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01/07/2014 | FRANCE | N°13VE02759

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 01 juillet 2014, 13VE02759


Vu la requête, enregistrée le 14 août 2013, présentée pour

Mme F...G..., demeurant..., par la CLL avocats ;

Mme G... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1001678 du 11 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 octobre 2006 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Orsay l'a mutée d'office au service de pédiatrie, d'autre part, à la condamnation du centre hospitalier d'Orsay à lui verser la somme de 68 248,35 euros en réparation de ses préjud

ices et, enfin, à l'annulation de la décision par laquelle le centre hospitalier d...

Vu la requête, enregistrée le 14 août 2013, présentée pour

Mme F...G..., demeurant..., par la CLL avocats ;

Mme G... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1001678 du 11 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 12 octobre 2006 par laquelle le directeur du centre hospitalier d'Orsay l'a mutée d'office au service de pédiatrie, d'autre part, à la condamnation du centre hospitalier d'Orsay à lui verser la somme de 68 248,35 euros en réparation de ses préjudices et, enfin, à l'annulation de la décision par laquelle le centre hospitalier d'Orsay a refusé de retirer de son dossier individuel les rapports des 6 avril, 12 juillet et 7 septembre 2006 ;

2° de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3° de mettre à la charge du centre hospitalier d'Orsay la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Versailles, la décision du

12 octobre 2006 n'est pas une mesure d'ordre intérieur mais une décision prise en considération de la personne, susceptible d'être déférée à la censure du juge de l'excès de pouvoir ;

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a retenu dans ses motifs qu'elle aurait été absente pendant presque toute la durée d'un accouchement au cours de la nuit du 11 au 12 juillet 2006 alors qu'elle ne s'est absentée qu'un court moment ;

- la décision du 12 octobre 2006 est une sanction déguisée ;

- elle a été victime d'actes de harcèlement moral de la part des sages-femmes du service en raison du fait qu'elle refusait d'exécuter à leur place des actes ne relevant pas de ses fonctions d'auxiliaire de puériculture ;

- les rapports qui ont été versés dans son dossier individuel doivent en être retirés au motif qu'ils font état de faits inexacts ;

- la décision du 12 octobre 2006 est intervenue sans consultation préalable de la commission administrative paritaire ni communication de son dossier administratif ;

- elle est fondée sur des faits qui ne sont pas établis ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les rapports versés dans son dossier individuel en 2006 sont constitutifs d'un harcèlement moral destiné à la punir d'avoir refusé d'accepter d'accomplir des actes ne relevant pas de sa compétence ;

- les décisions des 24 août et 20 octobre 1998 sont également des sanctions déguisées ;

- les illégalités commises par le centre hospitalier d'Orsay sont constitutives de fautes de nature à engager sa responsabilité et qui sont à l'origine de préjudices qu'il conviendra de réparer en lui allouant les sommes de :

- 20 000 euros au titre de son préjudice corporel constitué par un syndrome dépressif ;

- 10 000 euros au titre de son préjudice moral et de l'atteinte à sa réputation et à son honneur en conséquence de la décision du 12 octobre 2006 ;

- 23 248,35 euros au titre de son préjudice matériel ;

- 15 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral lié au harcèlement moral ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2014 :

- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- les observations de Me A...B...avocats, pour Mme G...,

- et les observations de Me D..., substituant MeE..., pour le centre hospitalier d'Orsay ;

1. Considérant que MmeG..., auxiliaire de puériculture affectée au service de maternité de nuit du centre hospitalier d'Orsay depuis le 1er octobre 1982, a été affectée provisoirement au service de pédiatrie du 1er septembre au 8 novembre 1998 ; qu'ayant été à nouveau affectée au service maternité, elle a de nouveau été affectée au service pédiatrique de nuit par une décision du 12 octobre 2006 à compter du 1er novembre suivant ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que la décision du

12 octobre 2006 portant changement d'affectation de Mme G... a été prise alors qu'il a été reproché à l'intéressée d'avoir quitté son service pendant la nuit du 11 au 12 juillet 2006 pour participer à un goûter organisé en l'honneur d'une de ses collègues ; que cette décision est intervenue dans un contexte marqué par plusieurs mises en cause du comportement de

Mme G...par sa supérieure hiérarchique ; que cette mesure, qui entendait réprimer un comportement fautif de l'agent, doit être regardée, en réalité, comme constitutive d'une sanction intervenue en dehors de toute procédure disciplinaire ; que la requérante est, dès lors et pour ce seul motif, fondée en ses conclusions en annulation contre ladite décision ;

3. Considérant que l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée dispose que : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ; que pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

4. Considérant que Mme G...a connu, à compter de l'entrée en fonction d'un nouveau cadre de santé et de nouvelles sages-femmes au sein de son service en 2006, des tensions dans ses relations de travail ; que si elle soutient que sa hiérarchie aurait cherché à la contraindre à réaliser des actes ne relevant pas de sa compétence en sa qualité d'auxiliaire puéricultrice, elle ne l'établit pas ; que si sa nouvelle supérieure hiérarchique a établi plusieurs rapports faisant état de manquements de Mme G...à ses obligations professionnelles, celle-ci reconnaît s'être absentée un court moment de son service pendant la nuit du 11 au

12 juillet 2006 alors qu'une patiente était en train d'accoucher ; que les faits mentionnés dans le rapport établi le 6 avril 2006 ont également, au moins en partie, été reconnus par

Mme G...au cours d'un entretien qui s'est tenu le 13 avril 2006 et sont par ailleurs confirmés par le témoignage de la patiente intéressée ; que Mme G...n'établit pas davantage que les autres faits qui lui sont imputés dans ces rapports ne seraient pas avérés ; que la circonstance que ces rapports ont été établis dans un contexte relationnel difficile entre

Mme G...d'une part et sa supérieure et plusieurs sages-femmes d'autre part, n'est pas de nature à permettre de les qualifier d'actes de harcèlement moral ;

5. Considérant que selon l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. Il ne peut être fait état dans le dossier d'un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé. (...) " ; que les rapports rédigés les 6 avril, 12 juillet et 7 septembre 2006 par Mme C...et qui ont été versés au dossier de Mme G...ne comprennent aucune mention prohibée par la loi et sont relatifs à la manière de servir de l'intéressée ; qu'en refusant de retirer ces rapports du dossier individuel de l'intéressée, le directeur du centre hospitalier d'Orsay n'a commis aucune illégalité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en prononçant à l'encontre de

Mme G...une sanction disciplinaire en méconnaissance des garanties de la procédure disciplinaire, le centre hospitalier d'Orsay a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur les préjudices :

7. Considérant que si Mme G...soutient avoir subi un préjudice corporel qui résulterait de l'intervention de la décision du 12 octobre 2006 du fait de la survenance d'un syndrome dépressif, ni la réalité de ce préjudice, ni son imputabilité à l'intervention de cette décision ne sont établis ;

8. Considérant que le préjudice matériel invoqué par Mme G...résulte de son absence de service fait à raison des congés de maladie dont elle a bénéficié ; qu'à le supposer établi, il n'est par conséquent pas la conséquence de l'intervention de la décision attaquée ;

9. Considérant que si Mme G...soutient qu'elle a subi un préjudice moral du fait de l'intervention des décisions du 24 août et du 20 octobre 1998, il n'est pas établi que ces décisions aient été fautives ; qu'en revanche, la décision du 12 octobre 2006 a eu un effet stigmatisant au regard de la situation de l'intéressée dans l'établissement ; que le préjudice moral qui en découle pour Mme G...doit être évalué à 2 000 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme G...est fondée à demander l'annulation du jugement rendu le 11 juin 2013 par le Tribunal administratif de Versailles ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Orsay la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme G... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1001678 rendu le 11 juin 2013 par le Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La décision du 12 octobre 2006 est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier d'Orsay versera à Mme G...la somme de

2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Article 4 : Le centre hospitalier d'Orsay versera à Mme G...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 13VE02759


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02759
Date de la décision : 01/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-02-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Caractère disciplinaire d'une mesure. Mesure présentant ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Emmanuel MEYER
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-07-01;13ve02759 ?
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