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23/09/2014 | FRANCE | N°13VE02667

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 23 septembre 2014, 13VE02667


Vu la requête, enregistrée le 6 août 2013, présentée pour les sociétés DIA FRANCE, dont le siège est 120 rue du Général Malleret Joinville à Vitry-sur-Seine (94400), et CARREFOUR INSURANCE LIMITED, dont le siège est 25/28 Adelaïde Road à Dublin, Irlande, par Me Marchand, avocat ;

Les sociétés DIA FRANCE et CARREFOUR INSURANCE LIMITED demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1005267 du 17 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser à la société Europa Distribution

aux droits de laquelle vient la société DIA FRANCE la somme de 7 500 euros HT sauf ...

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2013, présentée pour les sociétés DIA FRANCE, dont le siège est 120 rue du Général Malleret Joinville à Vitry-sur-Seine (94400), et CARREFOUR INSURANCE LIMITED, dont le siège est 25/28 Adelaïde Road à Dublin, Irlande, par Me Marchand, avocat ;

Les sociétés DIA FRANCE et CARREFOUR INSURANCE LIMITED demandent à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1005267 du 17 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser à la société Europa Distribution aux droits de laquelle vient la société DIA FRANCE la somme de 7 500 euros HT sauf à parfaire et à la société CARREFOUR INSURANCE LIMITED la somme de 18 818,68 euros HT sauf à parfaire avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;

2° d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Essonne a rejeté leur demande et de condamner l'Etat à verser à la société DIA FRANCE la somme de

12 658,46 euros TTC et à la société CARREFOUR INSURANCE LIMITED la somme de

20 493,08 euros TTC au titre des dommages et dégâts résultant des actes commis par les manifestants ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de la demande devant le tribunal et la capitalisation de ces intérêts à l'expiration de chaque délai annuel ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que :

- l'exigence de faute lourde a été abandonnée ; l'inaction des services de police caractérise la faute des services de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- les forces de l'ordre étaient présentes sur place ; l'autorité administrative a disposé de plus de trois heures pour acheminer des renforts et mettre en place un dispositif conséquent de nature à faire cesser les troubles ; les forces de l'ordre se sont abstenues d'intervenir ;

- l'inaction des forces de police est directement à l'origine du préjudice subi ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée au titre de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ; le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 27 mai 2009 démontre que l'action a été commise par un groupe important de manifestants agissant dans le cadre d'un mouvement de protestation collectif ; le fait que les manifestants soient restés sur place après leurs exactions pour manifester exclut que cette action puisse être qualifiée d'opération commando ; le préjudice subi résulte de manière directe et certaine de l'action de cet attroupement précisément identifié ; aucune pièce du dossier ne permet d'établir que les délits étaient prémédités ;

- la responsabilité de l'Etat peut également être engagée pour rupture d'égalité devant les charges publiques ; le préjudice est anormal ; l'anormalité du préjudice ne s'apprécie pas de la même manière selon la nature de l'activité exercée et des produits commercialisés et notamment lorsque les produits commercialisés sont des produits frais ; il a empêché la société DIA FRANCE, qui fonctionne en flux tendus, de commercialiser les fruits et légumes pendant plusieurs jours privant ses clients de produits de première nécessité et causant un préjudice à son image ; le fait que le mouvement de protestation ait été national n'enlève rien au caractère spécial du préjudice ; le mouvement de protestation n'a affecté que le secteur de la grande distribution alimentaire ;

- le préjudice subi s'élève à la somme de 31 477,14 euros TTC pour les destructions à laquelle il convient d'ajouter 1 674,40 euros TTC pour l'évaluation du préjudice ; la société CARREFOUR INSURANCE LIMITED est subrogée dans les droits et obligations de la société DIA FRANCE à hauteur de 18 818,68 euros ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la sécurité intérieure ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Orio, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Marchand, pour les sociétés DIA FRANCE et CARREFOUR INSURANCE LIMITED ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 septembre 2014, présentée pour les sociétés DIA FRANCE et CARREFOUR INSURANCE LIMITED ;

1. Considérant que le 27 mai 2009, à 7h45, des agriculteurs ont commencé à se regrouper devant l'entrepôt DIA FRANCE situé au Plessis-Pâté dans l'Essonne ; qu'à environ 7h55, ils ont pénétré de force dans l'entrepôt où ils ont détruit une grande partie des stocks de fruits et légumes étrangers puis sont revenus se masser devant l'entrepôt dont ils ont bloqué l'accès aux camions de livraison jusqu'à 11 heures du matin afin de manifester leur mécontentement face aux importations ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité en vertu de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure :

2. Considérant qu'aux termes de ces dispositions en vigueur à compter du 1er mai 2012, qui reprennent les dispositions de l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales : " L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. / Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée. " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dommages invoqués résultent d'un délit commis à force ouverte par un groupe de manifestants ; que, toutefois, la chronologie des faits, et en particulier la circonstance que le groupe de manifestants ait d'abord saccagé l'entrepôt où ont été retrouvés des tracts portant la mention " où sont les légumes français ' " à 7h55 puis soit ressorti se masser devant l'entrepôt pour bloquer les camions jusqu'à 11 heures du matin en brandissant des pancartes portant les mêmes mentions est de nature à établir que les faits étaient prémédités et que ces actes n'ont pas été commis par un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions précitées mais par un groupe agissant de façon concertée ;

En ce qui concerne la responsabilité pour inaction fautive des forces de police :

4. Considérant que les sociétés requérantes ne démontrent pas qu'elles auraient vainement sollicité les forces de police avant de déposer plainte le 27 mai 2009 à 17h15 ; que si elles soutiennent que les forces de l'ordre étaient présentes dès le matin devant l'entrepôt et se sont volontairement abstenues d'intervenir, elles ne l'établissent pas par la production d'un rapport d'expertise dressé après les faits à la demande de la compagnie d'assurance pour évaluer les dégâts, alors que le préfet soutient, sans être contredit, que cette manifestation n'était pas déclarée et qu'elle n'était pas prévisible ; qu'à supposer même que les forces de l'ordre auraient été présentes sur place, les sociétés ne démontrent pas qu'une telle abstention d'intervenir et de solliciter des renforts, en particulier pour mettre fin au blocus du site, serait constitutive d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

En ce qui concerne la responsabilité pour rupture d'égalité devant les charges publiques :

5. Considérant, ainsi que dit au point 4, que les sociétés requérantes n'établissent pas que les autorités publiques auraient été sur place au moment de la dégradation ou qu'elles auraient été sollicitées pour prévenir la destruction des stocks de fruits et légumes dans l'entrepôt ; que, par suite, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée sur ce fondement ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés DIA FRANCE et CARREFOUR INSURANCE LIMITED ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés DIA FRANCE et CARREFOUR INSURANCE LIMITED est rejetée.

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N° 13VE02667


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02667
Date de la décision : 23/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité régie par des textes spéciaux - Attroupements et rassemblements (art - L - 2216-3 du CGCT).

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de police - Services de l'Etat - Abstention des forces de police.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SELARL CARAKTERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-09-23;13ve02667 ?
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