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25/09/2014 | FRANCE | N°13VE00637

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 25 septembre 2014, 13VE00637


Vu, la requête enregistrée le 22 février 2013, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE qui demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1207632 du 21 décembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés en date du 20 décembre 2012 ordonnant la remise aux autorités italiennes de M. A... E... et prononçant son placement en centre de rétention administrative ;

2° de condamner M. E... au paiement de la somme de 300 euros représentant les frais au paiement desquels l'Etat a été condamné en

première instance ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, le ju...

Vu, la requête enregistrée le 22 février 2013, présentée par le PREFET DE L'ESSONNE qui demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1207632 du 21 décembre 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé ses arrêtés en date du 20 décembre 2012 ordonnant la remise aux autorités italiennes de M. A... E... et prononçant son placement en centre de rétention administrative ;

2° de condamner M. E... au paiement de la somme de 300 euros représentant les frais au paiement desquels l'Etat a été condamné en première instance ;

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, le juge unique, dans le cadre de la reconduite à la frontière, n'étant pas compétent pour se prononcer sur la demande d'annulation de l'arrêté de réadmission ;

- l'auteur de l'arrêté portant réadmission à la frontière était compétent ;

- l'arrêté, qui est suffisamment motivé, trouve son fondement dans les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. E... n'est pas titulaire de la carte " Résident Longue Durée de la Communauté Européenne ", exigée pour les salariés non-européens détachés sous certaines conditions en France, travaillant pour un prestataire de service européen, en application des articles L. 5221-5 à L. 5221-11 du code du travail ;

- M. E... n'a pas sollicité la carte de séjour " salarié de prestataire de services communautaire " exigée pour les ressortissants de pays tiers détachés en France pour exercer une activité salariée pendant plus de trois mois ;

- M. E... se maintient en situation irrégulière sur le territoire français alors même que la société AF Interlog qui l'emploie avait fait l'objet, en 2009, d'un procès verbal, qui a été transmis au procureur, relevant plusieurs infractions à la législation du travail, et avait été informée de ce que les salariés détachés pour une durée de plus de trois mois doivent obtenir un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2013, présenté pour M. E..., par Me Atiback, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- le magistrat statuant seul était compétent pour statuer selon la procédure prévue à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités italiennes pour erreur de droit et l'arrêté de placement en rétention administrative, car, étant titulaire d'un titre de séjour italien l'autorisant à travailler, il est dispensé d'une autorisation de travail en application des dispositions des articles L. 1261-3 et R. 5221-2 du code du travail ;

- la société Interlog est une société totalement distincte de la société AT France et n'existait pas en 2009, à la date du contrôle dont se prévaut le préfet ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juillet 2013, présenté pour M. E... qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens, et soutient en outre que :

- compte tenu de l'obligation relative à la motivation des arrêtés préfectoraux le PREFET DE L'ESSONNE, qui n'a pas visé l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans l'arrêté litigieux, ne saurait par suite invoquer cet article pour justifier du bienfondé de l'arrêté litigieux ;

- l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fait obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient l'obligation, pour tout étranger souhaitant séjourner en France plus de trois mois après son entrée sur le territoire national, d'être muni d'une carte de séjour, dès lors qu'elles ne trouvent à s'appliquer que " sous réserve des stipulations d'un accord international " ; en tout état de cause l'article 56 précité prime sur le droit national et, à cet égard, la jurisprudence de la Cour de justice européenne relative à l'application de l'article 56 rend obsolète la jurisprudence issue de la décision du Conseil d'Etat du 13 janvier 1968, MmeC..., n° 70951 et permet à la Cour d'enjoindre au préfet de délivrer un titre de séjour aux salariés concernés, ce qui lui est demandé ;

- la directive 96/71/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services, ainsi que l'article 12 du règlement (CE) n° 883/2004 du parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, font également obstacle à l'application de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 5 juin 2014, présenté par le PREFET DE L'ESSONNE ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 49, devenu l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 883/2004 du parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

Vu la directive 96/71/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2014 le rapport de M. Malagies, président-assesseur ;

1. Considérant que M. E..., de nationalité égyptienne, a fait l'objet de deux arrêtés du PREFET DE L'ESSONNE en date du 20 décembre 2012 ordonnant, respectivement, sa remise aux autorités italiennes et son placement en rétention administrative ; que le PREFET DE L'ESSONNE relève régulièrement appel du jugement n° 1207632 du 21 décembre 2012 du Tribunal administratif de Versailles en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal a annulé son arrêté en date du 20 décembre 2012 ordonnant la remise aux autorités italiennes de M. E... ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. Lorsque l'étranger a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le même recours en annulation peut être également dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français et contre la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision mentionnant le pays de destination et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant, lorsque ces décisions sont notifiées avec la décision de placement en rétention ou d'assignation. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 776-1 du code de justice administrative : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français(...)/ 4° Les décisions fixant le pays de renvoi (...) / 5° Les arrêtés de reconduite à la frontière (...) / 6° Les décisions de placement en rétention et les décisions d'assignation à résidence (...) / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre mesure d'éloignement prévue au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des arrêtés d'expulsion, présentées dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. (...)" ;

4. Considérant que M. E... a fait l'objet de l'arrêté litigieux du PREFET DE L'ESSONNE en date du 20 décembre 2012 ordonnant sa remise aux autorités italiennes qui, pris en application de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitue une mesure d'éloignement prévue au V de ce code et entre dès lors dans le champ d'application du dernier alinéa de l'article R. 776-1 du code de justice administrative ; que ses conclusions à fin d'annulation présentées contre cet arrêté ont été formées dans le cadre d'une requête dirigée contre l'arrêté du 20 décembre 2012 ordonnant son placement en rétention administrative, au sens des dispositions précitées dudit article R. 776-1 ; que, dès lors, la demande présentée par M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités italiennes pouvait être instruite et jugée par un magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles, en application de la combinaison des dispositions précitées de l'article R. 776-1 du code de justice administrative et de celles du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen soulevé par le PREFET DE L'ESSONNE, tiré de l'incompétence du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles pour statuer sur cette demande, doit être écarté ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité et qu'aux termes de l'article L. 311-1 de ce code : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 121-1 ou des stipulations d'un accord international, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée en France, être muni d'une carte de séjour (...) " ; que, par ailleurs, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-2 du même code : " Sont dispensés de l'autorisation de travail : / ( ...) 2° Le salarié non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, détaché dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 et travaillant pour le compte d'un employeur établi sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse à condition qu'il soit titulaire d'une autorisation de travail, délivrée par l'Etat sur le territoire duquel est établi son employeur, valable pour l'emploi qu'il va occuper en France ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1262-1 du même code : " Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. / (...) " ;

6. Considérant, d'une part, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne selon lesquelles " (...) Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation " feraient obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'étant de nationalité égyptienne, ainsi qu'il a été dit, il n'entre pas dans le champ d'application dudit article 56 ; que M. E... n'est pas davantage fondé à soutenir que l'article 12 du règlement susvisé (CE) n° 883/2004 du parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ferait obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 311-1 précité ; que, par ailleurs, le moyen tiré de ce que la directive 96/71/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 1996 ferait également obstacle à l'application dudit article L. 311-1 n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut par suite qu'être écarté, alors, en outre et en tout état de cause, que l'article 20 de cette directive dispose que celle-ci " (...) ne porte pas (...) atteinte aux législations nationales relatives aux conditions d'entrée, de résidence et d'emploi des travailleurs ressortissants des pays tiers " ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. E..., qui s'est vu délivrer un permis de séjour italien en qualité de salarié valable du 28 décembre 2011 jusqu'au 12 juin 2014, a conclu le 1er mai 2012 un contrat de travail avec la société A.T. International SRL, qui a son siège à Milan, en Italie, et que cette société a conclu le même jour avec la société AT France SARL un contrat pour la période du 1er juillet 2012 au 1er juillet 2014, sur les sites de Bondoufle et de Savigny-le-Temple, en exécution duquel M. E... a été détaché sur le territoire national ; que le PREFET DE L'ESSONNE, qui n'apporte aucun élément susceptible de mettre en doute la conformité des conditions de ce détachement aux dispositions précitées du code du travail, a par suite entaché d'erreur de droit l'arrêté litigieux portant remise de l'intéressé aux autorités italiennes en se fondant sur l'absence d'autorisation de travail délivrée par les autorités françaises ; que, toutefois, le PREFET DE L'ESSONNE a également fondé l'arrêté litigieux tant sur les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il a visé dans ledit arrêté, que sur la circonstance que " M. E... déclare travailler (...) sans être titulaire (...) d'un titre de séjour délivré(s) par les autorités françaises " ; que, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que M. E..., entré en France en juillet 2012, séjournait à la date de cet arrêté depuis plus de trois mois en France sans être muni d'une carte de séjour, en méconnaissance de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DE L'ESSONNE était fondé, pour ce seul motif, à ordonner qu'il soit remis aux autorités de l'Etat italien qui l'avait admis à séjourner sur son territoire, en application des dispositions précitées de l'article L. 531-1 du même code ; qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE L'ESSONNE aurait pris le même arrêté portant remise de M. E... aux autorités italiennes s'il n'avait retenu que le seul motif tiré de ce qu'il n'était pas titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités françaises alors même qu'il se trouvait en France depuis juillet 2012, soit plus de trois mois ; que par suite, le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles s'est fondé, pour annuler son arrêté du 20 décembre 2012, sur le motif que ledit arrêté serait intervenu en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le Tribunal administratif de Versailles à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE portant réadmission à la frontière en date du 20 décembre 2012 ;

9. Considérant, en premier lieu, que Mme D...B..., directrice de l'immigration et de l'intégration, qui a signé l'arrêté attaqué, disposait d'une délégation de signature du PREFET DE L'ESSONNE en date du 19 septembre 2012 régulièrement publiée au bulletin d'informations administratives du département du même jour, à l'effet notamment de signer en toutes matières ressortissant à ses attributions tous arrêtés, décisions, documents ou correspondances relevant du ministère de l'intérieur ; que, dès lors que cette délégation de signature résulte d'un acte réglementaire, les services de la préfecture n'avaient pas à la produire pour justifier de ce que l'arrêté attaqué a été signé par une autorité compétente ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté litigieux manque en fait ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté litigieux du PREFET DE L'ESSONNE vise l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. E... déclare travailler depuis le 1er juin 2012 sans être titulaire d'une autorisation de travail ni d'un titre de séjour délivrés par les autorités françaises ; qu'ainsi, il comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il est fondé ; que le PREFET DE L'ESSONNE, dont l'arrêté litigieux vise l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que depuis le 1er juin 2012, M. E... se trouve sur le territoire national et est fondé, notamment, sur la circonstance que ce dernier n'est pas titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités françaises, n'était pas tenu de viser, également, l'article L. 311-1 du même code prévoyant l'obligation, pour tout étranger souhaitant séjourner en France plus de trois mois après son entrée sur le territoire national, d'être muni d'une carte de séjour, auquel renvoie l'article L. 531-1 précité ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral litigieux du 20 décembre 2012 doit être écarté ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) " ; que si M. E... soutient qu'il a des attaches personnelles et familiales en France, il ne justifie pas de l'existence d'un séjour habituel prolongé sur le territoire national, où il a déclaré être entré le 30 juin 2012 ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 33 ans et où résident son épouse et son enfant ; que, par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le PREFET DE L'ESSONNE aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de l'arrêté litigieux ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux serait entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. E... ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L 'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 20 décembre 2012 ordonnant la remise aux autorités italiennes de M. E..., et que les conclusions de ce dernier tendant à l'annulation dudit arrêté doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, les conclusions par lesquelles ce dernier demande à la Cour d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, à supposer que son mémoire enregistré le 1er juillet 2013 doive être regardé comme comportant de telles conclusions à fins d'injonction ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant, d'une part, que les conclusions par lesquelles le PREFET DE L'ESSONNE demande la condamnation de M. E... au paiement de la somme de 300 euros représentant les frais au paiement desquels l'Etat a été condamné en première instance doivent être regardées comme tendant à l'annulation du jugement du 21 décembre 2012 en tant que le premier juge a mis à la charge de l'Etat la somme de 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il résulte de ce qui précède que le jugement litigieux doit être annulé en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 300 euros, et que la demande présentée par M. E... devant le tribunal sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en première instance doit être rejetée ;

15. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les mémoires et pièces présentés pour M. A...E...enregistrés sous le n° 13VE00617 sont rayés des registres du greffe et rattachés à la requête enregistrée sous le n° 13VE00637.

Article 2 : L'article 1er du jugement n° 1207632 du 21 décembre 2012 du Tribunal administratif de Versailles, en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal a annulé l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE du 20 décembre 2012 ordonnant la remise aux autorités italiennes de M. E..., et l'article 2 de ce jugement, sont annulés.

Article 3 : La demande présentée au Tribunal administratif de Versailles par M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 décembre 2012 du PREFET DE L'ESSONNE ordonnant sa remise aux autorités italiennes, et ses conclusions présentées au tribunal et à la Cour, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées, de même que les conclusions à fins d'injonction présentées à la Cour par ce dernier.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au PREFET DE L'ESSONNE.

Délibéré après l'audience du 11 septembre 2014 où siégeaient :

M. Demouveaux, président,

M. Malagies, président assesseur,

M. Bigard, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 25 septembre 2014.

Le rapporteur,

Ph. MALAGIESLe président,

J.-P. DEMOUVEAUXLe greffier,

V. BRIDET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 13VE00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00637
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Philippe MALAGIES
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : ATIBACK ; ATIBACK ; ATIBACK

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-09-25;13ve00637 ?
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