Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013, présentée pour M. D... C...et Mme B... A...épouseC..., demeurant..., par Me Poitvin, avocate ;
M. et Mme C... demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1202237-1202238 du 21 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. C...diverses sommes à raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C et à verser à MmeC..., sa mère, la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice d'affection et la somme de 6 000 euros au titre de son préjudice extrapatrimonial exceptionnel ;
2° de condamner l'ONIAM à verser à M. C...la somme de :
- 8 808,80 euros au titre des dépenses de santé ;
- 15 735,60 au titre des frais divers ;
- 12 000 euros au titre du préjudice professionnel temporaire ;
- 10 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- 3 200 euros au titre des souffrances endurées ;
- 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
- 25 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination ;
3° de condamner l'ONIAM à verser à Mme C...la somme de :
- 15 000 euros au titre de son préjudice d'affection ;
- 6 000 euros au titre de son préjudice extra-patrimonial exceptionnel ;
4° de condamner l'ONIAM à verser à chacun la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- ils ne sont pas prescrits dans leurs demandes ; lors de l'entrée en vigueur de l'article L. 1142-28 du code de la santé publique créé par la loi du 4 mars 2002 et instituant une prescription décennale, et de l'article 2226 du code civil modifié par la loi du 17 juin 2008 entré en vigueur le 1er juin 2010, les créances étaient soumises à la prescription trentenaire ; la prescription quadriennale ne leur est pas opposable ; la décision de l'ONIAM est sur ce point entachée d'illégalité interne ;
- le tribunal n'a pas répondu à leur argumentation tirée de ce que les décisions qu'ils attaquaient n'étaient pas signées ;
- la décision attaquée n'est pas signée par le directeur de l'ONIAM ;
- l'expert ayant formellement exclu toute autre cause de contamination, celle-ci est imputable aux transfusions de produits sanguins en application de l'article 102 de la loi du
4 mars 2002 ;
- l'ONIAM venant aux droits de l'EFS venant lui-même aux droits de la FNTS et du CNTS sera déclaré responsable de l'entier préjudice et condamné à réparer sa totalité ;
- le traitement a couté 8 008,80 euros ; les déplacements à l'hôpital peuvent être évalués à la somme de 15 735,60 euros ; M. C...est fondé à solliciter 12 000 euros en réparation de son ITT de 20 mois, 10 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence,
3 200 euros au titre du pretium doloris et 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; le risque d'évolution de sa maladie constitue un préjudice distinct qui doit être indemnisé ; Mme C... a subi un préjudice moral à la vue de la souffrance de son fils ; elle a dû l'accompagner et est fondée à solliciter la somme de 6 000 euros au titre de ce préjudice extrapatrimonial exceptionnel ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi de finances rectificative n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2014 :
- le rapport de Mme Orio, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Montreuil a expressément indiqué que le directeur de l'ONIAM, lequel a régulièrement signé les décisions en date du 18 janvier 2012, a pu légalement opposer les prescriptions aux demandes de réparation des consortsC... ; qu'ainsi, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que la prescription n'avait pas été régulièrement opposée faute d'avoir été signée par le directeur de l'office ; que M. C...et Mme A...épouse C...ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé et l'exception de prescription :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2262 du code civil applicable en février 1997 : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...) " ; qu'aux termes de l'article 2222 de ce code : " (...) En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. " ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 60 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000 : " I. - Les obligations nées de la fourniture de produits sanguins par des personnes morales de droit privé agréées sur le fondement de la loi n° 52-854 du 21 juillet 1952 sur l'utilisation thérapeutique du sang humain, de son plasma et de leurs dérivés qui n'entrent pas dans le champ d'application du B de l'article 18 de la loi no 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme sont transférées à l'Établissement français du sang à la date de création de cet établissement public " ; que l'Établissement français du sang, établissement public, doté d'un comptable public prévu par la loi du 1er juillet 1998, a été créé à la date du 1er janvier 2000 ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du
31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. " ;
5. Considérant, en l'espèce, que M. D...C..., qui a reçu des transfusions de produits sanguins dès 1966 en raison d'une hémophilie majeure de type A, s'est vu diagnostiquer en 1991 une infection par le virus de l'hépatite C, qui a nécessité la mise en oeuvre d'une thérapie par Interferon de mai 1995 à février 1997 ; qu'il n'est pas contesté, même si M. C... fait valoir qu'une rechute ne peut être totalement exclue, que son état de santé est consolidé depuis le mois de février 1997, date à partir de laquelle les recherches d'anticorps ont toujours été négatives ; qu'ainsi, il résulte des dispositions précitées, que la créance de M. C..., qui était initialement soumise au délai de prescription trentenaire du code civil qui courrait à compter de la consolidation de son état de santé au mois de février 1997, a été soumise au nouveau délai de prescription quadriennale à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 1998 soit le 1er janvier 2000 ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la loi du 4 mars 2002 n'a pas rendu la prescription décennale applicable aux actions par lesquelles les victimes de contaminations d'origine transfusionnelle recherchaient la responsabilité du centre de transfusion sanguine ayant élaboré les produits sanguins transfusés, sous réserve du cas où ce centre n'aurait pas eu une personnalité morale distincte de celle d'un établissement de santé ; que si l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, issu de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, et l'article L. 3122-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, confient à l'ONIAM l'indemnisation des personnes contaminées par certains agents pathogènes à l'occasion de transfusions de produits sanguins ou d'injections de médicaments dérivés du sang, les actions fondées sur ces dispositions ne peuvent être regardées comme entrant dans le champ de la prescription décennale dès lors que l'ONIAM n'est pas appelé à assurer une réparation en lieu et place du professionnel ou de l'établissement de santé qui a procédé à l'administration des produits sanguins, la responsabilité de ce professionnel ou de cet établissement n'étant pas normalement engagée en pareil cas ; que, dès lors que l'ONIAM est un établissement public doté d'un comptable public, ces actions restent soumises à la prescription quadriennale ; qu'ainsi, le 15 avril 2004, date à laquelle M. C...a assigné en référé l'EFS, devant le Tribunal de grande instance de Paris, sa créance était déjà prescrite depuis le 31 décembre 2003 ; que le transfert à l'ONIAM des droits et obligations de l'EFS et la nouvelle demande d'indemnisation adressée à l'ONIAM en date du 9 février 2011 par M. C...et sa mère, n'ont pu, faute de disposition législative en ce sens le prévoyant expressément, relever de la prescription cette créance déjà prescrite en application de la loi du 31 décembre 1968 ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de la comparaison des pièces produites par l'ONIAM, que cette prescription a été opposée par deux décisions signées du directeur de l'ONIAM du 18 janvier 2012 ; qu'ainsi, le directeur de l'ONIAM, lequel a régulièrement signé les décisions en date du 18 janvier 2012, a pu légalement opposer ces prescriptions aux demandes de M. C...et de sa mère, Mme A...épouseC... ; que, par suite, les conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation présentées par M. C...et par Mme A... épouse C...doivent être rejetées ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leurs demandes ;
Sur les conclusions à fin d'appel incident :
8. Considérant que, par son appel incident, l'ONIAM soutient que c'est à tort que le jugement a indiqué que la prescription décennale était applicable aux actions à l'encontre de l'ONIAM en indemnisation des préjudices post-transfusionnels non prescrites à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 ; que le jugement attaqué ayant entièrement rejeté les conclusions de M. C...et de Mme A...épouse C...tendant à la réparation des préjudices liés à la contamination de M. C...par le virus de l'hépatite C, les conclusions incidentes de l'ONIAM sont en réalité dirigées non contre le dispositif du jugement attaqué, mais seulement contre l'un de ses motifs ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;
Sur l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de laisser à la charge de M. C... et de Mme C... la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... et de Mme A... épouse C...ainsi que le recours incident de l'ONIAM sont rejetés.
Article 2 : Les dépens de l'instance sont laissés à la charge de M. et MmeC....
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 13VE02599