elle est titulaire ;

- le témoignage d'une ancienne secrétaire et celui d'un ancien étudiant ne sont pas probants ; elle apportait entière satisfaction jusqu'en 2008 au directeur du service financier ;

- le préjudice subi en l'absence de renouvellement de son contrat est à la fois de nature économique, en l'absence de perception de rémunérations et de la perte d'une chance d'obtenir un contrat à durée indéterminée au bout de six ans de fonctions, et de nature morale, ce qui explique la dépression qui s'en est suivie ; ce préjudice est aussi constitué de troubles de toute nature pour l'absence de renouvellement de son contrat ; l'ensemble de ces préjudices est évalué à la somme de 60 000 euros ;

- l'Ecole Centrale a aussi commis une faute tirée de la dégradation de ses conditions de travail caractérisée par le dénigrement de ses capacités professionnelles de septembre 2008 à février 2009 alors que son travail était apprécié des étudiants et des enseignants ; cette dégradation s'est accentuée à compter du changement de service au mois de mars 2009 ; on lui a alors interdit d'accéder à son ancien service et elle ne s'est vu attribuer aucune mission, hormis la réalisation de photocopies ou le tri du courrier et a été logée dans un bureau minuscule sans téléphone ; elle a alors fait l'objet de mépris et d'isolement de la part du personnel de

l'Ecole Centrale ; ses supérieures hiérarchiques lui ont aussi refusé de manière persistante de la recevoir en entretien ; elle a par ailleurs dû subir de nombreuses critiques infondées de sa supérieure hiérarchique responsable administrative ; la dépression qu'elle a subie est la conséquence de cette dégradation des conditions de travail ;

- le préjudice subi en raison de ce harcèlement moral est évalué à la somme de 50 000 euros ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée relative aux droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relative à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2015 :

- le rapport de M. Pilven, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Besson-Ledey, rapporteur public,

- et les observations de Mme B...et de MeD..., substituant MeC..., pour l'Ecole Centrale de Paris ;

1. Considérant que Mme B...a été recrutée par l'Ecole Centrale de

Paris-Châtenay-Malabry en qualité d'agent contractuel à compter du 22 septembre 2003 pour occuper un emploi vacant de fonctionnaire ; qu'elle a fait l'objet de plusieurs contrats sans interruption jusqu'au 30 juin 2009 ; que par une lettre du 20 avril 2009, le directeur de

l'Ecole Centrale de Paris-Châtenay-Malabry a informé Mme B... que son contrat, arrivant à échéance le 30 juin 2009, prendrait fin au terme prévu et ne serait pas renouvelé ; que s'estimant victime notamment de harcèlement moral et de brimades de la part de sa supérieure hiérarchique, Mme B...a adressé le 18 mars 2010 à l'Ecole Centrale de Paris une demande indemnitaire à laquelle il n'a pas été répondu ; que la requérante a demandé réparation devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du non-renouvellement de son contrat, du harcèlement moral et de la dégradation de ses conditions de travail dont elle aurait été victime de la part de sa supérieure hiérarchique ; que sa requête a été rejetée par jugement du 17 janvier 2013 du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise dont elle fait appel ;

2. Considérant que Mme B...soutient que la décision de non-renouvellement de son contrat est illégale en ce qu'elle ne repose sur aucun motif tiré de l'intérêt du service et qu'elle constitue une sanction disciplinaire déguisée ; que, toutefois, l'administration peut toujours, pour des motifs tirés de l'intérêt du service, décider de ne pas renouveler le contrat d'un agent public recruté pour une durée déterminée et, par là même, mettre fin aux fonctions de cet agent ; que le titulaire d'un contrat à durée déterminée ne saurait se prévaloir d'un droit au renouvellement de ce contrat ; que, néanmoins, si la décision de ne pas renouveler un contrat à durée déterminée n'a pas à être motivée, il appartient au juge, en cas de contestation de celle-ci, de vérifier qu'elle est bien fondée sur l'intérêt du service ;

3. Considérant que Mme B...soutient que l'Ecole Centrale de Paris ne pouvait se fonder sur le rapport d'évaluation professionnelle du 7 avril 2009 de la directrice des études ni sur le témoignage de son ancienne responsable pédagogique du 10 mai 2010 pour décider de ne pas renouveler son contrat dès lors qu'elle établit que dans ses anciennes fonctions, au service financier, elle bénéficiait d'une appréciation élogieuse et que dans ses fonctions au service des mastères spécialisés, autant les étudiants que les professeurs ou les intervenants extérieurs ont fait part de leur satisfaction à son égard ; que, toutefois, si l'ensemble des nombreux griefs retenus par ses deux responsables hiérarchiques, la responsable pédagogique du services des mastères spécialisés et la directrice des études, ne sont pas tous assortis d'éléments suffisamment probants, notamment en ce qui concerne son absence de maitrise des outils informatiques, ou si l'Ecole Centrale ne produit que peu de témoignages d'étudiants ou d'intervenants de nature à contredire entièrement ceux produits par la requérante faisant part de leur satisfaction des services rendus par cette dernière, il ressort des éléments produits par l'Ecole Centrale et par la requérante elle-même, notamment dans le courrier qu'elle a adressé au directeur de l'école le 15 octobre 2009, que Mme B...n'a pu se résoudre à accepter la méthodologie de travail de ses supérieures hiérarchiques, ce qui a eu pour effet de provoquer de nombreuses critiques de la part de ces dernières ; que quels que soient les services appréciés qu'elle ait pu rendre pendant quatre ans au service financier, il n'appartenait pas à Mme B...de remettre en question l'autorité hiérarchique de ses supérieures hiérarchiques, ni les choix d'organisation et de travail de sa responsable pédagogique en estimant qu'elle aurait dû bénéficier de plus d'autonomie et de liberté dans son travail ; qu'il lui appartenait au contraire de s'adapter aux méthodes de travail mises en place dans le service des mastères spécialisés et d'exécuter les tâches qui lui étaient confiées avec la rigueur demandée ; qu'ainsi, en faisant preuve d'une mauvaise volonté dans l'accomplissement de ses fonctions selon les consignes reçues, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que la décision de non-renouvellement de son contrat n'a pas été prise dans l'intérêt du service et constituerait une sanction déguisée ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi susvisée du

13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le harcèlement est constitué d'agissements répétitifs ayant pour conséquence de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel d'un agent ;

5. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

6. Considérant que les rappels à l'ordre et les consignes d'exécution des tâches selon les méthodes de travail en vigueur lors de son affectation au service des mastères spécialisés ne peuvent être regardés comme constitutifs de harcèlement moral ; que, par ailleurs, si Mme B... soutient qu'elle aurait fait l'objet d'une dégradation de ses conditions de travail, d'une interdiction de pénétrer dans les locaux du service des mastères spécialisés, que dans les derniers mois de son contrat ses fonctions auraient été limitées à la réalisation de photocopies ou au tri du courrier, qu'elle aurait été privée de téléphone et que le personnel de l'école l'aurait considérée avec mépris, elle ne l'établit par aucune des pièces produites, le témoignage d'une ancienne secrétaire qu'elle produit dans ses dernières écritures n'étant pas suffisamment probant ; qu'elle ne peut sérieusement soutenir que ses supérieures hiérarchiques auraient refusé de lui accorder des entretiens alors qu'elle a été reçue deux fois entre octobre 2008 et février 2009 par la responsable administrative et deux fois par la directrice des études entre février 2009 et avril 2009 ; que si les certificats médicaux produits établissent la réalité de la pathologie dépressive consécutive aux difficultés relationnelles rencontrées dans son dernier poste et à la perte de son emploi, ils ne permettent pas d'en déduire pour autant la preuve de l'existence de fait de harcèlement au travail ; qu'il résulte de l'instruction, comme le reconnait d'ailleurs la requérante, que les difficultés dont il s'agit ont principalement pour origine une incompatibilité de caractères avec ses supérieures hiérarchiques ; que cette dernière ne peut être regardée comme constitutive d'une situation de harcèlement moral ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'indemnisation pour un montant de 110 000 euros en réparation des préjudices subis pour le non-renouvellement de son contrat et pour des faits de harcèlement moral ;

Sur les dispositions relatives à l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Ecole Centrale de Paris, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à Mme B...une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B...une somme à verser à l'Ecole Centrale de Paris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Ecole Centrale de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 13VE00843 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00843
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : Mme COLOMBANI
Rapporteur ?: M. Jean-Edmond PILVEN
Rapporteur public ?: Mme BESSON-LEDEY
Avocat(s) : PALOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-05-28;13ve00843 ?
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