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05/03/2015 | FRANCE | N°12VE02108

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 05 mars 2015, 12VE02108


Vu le recours, enregistré par télécopie le 12 juin 2012 et régularisé par la production de l'original le 14 juin 2012, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1009039 du 12 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des retenues à la source ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles la société Staff and Line a été assujettie au titre des exercices clos en 2006,

2007 et 2008 ;

2°) de remettre à la charge de la société Staff and Line les i...

Vu le recours, enregistré par télécopie le 12 juin 2012 et régularisé par la production de l'original le 14 juin 2012, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1009039 du 12 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des retenues à la source ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles la société Staff and Line a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ;

2°) de remettre à la charge de la société Staff and Line les impositions et majorations litigieuses ;

Il soutient que :

- la société Staff and Line ne peut contester la retenue à la source prélevée sur les revenus versés à la société libanaise Roxana en invoquant la convention fiscale signée entre la France et le Liban dès lors que cette convention - eu égard tant à son objet d'élimination des doubles impositions qu'à ses termes - n'est pas applicable lorsque le bénéficiaire des revenus de source française est exonéré d'impôt dans son Etat de résidence et que la société Roxana, eu égard à l'exonération d'impôt dont elle bénéficie en raison de statut de société offshore, ne peut être regardée comme résidente libanaise ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention signée le 24 juillet 1962 entre la France et le Liban tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et d'impôts sur les successions ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2015 :

- le rapport de M. Chayvialle, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Easyvista, anciennement dénommée Staff and Line ;

1. Considérant que, par deux propositions de rectification du 9 juin 2009, la société Easyvista, anciennement dénommée Staff and Line, dont l'activité est le développement et la vente de logiciels informatiques, a été assujettie, sur le fondement du c du I de l'article 182 B du code général des impôts, à la retenue à la source, à raison de rémunérations versées à la société libanaise Roxana au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR relève appel du jugement du 12 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge de cette retenue à la source ainsi que des pénalités correspondantes ;

Sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR :

2. Considérant que, si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

En ce qui concerne la loi interne :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 182 B du code général des impôts :

" I Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : /.../ c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les sommes payées par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes morales qui n'ont pas dans ce pays d'installations professionnelles permanentes, donnent lieu à retenue à la source lorsque ces personnes morales relèvent de l'impôt sur les sociétés, sans qu'il y ait lieu de rechercher si elles y ont été effectivement soumises ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Staff and Line, qui exerce une activité en France, a versé à la société libanaise Roxana, dépourvue de toute installation professionnelle permanente en France, des rémunérations pour les montants de respectivement 288 000 euros, 429 706 euros et 421 878 euros au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ; que les services fournis par la société libanaise en contrepartie de cette rémunération, portant sur le développement du logiciel Easyvista, exploité par la société Staff and Line, et sur des tests pour la correction d'erreurs suite aux demandes de clients de cette société, correspondent à des prestations de toute nature utilisées en France ; que la société Roxana inscrite au registre du commerce du Liban sous la forme de société anonyme et percevant des rémunération en contrepartie de prestations de service à caractère informatique relève de l'impôt sur les sociétés ; qu'ainsi nonobstant la circonstance que la société Roxana n'exploitait aucune entreprise en France, au sens du I. de l'article 209 du code général des impôts, les sommes versées en rémunération de ses services par la société Staff and Line sont passibles de la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts ;

En ce qui concerne la convention fiscale signée entre la France et le Liban :

5. Considérant que pour prononcer la décharge des impositions litigieuses, les premiers juges ont estimé que l'article 10 de la convention signée entre la France et le Liban faisait obstacle à l'application de la retenue à la source prévue par l'article 182 B du code général des impôts sur les rémunérations versées à la société libanaise Roxana ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1. de l'article 2 de la convention signée entre la France et le Liban : " Au sens de la présente Convention, on entend par " résident d'un Etat contractant " toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue. " ;

7. Considérant qu'il résulte des stipulations du 1. de l'article 2 de la convention signée entre la France et le Liban que la qualité d'assujetti à l'impôt doit être appréciée au regard de la loi de l'Etat dont la personne qui revendique le bénéfice de ses stipulations soutient être résident ; que les sociétés libanaises offshore, dont fait partie la société Roxana, constituées en vertu de la loi libanaise et notamment d'un décret-loi n° 46 du 24 juin 1983 relatif aux sociétés offshore, dans la rédaction alors en vigueur, sont des sociétés anonymes inscrites au registre du commerce libanais, tenues de présenter des déclarations d'impôt et de payer les impôts dus au département compétent de l'impôt sur le revenu, conformément aux dispositions de la loi qui régissent les sociétés anonymes libanaises ; que si ce décret-loi prévoit que ces sociétés, sous certaines conditions, tenant notamment à la nature et au lieu d'exercice de leurs activités, sont exonérées d'impôt sur le revenu et soumises à un impôt annuel forfaitaire d'un montant modique, cette situation n'a pas pour effet ni pour objet de faire perdre à ces sociétés leur qualité d'assujetti à l'impôt, ainsi que l'a d'ailleurs attesté l'administration fiscale libanaise ; que la convention fiscale franco-libanaise ne contient aucune définition de la notion de résident subordonnant l'assujettissement à l'impôt dans un Etat contractant au fait de ne pas être exonéré de celui-ci ou d'y être assujetti pour un montant substantiel ; qu'ainsi, la société Roxana doit être regardée, au sens de l'article 2 de la convention signée entre la France et le Liban, comme résidente de cet Etat, alors même qu'eu égard à son statut de société offshore, elle est régie par des règles de fonctionnement dérogatoires par rapport à celles applicables en principe aux sociétés commerciales libanaises et n'acquitte qu'un impôt forfaitaire modique ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 1. de l'article 10 de la convention signée entre la France et le Liban : " Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce une activité industrielle ou commerciale dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. (...) " ; qu'aux termes du 1. de l'article 26 de la dite convention : " Les revenus qui, d'après la présente Convention, sont soumis à l'imposition exclusive de l'un des deux Etats ne peuvent être imposés dans l'autre Etat, même par voie de retenue à la source. " ;

9. Considérant que les rémunérations litigieuses, versées à la société Roxana en contrepartie de prestations de service à caractère informatique fournies dans le cadre de son activité commerciale entrent dans le champ des " bénéfices d'une entreprise " au sens de l'article 10 précité de la convention signée entre la France et le Liban ; que les stipulations précitées du 1. de l'article 10 de la convention signée entre la France et le Liban font obstacle à ce que les rémunérations versées par la société Staff and Line à la société libanaise Roxana, laquelle est dépourvue d'établissement stable en France, fassent l'objet d'une imposition en France par la voie de la retenue à la source prévue par l'article 182 B du code général des impôts ; que si le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR soutient que l'objectif de lutte contre les doubles impositions qui figure à l'article 8 de la convention signée entre la France et le Liban implique un assujettissement effectif à l'impôt dans l'autre Etat contractant, un tel objectif ne permet pas, faute de stipulation expresse le prévoyant, de déroger aux règles énoncées par cette convention ; qu'ainsi, les stipulations de l'article 10 de la convention signée entre la France et le Liban font obstacle à l'application de la retenue à la source sur les rémunérations versées à la société libanaise Roxana ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des retenues à la source litigieuses ;

Sur les conclusions de la société Easyvista tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Easyvista, anciennement dénommée Staff and Line, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU COMMERCE EXTERIEUR est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Easyvista la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 12VE02108 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02108
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Nicolas CHAYVIALLE
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : SCP PATRICK DELPEYROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-03-05;12ve02108 ?
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