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27/05/2015 | FRANCE | N°13VE01600

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 27 mai 2015, 13VE01600


Vu l'ordonnance en date du 15 mai 2013, enregistrée le 21 mai 2013 au greffe de la Cour, par laquelle le Président de la Cour administrative d'appel de Douai a transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le dossier de la requête présentée par la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD ;

Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2012 à la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD, dont le siège social est 53 boulevard Faidherbe BP 966 à Arras (62033) par Me B...et MeA..., avocats ;

La SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD dem

ande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0907524 du 19 janvier 2012...

Vu l'ordonnance en date du 15 mai 2013, enregistrée le 21 mai 2013 au greffe de la Cour, par laquelle le Président de la Cour administrative d'appel de Douai a transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles le dossier de la requête présentée par la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD ;

Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2012 à la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD, dont le siège social est 53 boulevard Faidherbe BP 966 à Arras (62033) par Me B...et MeA..., avocats ;

La SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0907524 du 19 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge des cotisations minimales de taxe professionnelle assises sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 pour les montants respectifs de 22 510 euros et 16 212 euros ;

2° de prononcer la décharge de ces impositions ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé car il ne fournit aucune réponse au moyen soulevé par la requérante s'agissant de l'illégalité de l'article 310 HP de l'annexe II au code général des impôts ; cet article, à valeur réglementaire, ne peut qu'être écarté au regard des dispositions des articles 1447 et 1647 E du code général des impôts qui ont valeur législative ;

- le tribunal a commis une erreur de droit s'agissant de la cotisation minimale de taxe professionnelle 2002 et 2003 dont serait redevable la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD et l'administration a estimé à tort que la société en participation (SEP) était assujettie à la cotisation minimale de taxe professionnelle ; or les SEP ne peuvent être considérées comme des entreprises et en dépit de l'article 310 HP de l'annexe II au code général des impôts elles sont hors du champ de la taxe professionnelle et, a fortiori, hors du champ de la cotisation minimale à la taxe professionnelle ; la rédaction de l'article 1447 du code général des impôts ne permet pas d'inclure les SEP dans son champ d'application ;

- l'article 310 HP de l'annexe II au code général des impôts évoque la question de la répartition des bases d'imposition à la cotisation de référence en présence des SEP mais ne désigne pas les SEP elles-mêmes comme assujetties à la taxe professionnelle ;

- cette interprétation est confirmée par l'instruction 6-E-7-75 dans les précisions qu'elle donne en son paragraphe 16 ; par ailleurs l'exemple donné au § 224 de l'instruction qui concerne les SCI est similaire à celui des SEP et peut être transposé ; un exemple chiffré est d'ailleurs développé au § 226 ;

- si on considérait que l'article 310 HP de l'annexe II au code général des impôts peut fonder l'imposition il devrait être écarté puisqu'il est illégal, par la voie de l'exception d'illégalité, le législateur n'ayant jamais habilité le pouvoir réglementaire à déterminer l'identité du redevable de l'impôt dans l'hypothèse de sociétés SEP ; d'ailleurs le législateur dans la réforme de la taxe professionnelle, en vigueur à partir de 2010, reconnaît pour la première fois les SEP comme assujetties à la cotisation assise sur la valeur ajoutée des entreprises et donc, a contrario, l'analyse selon laquelle ces dernières n'étaient pas antérieurement assujetties à cette cotisation se trouve confirmée ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2015 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public,

1. Considérant que la société en participation (SEP) " Beugnet gestion matériel " avait pour objet l'exploitation en commun de parcs de matériels détenus par chacun de ses associés ; que les services fiscaux ayant constaté que la SEP n'avait pas été assujettie à la cotisation minimale de taxe professionnelle au titre des années 2001, 2002 et 2003 alors qu'elle dépassait le seuil de chiffre d'affaires impliquant une déclaration, ont notifié à la SNC Beugnet gestion et développement, en sa qualité de gérante de la SEP, les rappels de cotisations minimales exigibles en application de l'article 1647 E du code général des impôts puis ont dégrevé les cotisations établies à l'encontre de la gérante qui n'avait pas la qualité d'associée de la SEP ; qu'ils ont procédé, le 24 décembre 2008, à une nouvelle mise en recouvrement au nom d'un associé de la SEP connu des tiers soit la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD ; que le 8 juillet 2009 ces impositions ont fait l'objet d'une réclamation qui n'a été acceptée que pour l'exercice 2001 regardé comme prescrit ; que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD demande l'annulation du jugement du 19 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande s'agissant des années 2002 et 2003 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD soutient que le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'illégalité de l'article 310 HP de l'annexe II au code général des impôts à valeur réglementaire ; que, toutefois, la société requérante mentionne elle-même dans ses écritures que le jugement spécifie que ces dispositions ont pour objet de définir les modalités selon lesquelles doivent être imposées les sociétés en participation et pouvaient être adoptées par voie réglementaire ; qu'une telle motivation était suffisante pour permettre à la requérante de critiquer utilement la réponse à ce moyen ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la cotisation en litige : " La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) " ; qu'aux termes de l'article 1448 du même code, alors en vigueur : " La taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables, appréciée d'après des critères économiques en fonction de l'importance des activités exercées par eux (...) " ; qu'aux termes de l'article 1476, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La taxe professionnelle est établie au nom des personnes qui exercent l'activité imposable, dans les conditions prévues en matière de contributions directes (...) " ; qu'aux termes de l'article 1647 E, alors en vigueur : " I. La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 € est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies. (...) II. Le supplément d'imposition, défini par différence entre la cotisation résultant des dispositions du I et la cotisation de taxe professionnelle déterminée selon les règles définies au III, est une recette du budget général de l'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article 310 HP de l'annexe II au code général des impôts, dans sa version applicable aux impositions en litige : " L'imposition à la taxe professionnelle des sociétés de fait et des sociétés en participation est libellée au nom du ou des associés connus des tiers " ; et qu'aux termes, enfin, de l'article 1872-1 du code civil : " Chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l'égard des tiers. Toutefois, si les participants agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, chacun d'eux est tenu à l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis en cette qualité par l'un des autres, avec solidarité, si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. " ;

4. Considérant que si les dispositions précitées de l'article 310 HP de l'annexe II au code général des impôts ne visent de façon expresse que la taxe professionnelle, elles s'appliquent nécessairement à la cotisation minimale de taxe professionnelle, laquelle est, selon les termes mêmes de l'article 1647 E, une cotisation de taxe professionnelle, alors même qu'elle est déterminée selon des modalités particulières et qu'elle est affectée au budget de l'Etat et non à celui des collectivités locales sur le territoire desquelles s'exerce l'activité économique ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'une société en participation, qui possède un bilan fiscal propre et qui doit, le cas échéant, acquitter la taxe sur la valeur ajoutée à raison des opérations qu'elle effectue, constitue, du point de vue fiscal, malgré son absence de personnalité juridique, une entité distincte de ses membres ; qu'il s'en déduit que, lorsqu'elle exerce à titre habituel une activité professionnelle non salariée, elle est elle-même légalement redevable des cotisations de taxe professionnelle et, le cas échéant, de la cotisation minimale de taxe professionnelle, dues à raison de cette activité, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ces cotisations, qui constituent une obligation fiscale propre de la société et non une obligation de ses membres à hauteur de leur participation, ne peuvent être libellées, en l'absence de personnalité morale de la société en participation, qu'au nom de ceux de ses associés qui sont connus de l'administration fiscale, ainsi que le prévoit, sans excéder sa compétence, l'article 310 HP de l'annexe II au code général des impôts précité ; que la société en participation SEP " Beugnet gestion matériel ", dont il est constant que le chiffre d'affaires était, au titre des années en litige, supérieur à 7 600 000 euros, et qu'elle exerçait à titre habituel une activité professionnelle non salariée, était redevable de la taxe professionnelle et, par voie de conséquence, de la cotisation minimale de taxe professionnelle ; qu'enfin, la circonstance que la loi postérieure applicable en matière de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises ait précisé explicitement que les sociétés non dotées de la personnalité morale sont assujetties à cette cotisation est sans influence sur la solution du litige, régi par la loi fiscale antérieure ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en prévoyant que l'imposition à la taxe professionnelle des sociétés en participation est libellée au nom du ou des seuls associés connus des tiers, l'article 310 HP de l'annexe II au code général des impôts ne porte pas atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, eu égard aux caractéristiques propres des sociétés en participation, lesquelles ne sont pas tenues de révéler aux tiers, notamment à l'administration fiscale, le nom de tous leurs associés qui ne se trouvent dès lors pas dans une situation comparable au regard de l'impôt ; qu'il y a lieu d'écarter, pour ce même motif, le moyen tiré de la violation, par ce même article, des stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 1872-1 du code civil que les associés, connus des tiers, d'une société en participation de nature commerciale, sont tenus solidairement des obligations de cette dernière ; que les associés d'une telle société connus de l'administration étant ainsi solidairement tenus au paiement de la cotisation minimale de taxe professionnelle dont elle est redevable, l'administration, après avoir calculé l'impôt globalement au niveau de ladite société, peut en réclamer le paiement en tout ou partie à l'un ou l'autre desdits associés ; qu'il suit de là que l'administration peut exiger le paiement de l'imposition dont est redevable la société en participation en établissant le rôle et en libellant l'avis d'imposition au nom d'un seul associé connu d'elle ou de chacun des associés connus d'elle, le cas échéant, à proportion de leurs droits dans ladite société, sans préjudice d'éventuelles actions de ceux-ci devant l'autorité judiciaire contre les associés demeurés ou non inconnus de l'administration ;

8. Considérant, en dernier lieu, que la société requérante soutient qu'en vertu tant de l'article 1844-1 du code civil, selon lequel la contribution de chaque associé aux pertes se détermine à proportion de sa part dans le capital social, que des statuts de la société en participation " Beugnet gestion matériel " qui ont expressément repris ce principe de limitation de la contribution des associés aux pertes de la société en participation à leur quote-part dans le capital de cette société, l'administration ne pouvait légalement mettre à sa charge l'intégralité de la cotisation minimale de taxe professionnelle établie au nom de la société en participation dont elle est associée ; qu'elle ne saurait toutefois utilement se prévaloir ni de l'article 1844-1 du code civil susmentionné ni des statuts de la société en participation pour faire échec au principe de solidarité des associés vis-à-vis des tiers prévu par les dispositions précitées de l'article 1872-1 du code civil ; que, par suite, la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD, associée connue des tiers, n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas solidairement tenue au paiement intégral de la cotisation minimale de taxe professionnelle dont la société en participation SEP " Beugnet gestion matériel " était redevable au titre des années 2002 et 2003 ; que l'administration a pu, dès lors, à bon droit, lui réclamer le paiement de cette imposition ;

9. Considérant enfin que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 16 de l'instruction 6-E-7-75 du 30 octobre 1975 qui prévoit que : " Les collectivités, groupements et organismes divers sont personnellement passibles de la taxe professionnelle lorsqu'ils sont dotés de la personnalité morale(...). Lorsqu'une activité imposable est exercée par une organisme non doté de la personnalité morale (ex. certaines régies municipales, indivisions, sociétés de fait), la taxe correspondante est due par la personne morale dont émane cet organisme ou s'il regroupe des particuliers, par ceux des membres qui exercent effectivement la profession ", dès lors que ce paragraphe ne traite pas des modalités d'imposition à la taxe professionnelle des sociétés en participation non plus que les paragraphes 224 et 226 qu'elle invoque ; que par suite le moyen tiré du bénéfice de cette instruction ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au versement du montant des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de que la SNC EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS NORD est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13VE01600
Date de la décision : 27/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-01 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Professions et personnes taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : CABINET ERNST et YOUNG SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-05-27;13ve01600 ?
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