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01/07/2014 | FRANCE | N°13VE00659

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 01 juillet 2014, 13VE00659


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant au..., par Me Noudehou, avocat ;

Mme B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1207118 du 7 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2012 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de desti

nation et a pris à son encontre une interdiction du territoire français d'un an ...

Vu la requête, enregistrée le 25 février 2013, présentée pour Mme A...B..., demeurant au..., par Me Noudehou, avocat ;

Mme B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1207118 du 7 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2012 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction du territoire français d'un an ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer son dossier dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui accorder, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le préfet aurait dû saisir, pour consultation, la commission de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'elle justifie d'une résidence stable et ancienne depuis plus de dix ans ;

- l'arrêté du 17 avril 2012 est insuffisamment motivé ; sa formulation est stéréotypée et méconnaît les prescriptions de la loi du 11 juillet 1979 alors que la demanderesse a produit toutes les pièces justificatives ; le refus de séjour n'étant pas motivé, l'obligation de quitter le territoire, est pour ce motif, entachée d'illégalité ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ce dispositif permet l'appréciation de motifs exceptionnels que fait valoir l'étranger ; le préfet fait, à tort, référence au fait qu'il n'a pas produit de visa pour une durée supérieure à trois mois alors que son admission au séjour excluait l'exigence du visa prévu à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; sa durée de séjour habituel en France était suffisamment longue, elle a démontré en France sa volonté d'intégration tant sur le plan professionnel qu'associatif et a une parfaite maîtrise de la langue française, elle justifie d'un travail, a déjà travaillé, les circonstances de son arrivée en France doivent être prises en compte, son casier judiciaire ne porte mention d'aucune condamnation ; le préfet a commis une erreur de droit en lui opposant le fait qu'elle n'établissait pas l'intensité de sa vie privée et familiale en France ;

- l'arrêté contesté est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, elle n'a pas commis de fraude, ne vit pas en état de polygamie, et n'entre pas dans les catégories susceptibles de bénéficier du regroupement familial en France ; elle vit sur le territoire français depuis onze ans et ses principales attaches personnelles et professionnelle s'y trouvent ; elle est parfaitement inséré dans la société française et le préfet n'établit pas comment il pourrait poursuivre une vie familiale normale aux Philippines, pays qu'il a quitté depuis 2003 ;

- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle, il devait examiner si ces conséquences n'étaient pas d'une exceptionnelle gravité car sa vie est impossible hors de France ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2014 le rapport de Mme Belle, premier conseiller ;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante philippine née le 10 janvier 1976, relève régulièrement appel du jugement du 7 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 avril 2012 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi et a pris à son encontre une interdiction du territoire français d'un an ;

2. Considérant, en premier lieu, que pour motiver la décision de refus de séjour le préfet n'était pas tenu d'y mentionner le contenu des pièces justificatives fournies par la requérante ; que celui-ci rappelle la date de l'entrée irrégulière de la requérante en France, sa vie familiale avec son époux également en situation irrégulière et la présence de leur enfant mineur né en 2008, ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fondent en droit sa décision ; que cette décision, qui n'est pas stéréotypée, comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée au regard des prescriptions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ; que dès lors que cette décision est suffisamment motivée en fait, la requérante ne peut utilement invoquer le défaut de motivation en fait de la décision d'éloignement qui se confond avec celle de la précédente ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...fait valoir que le préfet aurait dû consulter la commission prévue au 2ème alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puisqu'elle justifie d'une résidence stable et ancienne de dix ans en France ; que, toutefois, il est constant qu'elle n'avait pas formé de demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de ces dispositions ; que, par suite, le préfet n'avait à pas à soumettre sa situation à la commission qui examine le cas des étrangers qui demandent une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui justifient de plus de dix ans de résidence habituelle en France ; que, par suite, la décision n'est pas intervenue au terme d'une procédure irrégulière ;

4. Considérant, en troisième lieu que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; que si les dispositions de l'article L. 313-14 du code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu déroger à la règle rappelée ci-dessus ni imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article ; qu'il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article ; qu'il est constant que Mme B...n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ; qu'elle ne peut donc utilement soutenir que le préfet les aurait méconnues ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; que Mme B...soutient qu'elle est entrée en France en 2001 et qu'elle s'est mariée en 2007 avec un ressortissant philippin en situation irrégulière et que de cette union sont nés deux enfants dont un est décédé ; que, toutefois, l'intéressée ne produit aucune pièce relative à ces deux enfants et, en tout état de cause, ne produit que des éléments parcellaires relatifs à la présence de son époux et non à la sienne, qui n'établissent pas la continuité de sa présence en France pendant douze ans ; que sa particulière insertion dans la société française n'est pas démontrée ; qu'elle ne fait état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à son retour dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans au moins, avec son époux et son fils qui ont la même nationalité ; que contrairement à ce qu'elle soutient, le préfet pouvait, dans sa décision, prendre en compte l'intensité et la durée de sa vie familiale en France et la possibilité de la reconstituer à l'étranger ; que, par suite, Mme B...n'établit pas que ces dispositions auraient été méconnues ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que le préfet pouvait sans erreur de droit, évoquer l'absence de présentation par l'intéressée de visa de long séjour dès lors qu'il écartait, après avoir rejeté la demande sur le fondement sur lequel elle était présentée, la possibilité de délivrer à Mme B...un titre sur autre fondement que celui sur lequel elle l'avait sollicité puisqu'elle n'en remplissait pas les conditions ;

7. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que les circonstances que la présence de Mme B...ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'elle n'a pas commis de fraude, ne vit pas en état de polygamie et n'entre pas dans les catégories susceptibles de bénéficier du regroupement familial en France, ou qu'elle allègue vivre sur le territoire français depuis onze ans où se trouvent ses principales attaches personnelles et professionnelles, et fasse valoir son insertion dans la société française, ne permettent pas de regarder comme établie la violation de son droit à mener une vie privée et familiale normale ; qu'en effet Mme B...n'établit pas qu'elle ne pourrait poursuivre une vie familiale normale aux Philippines, pays qu'elle a quitté en 2001 et dont elle-même et les membres de sa famille ont la nationalité et elle n'établit pas avoir séjourné habituellement en France depuis plus de dix ans ; que l'intéressée n'invoque aucune circonstance qui ferait obstacle à la reconstitution de sa vie familiale dans son pays d'origine ; qu'ainsi, dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées ;

8. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de MmeB..., celle-ci ne démontrant pas qu'elle serait dans l'impossibilité de poursuivre sa vie familiale aux Philippines, pays dont elle-même, son époux et son enfant ont la nationalité et où elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans, alors que l'intéressée ne soutient pas y être dépourvue de tout lien familial ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de prononcer sa régularisation au séjour à titre exceptionnel ou humanitaire ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction, ensemble ses conclusions tendant au versement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

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N°13VE00659 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00659
Date de la décision : 01/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : NOUDEHOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-07-01;13ve00659 ?
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