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30/12/2014 | FRANCE | N°12VE03396

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 30 décembre 2014, 12VE03396


Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2012, présentée pour M. et Mme A... B...demeurant..., par Me Wibaut, avocat ;

M. et Mme B... demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1100961 du 25 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3° de mettre à la charge

de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2012, présentée pour M. et Mme A... B...demeurant..., par Me Wibaut, avocat ;

M. et Mme B... demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1100961 du 25 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2° de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la mise en oeuvre de l'article 155 A du code général des impôts conduit à leur faire subir une double imposition, en méconnaissance de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-70 QPC du

26 novembre 2010 ; que l'article 4 de la convention fiscale franco-belge fait obstacle à l'imposition en France des sommes versées par la société de droit français Dubaere à la société de droit belge Couros en rémunération des prestations réalisées par M.B... ; que l'article 155 A du code général des impôts méconnaît les principes communautaires de liberté d'établissement et de libre prestation de services ; à titre subsidiaire que, pour établir l'assiette de l'imposition, le service a tenu compte à tort de sommes comptabilisées mais non encaissées ; que l'assiette de l'imposition dépasse les encaissements ; que le service ne pouvait tenir compte de la rémunération de gérant versée par la société Couros à M. B...pour calculer le taux moyen d'imposition dans le cadre du mécanisme prévu par l'article 197 A du code général des impôts ; que, d'une part, cette rémunération se confond avec les sommes imposées sur le fondement de l'article 155 A et dont le service a déjà tenu compte ; que, d'autre part, n'entrent pas dans le calcul du taux moyen les revenus qui sont exonérés en vertu d'une convention internationale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la convention fiscale franco-belge du 10 mars 1964 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 du Conseil Constitutionnel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2014 :

- le rapport de M. Skzryerbak, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public ;

1. Considérant que M. et Mme A... B...ont été assujettis sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts à des impositions supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2006, 2007 et 2008, sur les sommes versées par la société Dubaere

à la société Couros en rémunération des prestations effectuées par M. B... ; qu'ils demandent l'annulation du jugement du 25 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande de décharge de ces impositions et des pénalités

correspondantes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que l'administration n'était pas légalement tenue de faire connaître aux requérants qu'ils avaient la faculté de saisir la commission départementale des impôts ; que l'absence de mention de cette faculté dans la réponse à leurs observations n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application du droit interne :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 155 A du code général des impôts : " Les sommes perçues par une personne domiciliée ...en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ...où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A " ; qu'aux termes du II du même article : " Les règles prévues au I ci-dessus sont également applicables aux personnes domiciliées hors de France pour les services rendus en France " ; que les prestations dont la rémunération est ainsi susceptible d'être imposée entre les mains de la personne qui les a effectuées correspondent à un service rendu pour l'essentiel par elle et pour lequel la facturation par une personne domiciliée ...ne trouve aucune contrepartie réelle dans une intervention propre de cette dernière, permettant de regarder ce service comme ayant été rendu pour son compte ;

4. Considérant que l'administration fiscale a relevé que M.B..., résident belge, occupe les fonctions de président de la société Dubaere, qui est établie en France, sur le fondement d'une convention par laquelle la société Couros, établie en Belgique, l'a mis à disposition en échange d'une rémunération ; que M. B...détient la totalité du capital de la société Couros, dont il est également le gérant et l'unique salarié ; que si M. B...fait valoir que l'activité de la société Couros ne se limite pas à le mettre à disposition de la société Dubaere, il n'apporte aucun élément permettant d'établir que la facturation de ses prestations par la société Couros aurait trouvé une contrepartie réelle dans une intervention qui aurait été propre à cette dernière et que le service ainsi rendu l'aurait été pour son compte ; qu'il suit de là que l'administration doit être regardée comme ayant apporté la preuve que les rémunérations versées par la société Dubaere à la société Couros entraient dans les prévisions de l'article 155 A du code général des impôts ;

5. Considérant qu'il résulte de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-70 QPC du 26 novembre 2010 que, pour l'application de l'article 155 A du code général des impôts, " dans le cas où la personne domiciliée ...au contribuable tout ou partie des sommes rémunérant les prestations réalisées par ce dernier, la disposition contestée ne saurait conduire à ce que ce contribuable soit assujetti à une double imposition au titre d'un même impôt " ; que si

M. et Mme B...font valoir que cette réserve trouve également à s'appliquer lorsque le contribuable est établi à l'étranger, la prohibition de la double imposition ne peut concerner, en tout état de cause, que les impositions françaises ; que, par suite, M. et Mme B...ne peuvent utilement faire valoir qu'ils se sont acquittés en Belgique d'impôts sur les sommes que la société Couros a reversées à M. B...au titre des prestations qu'il a effectuées au bénéfice de la société Dubaere ;

6. Considérant que la seule production de relevés de comptes bancaires, au demeurant en néerlandais et non traduits, ne permet pas, en l'absence notamment de pièces comptables, d'établir que l'assiette de l'imposition excèderait les encaissements ni que l'administration aurait tenu compte à tort de sommes comptabilisées mais non encaissées ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 197 A du code général des impôts : " Les règles du 1 du I de l'article 197 sont applicables pour le calcul de l'impôt sur le revenu dû par les personnes qui, n'ayant pas leur domicile fiscal en France : / a. Perçoivent des revenus de source française ; l'impôt ne peut, en ce cas, être inférieur à 20 % du revenu net imposable ou à 14,4 % pour les revenus ayant leur source dans les départements d'outre-mer ; ces taux minima d'imposition ne sont toutefois pas applicables aux personnes qui peuvent justifier que l'impôt français sur leur revenu global serait inférieur à celui résultant de l'application de ces taux minima ; toutefois, lorsque le contribuable justifie que le taux de l'impôt français sur l'ensemble de ses revenus de source française ou étrangère serait inférieur à ces minima, ce taux est applicable à ses revenus de source française " ;

8. Considérant d'une part que, si n'entrent pas dans le calcul du revenu global les revenus qui sont en France expressément exonérés d'impôt sur le revenu, doit être pris en compte l'ensemble des revenus de source française ou étrangère ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement faire valoir que la rémunération de gérant de la société Couros doit être exclue du calcul au motif qu'elle est imposable en Belgique ;

9. Considérant d'autre part que, les requérants font valoir que tenir compte, pour le calcul du revenu global, à la fois des sommes réintégrées sur le fondement de l'article 155 A du code général des impôts et de la rémunération versée par la société Couros à M. B...revient à compter deux fois les mêmes revenus ; que, cependant, il ne résulte pas de l'instruction que la rémunération de gérant qu'il reçoit de la société Couros lui serait versée à raison des seules prestations qu'il effectue en France ; que, dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le respect des libertés d'établissement et de prestation de service :

10. Considérant que les requérants se prévalent de l'atteinte à la liberté de s'établir dans un autre Etat membre ainsi qu'à la libre prestation de services à l'intérieur de l'Union qui résulterait des dispositions précitées de l'article 155 A du code général des impôts et font valoir qu'elles ont pour effet de dissuader les sociétés établies hors de France d'y proposer des services en soumettant leur prestataire à une imposition supplémentaire ; que, toutefois, les dispositions en question, telles qu'interprétées par la présente décision, visent uniquement l'imposition des services rendus en France ne trouvant aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d'une personne établie ou domiciliée... ; qu'en l'absence, en l'espèce, d'une telle contrepartie permettant de regarder les services concernés comme rendus pour le compte de cette dernière personne, les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ne sauraient porter atteinte à la libre de prestation de services ni, en tout état de cause, à la liberté d'établissement ; qu'ainsi, le moyen de M. et Mme B...tiré de la méconnaissance de ces libertés ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'application de la convention franco-belge du 10 mars 1964 :

11. Considérant que M. et Mme B... se prévalent de la convention franco-belge du 10 mars 1964, notamment de son article 4 qui prévoit que : " Les bénéfices industriels et commerciaux ne sont imposables que dans l'Etat contractant où se trouve situé l'établissement stable dont ils proviennent " ; qu'ils font valoir à cet égard que les sommes perçues par la société Couros doivent être imposées en Belgique ; que, toutefois, ces sommes sont, en vertu de l'article 155 A du code général des impôts, un revenu tiré de l'exercice, par M.B..., d'une activité personnelle ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la convention franco-belge ferait obstacle à l'imposition en France de ces sommes doit être écarté ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la convention précitée : " Les revenus ou profits qu'un résident d'un Etat contractant tire de l'exercice d'une profession libérale ou d'autres activités personnelles et dont le régime n'est pas spécialement fixé par les dispositions de la présente Convention ne sont imposables dans l'autre Etat contractant que si, pour l'exercice de son activité, ledit résident y dispose d'une installation fixe qu'il utilise de façon régulière. Dans cette éventualité, les revenus ou profits provenant de l'activité exercée dans ce dernier Etat ne sont imposables que dans cet Etat " ; que, si M. et Mme B... font valoir que ces stipulations ne leur sont pas applicables dès lors qu' ils n'ont pas perçu les sommes en litige, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ces sommes sont, en vertu de l'article 155 A du code général des impôts, un revenu tiré de l'exercice, par M.B..., d'une activité personnelle ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme B... la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

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N° 12VE03396


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03396
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: M. Arnaud SKZRYERBAK
Rapporteur public ?: Mme RUDEAUX
Avocat(s) : WIBAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-12-30;12ve03396 ?
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