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21/04/2015 | FRANCE | N°14VE01197

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 21 avril 2015, 14VE01197


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2014, présentée pour la société TECH COM COMPUBASE, dont le siège est 1 rue Terre Neuve mini parc du Verger à Les Ulis (91940), par Me Agami, avocat ;

La société TECH COM COMPUBASE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1100373 du 6 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 17 mai 2010 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section de l'Essonne a refusé de l'autoriser à licencier M. A...ainsi que la décision du

23 novembre 2010 par laquelle le ministre du travail a confirmé cette décision ;...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2014, présentée pour la société TECH COM COMPUBASE, dont le siège est 1 rue Terre Neuve mini parc du Verger à Les Ulis (91940), par Me Agami, avocat ;

La société TECH COM COMPUBASE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1100373 du 6 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 17 mai 2010 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section de l'Essonne a refusé de l'autoriser à licencier M. A...ainsi que la décision du 23 novembre 2010 par laquelle le ministre du travail a confirmé cette décision ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3° de lui allouer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en ce qui concerne la décision du 17 mai 2010 :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière au cours de laquelle le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;

- l'inspectrice du travail ne pouvait se fonder sur une précédente décision de refus intervenue dans des circonstances de fait différentes ;

- c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que le poste de responsable des ventes indirectes ne constituait pas une catégorie propre d'emplois dans l'entreprise et en a déduit l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat du salarié ;

- en ce qui concerne la décision du 23 novembre 2010 :

- le ministre a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur l'absence de consultation préalable du comité d'entreprise sur les critères de détermination de l'ordre des licenciements puisqu'elle n'est pas dotée d'un comité d'entreprise ;

- elle n'est pas suffisamment motivée car elle ne porte pas mention des dispositions légales qui auraient été méconnues ;

- le ministre a omis de se prononcer sur l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de son mandat par le salarié ainsi que sur les autres motifs sur lesquels l'inspectrice du travail s'est prononcée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le vice de procédure qui en constitue le fondement n'est pas de nature à lui seul à justifier un refus d'autorisation de licenciement ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2015 :

- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Agami pour la société TECH COM COMPUBASE ;

1. Considérant que M.A..., recruté en janvier 2001, occupait depuis 2006 un poste de responsable des ventes indirectes au sein de la société TECH COM COMPUBASE ; qu'il a été élu délégué du personnel le 19 février 2009 ; que, confrontée à des difficultés économiques affectant tant son chiffre d'affaires que son résultat d'exploitation, la société TECH COM COMPUBASE a décidé, au premier trimestre 2009, de se réorganiser ; que cette réorganisation affectant notamment le poste occupé par M.A..., une modification de son contrat de travail lui a été proposée ; que l'intéressé l'ayant refusée, la société TECH COM COMPUBASE a saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de le licencier pour motif économique ; que cette première demande a été rejetée par une décision du 31 juillet 2009 devenue définitive ; que les difficultés économiques rencontrées par la société TECH COM COMPUBASE, et affectant particulièrement le secteur des ventes indirectes, ont conduit l'entreprise à faire de nouvelles propositions de modification de son contrat de travail à M. A...qui les a refusées ; que la société TECH COM COMPUBASE a introduit devant l'inspection du travail une seconde demande d'autorisation de licenciement de l'intéressé qui a été rejetée par l'inspectrice du travail de la 6ème section de l'Essonne le 17 mai 2010 ; que, saisi d'un recours hiérarchique introduit par l'employeur, le ministre du travail a, par une décision du 23 novembre 2010, confirmé celle du 17 mai 2010 ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 du code du travail, dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " (...) procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) " ; que ces dispositions imposent à l'inspection du travail, avant de prendre sa décision, de mettre l'employeur comme le salarié en mesure de prendre connaissance et de discuter les éléments déterminants, issus de l'enquête susceptibles de fonder la décision à venir ;

3. Considérant que selon la décision attaquée : " (...) qu'il résulte de l'enquête que les salariés de TECH COM COMPUBASE à l'instigation notamment de M. A...ont dû signer une pétition pour voir organiser par leur employeur les élections ayant abouti à son élection ; (...) qu'en outre il ressort de l'enquête que les relations entre la direction et M. A...se sont dégradées depuis son élection en tant que délégué du personnel ; (...) qu'ainsi la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec le mandat détenu par M.A... " ; que tant en première instance qu'en appel, la société TECH COM COMPUBASE soutient, sans être contredite, qu'elle n'a à aucun moment été mise en mesure de discuter des éléments recueillis par l'inspectrice du travail lors de son enquête contradictoire ; qu'il ressort du rapport d'enquête établi dans le cadre de l'instruction du recours hiérarchique introduit par la société TECH COM COMPUBASE que l'existence de certains témoignages de salariés, qui ont servi à l'inspectrice du travail pour forger sa conviction quant au caractère discriminatoire du licenciement projeté de M. A...a été délibérément cachée à l'employeur afin de protéger l'anonymat de leurs auteurs ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'inspectrice du travail aurait pris la même décision si elle n'avait pas retenu ces éléments à la charge de l'employeur ; qu'ils présentaient, par conséquent, un caractère déterminant qui imposait qu'ils fussent soumis au contradictoire des parties ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société TECH COM COMPUBASE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 mai 2010 ;

5. Considérant que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, il appartient à la Cour de statuer sur l'ensemble des moyens soulevés par la société TECH COM COMPUBASE ;

6. Considérant que, pour le motif exposé ci-dessus, il y a lieu pour la Cour d'annuler la décision du 17 mai 2010 qui est intervenue au terme d'une procédure irrégulière ;

Sur la légalité de la décision du 17 mai 2010 :

7. Considérant que la décision du 17 mai 2010 étant illégale, la décision du 23 novembre 2010 par laquelle le ministre en charge du travail l'a confirmée doit être annulée par voie de conséquence ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la société TECH COM COMPUBASE est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 novembre 2010 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société TECH COM COMPUBASE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que les conclusions de la société TECH COM COMPUBASE présentées sur le fondement des mêmes dispositions, ne sont dirigées ni contre l'Etat, ni contre M.A... ; qu'elles ne peuvent, par conséquent, qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1100373 du 6 février 2014 du Tribunal administratif de Versailles ainsi que les décisions du 17 mai et du 23 novembre 2010 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 14VE01197 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE01197
Date de la décision : 21/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Modalités d'instruction de la demande. Enquête contradictoire.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Emmanuel MEYER
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : PAETZOLD ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-04-21;14ve01197 ?
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