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25/09/2014 | FRANCE | N°13VE01375

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 25 septembre 2014, 13VE01375


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2013, présentée pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF) dont le siège est 14, rue Ferrus à Paris, par Me Sartorio, avocat ; l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF) demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1206070 en date du 7 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision en date du 21 mai 2012 par laquelle il a préempté le bien situé 1, villa des Joncherolles et 5, avenue Sacco et Vanzetti à Pierrefitte-sur-Seine ;

2° de rejeter les conclusions pré

sentées en première instance par M. G... D..., Mme B...C..., Mlle E...C..., ...

Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2013, présentée pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF) dont le siège est 14, rue Ferrus à Paris, par Me Sartorio, avocat ; l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF) demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1206070 en date du 7 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision en date du 21 mai 2012 par laquelle il a préempté le bien situé 1, villa des Joncherolles et 5, avenue Sacco et Vanzetti à Pierrefitte-sur-Seine ;

2° de rejeter les conclusions présentées en première instance par M. G... D..., Mme B...C..., Mlle E...C..., M. I... C...et M. F... C...;

3° de mettre à la charge des consorts D...et C...la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la communauté d'agglomération étant incompétente pour déléguer à l'EPFIF le droit de préemption urbain relatif au bien dont s'agit ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2013, présenté pour M. G... D..., Mme B...C..., Mlle E...C..., M. I... C...et M. F... C..., par Me Rochefort, avocat ; Ils demandent :

1° de rejeter la requête et de confirmer le jugement attaqué en tant que, par son article 1er, il annule la décision de préemption en date du 21 mai 2012 au motif qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé ; à cette fin, ils soutiennent que c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la communauté d'agglomération de Plaine Commune étant incompétente pour déléguer le droit de préemption urbain relatif au bien dont s'agit à l'EPFIF, ce dernier n'a pu, sans entacher la décision litigieuse d'un vice d'incompétence, décider de préempter leur bien immobilier ; que, dans l'hypothèse où la Cour annulerait le jugement attaqué, il devra être fait droit aux autres moyens soutenus en première instance et repris en appel ;

2° par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué en tant que, par son article 2, il rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de leur demande indemnitaire préalable du 17 juillet 2012, ensemble la condamnation de l'EPFIF à la réparation des préjudices dont ils se prévalent ;

3° de condamner l'EPFIF à leur verser une somme de 240 000 euros, augmentée des éventuelles sommes qui pourraient être mises à leur charge par l'administration fiscale découlant de leurs obligations fiscales et qui naîtraient du retard et de leur impossibilité à régler les droits de mutation, assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande indemnitaire préalable, et la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

4° de mettre à la charge de l'EPFIF la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu'ils ont été dans l'impossibilité de faire fructifier la somme de 240 000 euros, prix de vente mentionné dans la promesse de vente du 7 février 2012, qu'ils ont perdu les revenus qui aurait pu être tirés du placement du capital correspondant au prix de vente convenu pendant la période comprise entre la décision illégale de préemption et la notification du jugement prononçant son annulation, qu'ils ont dû faire installer des portes blindées pour assurer la sécurité du bien immobilier dont s'agit et pour éviter les dégradations et les occupation illicites, que la décision de préemption illégale n'a pas permis de régler les droits de succession portant sur le bien immobilier dont s'agit et qu'ils ont subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 juillet 2014, présenté pour l'EPFIF, tendant aux mêmes fins que la requête ; il fait valoir les mêmes moyens que précédemment et soutient en outre, en tout état de cause, que la jurisprudence " Danthony " est susceptible de s'appliquer à un vice d'incompétence ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2014, présenté pour M. G... D..., Mme B...C..., Mlle E...C..., M. I... C...et M. F... C..., qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens et en outre par le moyen que la jurisprudence " Danthony " n'a pas lieu de s'appliquer au cas d'espèce ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du septembre 2014 :

- le rapport de M. Malagies, président assesseur,

- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,

- les observations de Me H...pour l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE et de Me A...pour les consorts D...-C...;

Sur la légalité de la décision de préemption en date du 21 mai 2012 :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 18 mai 2004, le conseil municipal de la commune de Pierrefitte-sur-Seine, a, comme il lui était loisible de le faire sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, transféré " la compétence de la commune en matière de droit de préemption urbain à Plaine Commune, pour une durée de deux ans, afin que la communauté puisse le créer, le déléguer, le supprimer et en délimiter le champ géographique d'application sur le territoire de la commune " ; que, par une délibération du 25 mai 2004, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Plaine Commune a accepté cette délégation du droit de préemption urbain, et par une délibération du même jour, a institué le droit de préemption urbain sur le territoire de la commune de Pierrefitte-sur-Seine ; que, par une délibération du 28 mai 2008 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Plaine Commune, qui vise la délibération du 18 mai 2004 de la commune de Pierrefitte-sur-Seine, le droit de préemption urbain a été à nouveau instauré sur l'ensemble des zones urbaines et d'urbanisation future de la commune de Pierrefitte-sur-Seine ; que les consorts D...-C... , propriétaires d'un bien immobilier constitué par les deux parcelles cadastrées section AD 41 et 42, sises 1, villa des Joncherolles et 5, avenue Sacco et Vanzetti à Pierrefitte-sur-Seine, ont adressé à la commune de Pierrefitte-sur-Seine une déclaration d'intention d'aliéner leur bien pour un montant de 240 000 euros, qui a été reçue le 27 mars 2012 ; que, par une décision du 16 mai 2012, le président de la communauté d'agglomération de Plaine Commune a délégué le droit de préemption urbain à l'EPFIF s'agissant du bien immobilier constitué par les deux parcelles susmentionnées appartenant aux consorts D..._Léger ; que, par la décision contestée du 21 mai 2012, le directeur général de cet établissement a décidé d'exercer le droit de préemption sur le bien immobilier dont s'agit pour la somme de 150 000 euros ;

3. Considérant que, d'une part, ni les dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, ni aucune autre disposition législatives ou réglementaires ne faisaient obstacle à ce que le conseil municipal de la commune de Pierrefitte-sur-Seine délègue le droit de préemption urbain à la communauté d'agglomération de Plaine Commune pour une durée limitée dans le temps ; que, d'autre part, il résulte sans ambigüité des termes précitées de la délibération du 18 mai 2004 du conseil municipal de la commune de Pierrefitte-sur-Seine que celui-ci a entendu déléguer l'exercice du droit de préemption urbain à la communauté d'agglomération de Plaine Commune pour une durée de deux ans, et non à ce que cette dernière procède à l'institution de ce droit dans un délai de deux ans ; qu'en outre, la circonstance que, par deux délibérations du 25 mai 2004 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Plaine Commune, celle-ci a accepté la délégation du droit de préemption urbain et a institué ledit droit sur le territoire de la commune de Pierrefitte-sur-Seine sans faire mention du terme de deux ans fixé par la délibération du 18 mai 2004 du conseil municipal de la commune de Pierrefitte-sur-Seine délégant ce droit est sans incidence sur ledit terme de deux ans, seule important, pour sa détermination, la volonté du délégant, et non celle du délégataire ; que, de plus, la délibération du 28 mai 2008 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Plaine Commune a instauré à nouveau le droit de préemption urbain sur l'ensemble des zones urbaines et d'urbanisation future de la commune de Pierrefitte-sur-Seine et la convention d'intervention foncière d'une durée de cinq ans signée le 16 mars 2012 entre la commune de Pierrefitte-sur-Seine et l'EPFIF, ne sauraient être regardées comme abrogeant implicitement la délibération du 18 mai 2004 du conseil municipal de la commune de Pierrefitte-sur-Seine en tant qu'elle délègue l'exercice du droit de préemption urbain à la communauté d'agglomération pour une durée de deux ans, l'abrogation d'une telle délégation ne pouvant qu'être explicite ; qu'enfin, la circonstance que, par des délibérations respectivement des 20 septembre 2012 et 23 octobre 2012, soit postérieures à la décision contestée, la commune de Pierrefitte-sur-Seine et la communauté d'agglomération de Plaine Commune aient affirmé que la délégation consentie le 18 mai 2004 par le conseil municipal de la commune de Pierrefitte-sur-Seine à la communauté d'agglomération de Plaine Commune était sans limitation de durée est sans incidence sur l'interprétation qui doit être faite de ladite délibération du 18 mai 2004 qui, comme il a été dit, est au demeurant dépourvue d'ambigüité ; que, par suite, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, la communauté d'agglomération de Plaine Commune était incompétente pour déléguer le droit de préemption urbain relatif au bien dont s'agit à l'EPFIF ; que ce dernier était par voie de conséquence incompétent pour décider, par la décision litigieuse, de préempter le bien des consorts D...-C... ; qu'un tel vice d'incompétence, qui n'est pas insusceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de cette-décision, est de nature, contrairement à ce que soutient l'établissement requérant, à entacher d'illégalité ladite décision alors même qu'il n'aurait pas privé les intéressés d'une garantie ;

Sur l'appel incident des consorts D...-C... :

4. Considérant que si l'illégalité externe qui entache une décision de préemption constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la collectivité, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le vendeur ou l'acquéreur évincé lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision de préemption, le préjudice allégué ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision de préemption litigieuse du 21 mai 2012 était motivée par les circonstances que le bien immobilier dont s'agit est situé dans le périmètre de maîtrise foncière de la convention d'intervention foncière signée le 16 mars 2012 entre la commune de Pierrefitte-sur-Seine et l'EPFIF, sur lequel la commune de Pierrefitte-sur-Seine souhaite mener un projet d'ensemble en prévision de la mise en service de la ligne de tramway T5, de la restructuration de l'avenue Lénine et de l'ouverture du quartier avec le quartier Pierre Sémard (développement d'un quartier mixte comprenant des logements, dont des logements sociaux, et des commerces et services, en lien avec les projets de transport susmentionnés et la restructuration plus générale du quartier) ; que la réalité dudit projet d'opération d'aménagement est établie notamment par l'étude urbaine du secteur Sacco et Vanzetti réalisée en juin 2011 par un atelier d'architectes et d'urbanistes à la demande de la communauté d'agglomération de Plaine Commune, dont il résulte que des évolutions importantes du secteur en cause sont prévues, portant sur la création d'un vaste centre commercial, sur le réaménagement de la route nationale 1 (avenue Elisée Reclus) et sur l'aménagement de l'avenue Sacco et Vanzetti, les parcelles concernées étant incluses dans la " zone d'intervention " projetée par ladite étude ; que ce projet d'opération d'aménagement répondait ainsi aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préjudice subi par les consorts D...-C..., du fait de l'impossibilité dans laquelle ils se seraient trouvés, en raison de la préemption litigieuse, de donner suite à l'aliénation de leur bien, n'est pas la conséquence directe de l'illégalité fautive entachant la décision de préemption du 21 mai 2012 ; qu'ils ne sont par suite pas fondés à demander, par la voie du recours incident, la condamnation à la réparation des préjudices dont ils se prévalent ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'EPFIF n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 7 mars 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision susvisée en date du 21 mai 2012 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de l'EPFIF le paiement aux consorts D...-C..., pris solidairement, de la somme de 3 500 euros au titre des frais que ceux-ci ont exposés et non compris dans les dépens ; qu'enfin, le recours incident présenté par les consorts D...-C... doit être rejeté ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE est rejetée.

Article 2 : Le recours incident présenté par les consorts D...-C... est rejeté.

Article 3 : L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE versera aux consorts D...-C..., pris solidairement, une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF), à M. G... D..., à Mme B...C..., à Mlle E...C..., à M. I... C..., à M. F... C..., à la commune de Pierrefitte-sur-Seine, à la communauté d'agglomération de Plaine Commune et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2014, où siégeaient :

M. Demouveaux, président,

M. Malagies, président assesseur,

M. Bigard, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 25 septembre 2014.

Le rapporteur,

Ph. MALAGIESLe président,

J.-P. DEMOUVEAUXLe greffier,

V. BRIDET

La République mande et ordonne à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 13VE01375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE01375
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Philippe MALAGIES
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : ROCHEFORT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-09-25;13ve01375 ?
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