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10/02/2015 | FRANCE | N°12VE02436

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 10 février 2015, 12VE02436


Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2012, présentée pour la société en nom collectif LIDL (SNC LIDL), dont le siège est 35 rue Charles Péguy à Strasbourg (67200), par Me Schott, avocat ;

La société LIDL demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement nos 1008790,1100409 du 25 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source prélevée au titre des années 2009 et 2010, sur les dividendes qu'elle a versés à la société de droit allemand Lidl Stiftung et co GmbH ;

2° avant

de statuer sur les conclusions visées au 1°, de saisir la Cour de justice de l'Union eur...

Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2012, présentée pour la société en nom collectif LIDL (SNC LIDL), dont le siège est 35 rue Charles Péguy à Strasbourg (67200), par Me Schott, avocat ;

La société LIDL demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement nos 1008790,1100409 du 25 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de la retenue à la source prélevée au titre des années 2009 et 2010, sur les dividendes qu'elle a versés à la société de droit allemand Lidl Stiftung et co GmbH ;

2° avant de statuer sur les conclusions visées au 1°, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

3° réglant l'affaire au fond, de lui accorder la restitution de la retenue à la source en litige ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle entend se prévaloir de l'ensemble des moyens qu'elle a soulevés en première instance ; elle soutient en outre que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la charge fiscale est plus lourde pour l'investisseur allemand qui placerait ses capitaux en France que s'il les plaçait en Allemagne ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment ses articles 56 et 58, ainsi que le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment ses articles 63 et 65 ;

Vu la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959, notamment son

article 9.2 ;

Vu le code général des impôts, notamment son article 119 bis et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2015 :

- le rapport de M. Skzryerbak, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public,

- et les observations de Me Schott, avocat, pour la SNC LIDL ;

1. Considérant que la société en nom collectif LIDL (SNC LIDL) a été assujettie, au titre des années 2009 et 2010, à des retenues à la source établies au taux de 15 pour 100, sur le fondement des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable et de l'article 9.2 de la convention fiscale franco-allemande du

21 juillet 1959, à raison des dividendes qu'elle a versés à la société de droit allemand Lidl Stiftung et Co. GmbH ; qu'elle demande l'annulation du jugement nos 1008790,1100409 du

25 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des impositions ainsi acquittées ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la SNC LIDL fait valoir que le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas répondu aux développements étayés par des décisions récentes de la Cour de justice visant à faire reconnaître l'atteinte à la libre circulation des capitaux à raison du fait que la charge fiscale est plus lourde pour l'investisseur allemand qui place ses capitaux en France plutôt qu'en Allemagne ; qu'il résulte cependant des énonciations du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Montreuil a indiqué que l'existence d'une discrimination constitutive d'une atteinte à la liberté de circulation des capitaux n'avait pas à être appréciée entre la situation d'une société distributrice résidant en Allemagne et celle d'une société distributrice résidant en France ; que, par suite, la SNC LIDL n'est pas fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Montreuil, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments invoqués devant lui, aurait omis de répondre à ce moyen ;

Sur la demande de restitution :

3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites " ; qu'aux termes de l'article 58 du premier traité, devenu l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire ; que lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement éventuellement instituée entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en matière d'impôts directs, les situations respectives des résidents et des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables ; qu'à l'égard des mesures prévues par un Etat membre afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique de bénéfices distribués par une société résidente, les actionnaires bénéficiaires résidents ne se trouvent pas nécessairement dans une situation comparable à celle d'actionnaires bénéficiaires résidents d'un autre Etat membre ; que, cependant, lorsqu'un Etat membre, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assujettit à l'impôt non seulement les actionnaires résidents mais également les actionnaires non résidents pour les dividendes qu'ils perçoivent d'une société résidente, la situation des actionnaires non résidents se rapproche de celle des actionnaires résidents ; qu'en pareil cas, pour que les sociétés bénéficiaires non résidentes ne soient pas confrontées à une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée, en principe, par les stipulations citées ci-dessus, l'Etat de résidence de la société distributrice doit veiller à ce que, par rapport au mécanisme prévu par son droit interne afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne ou la double imposition économique, les sociétés actionnaires non résidentes soient soumises à un traitement équivalent à celui dont bénéficient les sociétés actionnaires résidentes ;

5. Considérant que les moyens invoqués par la SNC LIDL doivent être examinés au regard de ces principes ;

6. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par le 1 de l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) " ;

7. Considérant qu'une société établie en France, qui reçoit des dividendes versés par une société résidente et ne relève pas du régime fiscal des sociétés mères, n'est pas exonérée d'impôt en France à raison de ces dividendes ; que, si une société non résidente est exonérée d'impôt dans son Etat de résidence en raison de la législation applicable dans cet Etat et si, par suite, la retenue à la source prélevée en France à raison des dividendes que lui a versés une société établie en France constitue une charge définitive, le respect de la liberté de circulation des capitaux n'implique pas que la France doive, de manière unilatérale ou par voie conventionnelle, assurer la neutralisation de la charge fiscale que cette société supporte du fait de la décision de l'Etat membre où elle réside d'exercer sa compétence fiscale et de ne pas la soumettre à l'impôt ; qu'ainsi qu'il est dit au point 4 du présent arrêt, le désavantage pouvant résulter pour la société non résidente de l'exercice parallèle des compétences fiscales de la France et de son Etat de résidence ne constitue pas, dès lors que cet exercice ne revêt pas un caractère discriminatoire, une restriction à la liberté de circulation de capitaux prohibée par le traité instituant la Communauté européenne ; que, dès lors, la SNC LIDL ne peut utilement faire valoir que la retenue à la source prélevée sur les dividendes versés à une société allemande constitue pour cette dernière une charge définitive qu'il appartiendrait à la France de neutraliser ni qu'il en résulte une imposition plus élevée que si ces dividendes étaient versés par une société allemande ;

8. Considérant que la SNC LIDL soutient que le mécanisme de la retenue à la source conduit, par principe, à traiter plus défavorablement les dividendes versés à une société non résidente que ceux versés à une société bénéficiaire établie en France, au point de dissuader les sociétés non résidentes de procéder à des investissements en France ; que, toutefois, ce mécanisme ne constitue pas, en lui-même, une entrave à cette liberté mais procède d'une technique différente d'imposition des dividendes perçus par une société, selon qu'elle est non résidente ou résidente ;

9. Considérant que la SNC LIDL fait cependant valoir que les sociétés bénéficiaires établies en France peuvent bénéficier d'une exonération de fait en raison de la prise en compte, dans le calcul de l'impôt sur les sociétés, des charges exposées et des déficits reportables ;

10. Considérant, d'une part, que si les sociétés bénéficiaires établies à l'étranger ne peuvent déduire les charges qu'elles ont exposées du montant soumis à la retenue à la source, cette différence d'assiette ne conduit pas à regarder le mécanisme de retenue à la source comme réservant par principe un traitement défavorable aux dividendes versés à une société bénéficiaire établie en Allemagne par rapport au traitement accordé aux dividendes versés à des sociétés bénéficiaires établies en France, compte tenu de l'écart entre les taux d'imposition applicable à ces dividendes ;

11. Considérant d'autre part qu'aucune disposition du droit interne français ne prévoit une exonération des dividendes reçus par une société résidente lorsque ses résultats sont déficitaires ; que ces dividendes sont effectivement compris dans le résultat de cette société et viennent en diminution du déficit reportable ; que, lorsque le résultat de cette société redevient bénéficiaire, la diminution de ce déficit reportable implique que ces dividendes seront effectivement imposés à l'impôt sur les sociétés au titre d'une année ultérieure au taux de droit commun alors applicable ; que, s'il en résulte un décalage dans le temps entre la perception de la retenue à la source afférente aux dividendes payés à la société non résidente et l'impôt établi à l'encontre de la société établie en France au titre de l'exercice où ses résultats redeviennent bénéficiaires, ce décalage procède, ainsi qu'il a été dit au point 8, d'une technique différente d'imposition des dividendes perçus par la société selon qu'elle est non résidente ou résidente ; que le seul désavantage de trésorerie que comporte la retenue à la source pour la société non résidente ne peut ainsi être regardé comme constituant une différence de traitement caractérisant une restriction à la liberté de circulation des capitaux ;

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de difficulté sérieuse, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC LIDL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SNC LIDL est rejetée.

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N° 12VE02436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02436
Date de la décision : 10/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Libertés de circulation - Libre circulation des capitaux.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: M. Arnaud SKZRYERBAK
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : SCHOTT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-02-10;12ve02436 ?
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