Vu le recours, enregistré le 13 mars 2014, présenté par le PREFET DES YVELINES ; le PREFET DES YVELINES demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1302783 en date du 11 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 22 avril 2013 par lequel il a refusé de renouveler la délivrance d'un titre de séjour à M. B...C..., l'a obligé à quitter le territoire français et lui a fixé un délai de départ volontaire de trente jours, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. C... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2° de rejeter la demande présentée par M.C... ;
Il soutient que :
- son arrêté n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ni erreur de droit ; M. C...a formé une demande de renouvellement de titre de séjour en qualité de conjoint de français alors que la vie commune avec son épouse n'a jamais existé ; il n'a jamais sollicité de demande de changement de statut pour exercer une activité de commerçant ; il n'est pas chargé de famille et n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ;
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité qui avait reçu délégation de signature à cet effet ;
- il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;
- l'arrêté contesté n'est entaché d'aucune erreur de droit et ne viole pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le moyen tiré de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant dès lors que M. C...n'avait pas formé de demande de titre sur ce fondement ;
- l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut être accueillie ;
- le délai de départ volontaire n'est pas contraire à la directive 2008/115/CE ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2014 :
- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- et les observations de MeA... pour M. C...;
1. Considérant que le PREFET DES YVELINES relève appel du jugement n° 1302783 en date du 11 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 22 avril 2013 par lequel il a refusé de renouveler la délivrance d'un titre de séjour à M. B...C..., ressortissant marocain, l'a obligé à quitter le territoire français et lui a fixé un délai de départ volontaire de trente jours, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. C... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...est entré en France en septembre 2002 et y réside depuis lors ; qu'après avoir été muni de titres de séjour en qualité d'étudiant jusqu'en octobre 2007, il a obtenu un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant français le 16 octobre 2007 à la suite de son mariage avec une ressortissante française ; que ce titre a été renouvelé jusqu'en septembre 2010 ; qu'il a ensuite vainement sollicité le renouvellement de son titre ; que s'il exerce une activité salariée depuis 2003, déclare régulièrement ses revenus et a créé en février 2011 une entreprise ayant pour activité le négoce de véhicules automobiles, il ne donne aucune précision sur la nature de son activité au sein de cette entreprise ni sur les revenus qu'il en tirait, et n'allègue pas qu'un départ vers son pays d'origine rendrait impossible la poursuite de cette activité ; qu'il n'affirme pas davantage qu'il ne pourrait exercer dans son pays d'origine les fonctions de chargé de clientèle en établissement bancaire qu'il a occupées pendant plusieurs années en France, ou toute autre activité professionnelle ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'enquête diligentée auprès du commissariat de police de Mantes-la-Jolie et du procès-verbal d'audition de M. C...en date du 21 février 2011, qu'il est séparé de son épouse française depuis le mois de juillet 2010 et qu'il a déposé en janvier 2011 une requête pour demander le divorce ; qu'enfin, M.C..., qui conserve dans son pays d'origine ses parents et six frères et soeurs, n'établit pas l'existence des liens amicaux ou sociaux dont il se prévaut ; qu'il suit de là que le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences de l'arrêté sur la situation personnelle de M. C...pour annuler la décision contestée ;
3. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. C...devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Sur le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par Mme E...D..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration à la préfecture des Yvelines, laquelle avait reçu, par arrêté préfectoral n° D3MI 2013098-0004 en date du 8 avril 2013 publié au recueil normal des actes administratifs de la préfecture des Yvelines n° 33 le 11 avril 2013, délégation de signature aux fins de signer les décisions contestées ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que la décision portant refus de titre de séjour mentionne les considérations de droit et de fait qui fondent cette mesure et est, par suite, suffisamment motivée ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...avait sollicité le renouvellement de son titre de séjour délivré en qualité de conjoint de français, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'avait pas demandé la délivrance d'un titre en application des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du même code ; que le PREFET DES YVELINES n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé pouvait prétendre à la délivrance d'un titre sur un autre fondement que celui sollicité ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le refus de délivrance d'un titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français porteraient atteinte à ces dispositions est inopérant et ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant qu'il ressort des éléments indiqués au point 2 du présent arrêt que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et eu égard aux effets d'une obligation de quitter le territoire français, ni le refus de titre de séjour contesté ni l'obligation de quitter le territoire qui a été opposée à M. C...ne peuvent être regardés comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs ou aux buts de ces deux mesures ou comme étant entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le PREFET DES YVELINES a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " et qu'aux termes de l'article R. 312-2 du code précité : " Le préfet (...) saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance " ;
11. Considérant que M. C...n'étant pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour, le PREFET DES YVELINES n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ; que, par suite, le moyen tiré par M. C...de ce que le refus de délivrance d'un titre de séjour aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté ;
12. Considérant enfin que, dès lors que les moyens soulevés par M. C...contre le refus de séjour sont écartés, celui-ci n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur le délai de départ volontaire :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
13. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. " ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date du 22 avril 2013, M. C... était mis en examen et faisait l'objet d'une procédure de contrôle judiciaire ; que le délai de départ volontaire de trente jours accordé par le préfet ne pouvait que l'empêcher de déférer aux convocations du juge et d'assurer sa défense utilement ; qu'en accordant un tel délai, le PREFET DES YVELINES, qui avait connaissance de la mesure de contrôle judiciaire dont faisait l'objet l'intéressé, a par suite commis une erreur manifeste d'appréciation ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par arrêté du 22 avril 2013, le PREFET DES YVELINES lui a fixé un délai de départ volontaire de trente jours ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :
16. Considérant, d'une part, qu'eu égard à ses motifs, le présent arrêt n'implique pas la délivrance à M. C...d'une carte de séjour temporaire ; que, dès lors, les conclusions présentées par ce dernier et tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DES YVELINES de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées ; que, d'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre audit préfet de réexaminer la situation de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
18. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre des frais à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1302783 du Tribunal administratif de Versailles en date du 11 février 2014 est annulé.
Article 2 : La décision du PREFET DES YVELINES en date du 22 avril 2013 fixant à M. C... un délai de départ volontaire de trente jours est annulée.
Article 3 : Le PREFET DES YVELINES réexaminera la situation de M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 4 : Le surplus de la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Versailles est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M. C...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 14VE00780