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02/12/2014 | FRANCE | N°13VE02942

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 décembre 2014, 13VE02942


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les

9 septembre 2013 et 28 octobre 2013, présentés pour M. B... A..., demeurant..., par Me Di Vizio, avocat ;

M. A... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1103645 du 27 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 25 février 2011 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts-de-Seine l'a sanctionné d'une suspension de la participation des caisses à la pris

e en charge des avantages sociaux pendant une durée de trois mois ;

2° d'annule...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les

9 septembre 2013 et 28 octobre 2013, présentés pour M. B... A..., demeurant..., par Me Di Vizio, avocat ;

M. A... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1103645 du 27 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 25 février 2011 par laquelle le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hauts-de-Seine l'a sanctionné d'une suspension de la participation des caisses à la prise en charge des avantages sociaux pendant une durée de trois mois ;

2° d'annuler cette décision ;

3° de mettre à la charge de la CPAM des Hauts-de-Seine le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- en omettant de relever un moyen d'ordre public relatif à l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée qui ressortait des pièces du dossier, le tribunal a commis une irrégularité dans l'exercice de ses fonctions juridictionnelles ;

- le jugement qui ne l'informe pas de l'étendue de ce qui lui est reproché et ne lui garantit pas qu'il ne pourra être condamné une seconde fois sur la base des mêmes faits est insuffisamment motivé ;

- le directeur de la CPAM des Hauts-de-Seine était incompétent ; il ne pouvait agir sans délégation de l'ensemble des caisses, à savoir la MSA et le RSI ;

- la procédure porte atteinte au principe d'impartialité qui découle de l'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la procédure prévue par les textes n'a pas été respectée ; il n'a pas été destinataire des différentes constatations des caisses fondant la sanction ; il n'a pas été en mesure de formuler des observations orales lors de l'examen des griefs reprochés au sein de la commission paritaire ; les syndicats présents à la commission paritaire sont en situation de conflit d'intérêts ; la procédure souffre de l'absence de distinction claire entre les fonctions d'instruction, de poursuite et de jugement ; le cumul des fonctions exercées par le directeur de la caisse créé un doute sérieux sur l'impartialité de la procédure ;

- la décision de sanction qui ne caractérise pas suffisamment les faits reprochés et qui se contente de reprendre à son compte l'avis non motivé de la commission paritaire locale est insuffisamment motivée ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en ajoutant un élément qui ne découle pas des textes en précisant que le praticien est habilité à procéder à des dépassements d'honoraires à titre exceptionnel ; il n'est pas démontré que les dépassements allégués n'ont pas été facturés en conséquence de circonstances exceptionnelles de temps et de lieu dues à une exigence particulière du patient et ne découlant pas d'un motif médical ;

- à supposer même que l'interprétation des circonstances exceptionnelles soit conforme, ce texte méconnaît dans ce cas le principe d'égalité ;

- le texte méconnaît le principe de légalité des délits et des peines puisque le médecin ne peut savoir d'une manière suffisamment claire et précise les limites qu'il se doit de respecter ;

- les faits sont relevés d'une manière globale sans que leur matérialité ne soit démontrée par des relevés précis ;

- l'auteur de la décision litigieuse ainsi que le tribunal ont commis une erreur d'appréciation dans la qualification juridique des faits en considérant que ceux-ci n'étaient pas de nature à autoriser le médecin à pratiquer des dépassements exceptionnels ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu l'arrêté du 3 février 2005 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes ;

Vu l'arrêté du 3 mai 2010 portant approbation du règlement arbitral applicable aux médecins libéraux en l'absence de convention médicale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Orio, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public ;

1. Considérant que, par une décision en date du 25 février 2011, le directeur de la CPAM des Hauts-de-Seine a notifié à M.A..., médecin généraliste, conventionné en secteur 1, pour le compte de l'ensemble des régimes, la sanction de suspension de la participation des caisses à la prise en charge des avantages sociaux pour une durée de trois mois ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5.4.1.2 de l'arrêté du 3 février 2005 portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes dont la validité a été prorogée par le règlement conventionnel minimal applicable aux médecins en l'absence de convention médicale : " Lorsqu'un médecin ne respecte pas, dans sa pratique, les dispositions de la présente convention, il peut, après mis en oeuvre des procédures conventionnelles décrites au paragraphe précédent, encourir les mesures suivantes : / (...) - suspension de la ou les participations des caisses à la prise en charge des avantages sociaux pour les médecins en bénéficiant. La suspension de la ou des participations des caisses est de un, trois, six ou douze mois ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 5.4.3 de la même convention : " Les décisions prises sont notifiées par le directeur de la CPAM du lieu d'exercice du professionnel agissant pour le compte de l'ensemble des régimes, par lettre recommandée avec avis de réception. (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par deux courriers en date du

23 décembre 2010, le directeur de la CPAM des Hauts-de-Seine a informé le directeur de la Mutualité sociale agricole (MSA) et la directrice du Régime social des indépendants (RSI) de l'avis de la commission paritaire locale sur la sanction à infliger à M.A..., de son intention de le suivre et a sollicité leur avis sur ce point ; que le directeur de la MSA a donné son accord pour cette sanction par une lettre en date du 29 décembre 2010 et la directrice du RSI par une lettre en date du 26 janvier 2011 ; que, par une décision en date du 25 février 2011, le directeur de la CPAM des Hauts-de-Seine a notifié à M.A..., pour le compte de l'ensemble des régimes, la sanction de suspension de la participation des caisses à la prise en charge des avantages sociaux pour une durée de trois mois ; que, par suite, la décision ayant été compétemment prise, le tribunal n'a commis aucune irrégularité en ne relevant pas d'office l'incompétence de son auteur ;

4. Considérant, en second lieu, que la motivation adoptée par les premiers juges permet à M. A... de comprendre les raisons pour lesquelles ceux-ci ont écarté ses moyens et ainsi de contester leur argumentation en appel ; que, par suite, cette motivation, dont l'objet n'est pas d'éviter que l'intéressé ne soit à l'avenir de nouveau sanctionné pour les même faits, ne porte pas atteinte aux droits de la défense et le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point ;

Sur le bien-fondé du jugement et la légalité de la décision de sanction :

5. Considérant qu'il ressort de ce qui a été dit au point 3 que le moyen tiré de ce que le directeur de la CPAM des Hauts-de-Seine aurait été incompétent pour prendre la décision en litige pour le compte de l'ensemble des régimes manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 5.4.1 de la convention approuvée par l'arrêté du 3 février 2005 susvisé : " (...) Les médecins dont les pratiques ne respectent pas les dispositions de la présente convention pourront faire l'objet de procédures contentieuses (...) " ; qu'aux termes de l'article 5.4.1.1. : " Cas de contestation, par une caisse, du non-respect des dispositions de la présente convention par un médecin libéral, et notamment : / - application de façon répétée, de tarifs supérieurs aux tarifs opposables en dehors des cas autorisés ; (...) / En cas d'absence de modification de la pratique du professionnel dans un délai d'un mois après l'envoi par la caisse d'un avertissement par lettre recommandée avec accusé de réception, la CPAM, pour le compte de l'ensemble des caisses, communique le relevé des constatations au médecin concerné par lettre recommandée avec avis de réception, avec copie aux deux présidents de la CPL. / Le médecin libéral dispose d'un délai d'un mois à compter de la date de communication du relevé des constatations pour présenter ses observations éventuelles ou être entendu à sa demande par le directeur de la caisse ou son représentant. Le médecin peut se faire assister par un avocat ou par un confrère de son choix. / La CPL donne son avis dans le même délai. (...) " ;

7. Considérant que les sanctions prises par les caisses locales d'assurance maladie en cas de manquement aux règles conventionnelles n'ont pas un caractère juridictionnel ; que, par suite, M. A...ne peut utilement soutenir que la sanction litigieuse aurait été prise à l'issue d'une procédure qui méconnaîtrait les stipulations du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ni le fait que l'autorité à l'origine de la constatation des manquements allégués et de la demande de sanction décide également de la sanction ni la circonstance que les médecins présents à la commission paritaire locale soient également obligés de respecter les termes de la convention pour bénéficier des avantages sociaux prévus par la convention médicale ne caractérisent un manquement à l'obligation d'impartialité ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les médecins membres de la commission paritaire locale, dont l'avis ne lie au demeurant pas l'administration, auraient été en situation de conflit d'intérêts ou que le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine aurait fait preuve de partialité ;

8. Considérant que si le principe général des droits de la défense fait obstacle à ce qu'une sanction conventionnelle puisse être prise à l'égard d'un médecin par le directeur d'une caisse d'assurance maladie sans que l'intéressé ait été mis à même de présenter ses observations, ce principe n'implique pas nécessairement que le médecin concerné les présente devant la commission paritaire locale dont l'intervention pour avis est prévue au paragraphe 5.4.1.1. de la convention ; que M.A..., qui a été destinataire du relevé des constatations de dépassement comme prévu par ces stipulations, a pu faire valoir ses observations devant le directeur de la gestion du risque et de la communication de la caisse ; que, par suite, l'intéressé ne peut utilement soutenir que la sanction litigieuse aurait été prise à l'issue d'une procédure qui méconnaîtrait les droits de la défense ;

9. Considérant que la sanction en litige est motivée par référence à l'article 5.4.1.1 de la convention médicale, après l'avis unanime de la commission paritaire locale des médecins et, en fait, " pour application de façon répétée de tarifs supérieurs aux tarifs opposables en dehors des cas autorisés " ; que cette sanction avait été précédée de la mise en demeure assortie d'un relevé exhaustif des dépassements reprochés à l'intéressé et intervenait après deux avertissements du 1er juillet 2009 et du 12 avril 2010 de se conformer aux tarifs opposables ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 4.3 Secteurs conventionnels et tarifs : " (...) / Les médecins appliquent les tarifs opposables (...) sauf dans les cas énumérés aux paragraphes suivants : / a) Le médecin peut s'affranchir des tarifs opposables en cas de circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade non liée à un motif médical (...) " ; que ces stipulations ne créent par elles-mêmes aucune inégalité de traitement ; que la circonstance, à la supposée établie, qu'elles pourraient être appliquées plus libéralement en outre-mer est sans incidence ; qu'elles ne méconnaissent donc pas le principe d'égalité et que l'exception d'illégalité présentée par M. A...doit, donc, être rejetée ;

11. Considérant que le principe de légalité des délits s'applique aux sanctions susceptibles d'être infligées aux membres des professions réglementées, y compris celles revêtant un caractère disciplinaire ; qu'il y est satisfait dès lors que les textes applicables font référence à des obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent ou de l'institution dont ils relèvent ; qu'en l'espèce et contrairement à ce que soutient M.A..., le texte précité précise clairement que le médecin ne peut s'affranchir des tarifs opposables à moins d'être en mesure de justifier des circonstances exceptionnelles de temps ou de lieu dues à une exigence particulière du malade non liée à un motif médical à l'origine des dépassements ; que l'exception d'illégalité présentée par M. A...doit être rejetée sur ce point ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du relevé des constatations comportant tous les actes effectués entre le 1er mai et le 30 septembre 2010 et notifié à M. A...par lettre recommandée avec accusé de réception du

15 novembre 2010, que sur les 1 088 consultations dispensées sur cette période, 59,5 % étaient affectées d'un dépassement ; que M.A..., qui se borne à soutenir de manière générale que ces dépassements seraient liés aux exigences de sa patientèle, particulièrement exigeante, de Neuilly-sur-Seine, et à qui revient la charge de la preuve, n'établit pas que ces dépassements seraient intervenus dans des circonstances exceptionnelles ; que, par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique des faits que les caisses ont estimé que ces faits étaient fautifs et de nature à justifier une sanction ; qu'eu égard à l'ampleur et au nombre de ces dépassements et au fait que M. A...avait été averti à deux reprises, une première fois le 1er juillet 2009 par la commission médicale de conciliation qui l'avait invité à respecter les tarifs en vigueur, une seconde fois par lettre de la CPAM des Hauts-de-Seine du 12 avril 2010, la sanction de suspension de la participation des caisses à la prise en charge des avantages sociaux pour une durée de trois mois n'était pas disproportionnée ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. A...une somme de 2 000 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des

Hauts-de-Seine sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A...versera à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 13VE02942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02942
Date de la décision : 02/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-04-02-01-01 Professions, charges et offices. Discipline professionnelle. Sanctions. Faits de nature à justifier une sanction. Médecins.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SELARL DI VIZIO-ARPAGAUS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-12-02;13ve02942 ?
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