Vu la requête, enregistrée le 11 décembre 2012, présentée pour le CETEN APAVE, société de contrôle technique, dont le siège social est situé 191 rue de Vaugirard à Paris (75015), par la Selarl GVB, avocat ;
Le CETEN APAVE demande à la Cour :
1° à titre principal, d'annuler le jugement n° 1004626 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 30 octobre 2012 et de rejeter les demandes de MM. E...etD..., architectes, tendant à ce qu'il les garantisse des sommes auxquelles ils ont été solidairement condamnés à indemniser la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise (CACP), en réparation des désordres constatés sur le groupe scolaire " la Siaule " à Vauréal ;
2° d'ordonner la restitution des sommes versées en exécution du jugement susmentionné ;
3° à titre subsidiaire, que la garantie apportée aux constructeurs susmentionnés soit réduite à de plus justes proportions ;
4° de mettre à la charge de toute partie perdante le versement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été rendu destinataire du mémoire des architectes l'appelant en garantie ;
- il ne peut se voir opposer le régime de responsabilité prévu au titre de la garantie décennale et que la demande des constructeurs à son égard ne peut être fondée que sur les dispositions de l'article 1382 du code civil au titre d'une éventuelle faute quasi-délictuelle ;
- il n'a aucunement manqué à son devoir de conseil, sa mission se limitant à prévenir les aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages ; il n'est soumis à aucune obligation de résultat et ne participe pas à l'activité de conception de l'ouvrage ni au suivi des travaux ; les missions qui lui ont été confiées, relatives à la sécurité des personnes, à la solidité des ouvrages, à l'isolation thermique et à l'isolation acoustique sont sans aucun lien avec les désordres constatés ; il n'est pas intervenu dans le choix du type de couverture finalement retenu ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par les maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2014 :
- le rapport de M. Pilven, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Besson-Ledey, rapporteur public,
- et les observations de Me A...B...pour le CETEN APAVE et de Me C...pour la société Eiffage Construction ;
1. Considérant que, par acte d'engagement du 21 septembre 1990, le syndicat d'agglomération nouvelle de Cergy-Pontoise, aux droits duquel vient la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise (CACP), a confié à la société Quillery, aux droits de laquelle vient la société Eiffage Construction, l'exécution d'un marché de construction du groupe scolaire " la Siaule " situé à Vauréal ; que la maîtrise d'oeuvre a été confiée à MM. E...etD..., architectes, par acte d'engagement du 15 mars 1990, et le contrôle technique de l'opération au CETEN APAVE, par acte d'engagement du 21 février 1990 ; que la réception des ouvrages a été prononcée le 9 septembre 1991, avec réserves, qui ont été levées le
16 octobre 1991 ; qu'à la suite de la constatation en 1995 de désordres affectant les plaques du faux plafond du restaurant et de salles de classe du groupe scolaire, un expert, désigné sur demande de la CACP par ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise du 24 janvier 2001, a rendu son rapport le 7 juillet 2009 ; que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi d'une demande de la CACP, tendant à la condamnation des constructeurs à l'indemniser d'une somme de 815 739,37 euros TTC en réparation du préjudice subi, a condamné solidairement la société Eiffage Construction et les architectes au paiement de la somme de 283 157 euros TTC et a jugé que les architectes garantiront la société Eiffage Construction à hauteur de 60 % et que cette dernière garantira les architectes à hauteur de 15 % ; que le tribunal a aussi, sur demande des constructeurs, condamné le
CETEN APAVE à garantir ces derniers à hauteur de 25 % de la somme susmentionnée ; que le CETEN APAVE forme régulièrement appel de ce jugement en demandant sa mise hors de cause ; que les architectes, par un appel incident et provoqué à l'encontre du CETEN APAVE et de la société Eiffage Construction, demandent qu'ils les garantissent à hauteur de 50 % au minimum et, par un " appel provoqué " à l'encontre du CACP, demandent la diminution de leur part de responsabilité ; que la société Eiffage Construction conclut au rejet de la demande du CETEN APAVE et, par un appel incident et provoqué à l'encontre de la société requérante et des architectes, demande qu'ils la garantissent au-delà du pourcentage retenu par le tribunal ; que la CACP, par un " appel dit incident " à l'encontre des constructeurs, demande que la somme à laquelle ils ont été condamnés par le tribunal administratif soit majorée à hauteur de
815 739,37 euros TTC ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que le
CETEN APAVE a été rendu destinataire du mémoire des architectes l'appelant en garantie ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier à défaut pour lui d'avoir eu communication de ce mémoire et, de ce fait, d'avoir été mis en mesure de présenter sa défense ;
Sur l'appel principal et les appels incidents des constructeurs :
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil que l'action en garantie décennale est ouverte au maître de l'ouvrage, à raison des dommages qui en compromettent la solidité ou le rendent impropre à sa destination, à l'égard des constructeurs ou de la société de contrôle technique avec lesquels le maître de l'ouvrage a valablement été lié par un contrat de louage d'ouvrage ; que, toutefois, les appels en garantie formés par un constructeur à l'encontre d'un autre constructeur relèvent d'un régime de responsabilité pour faute quasi-délictuelle du constructeur dans l'accomplissement de ses obligations contractuelles ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte du rapport de l'expert judiciaire que les dalles des faux-plafonds des salles et locaux destinés à recevoir un grand nombre d'élèves présentent des auréoles et une humidité telle que ces plaques se délitent en se ramollissant au cours du temps, en menaçant de tomber ; que si la société Eiffage Construction soutient que cette humidité n'a pas empêché l'utilisation des locaux concernés depuis la constatation des désordres en 1995 jusqu'aux travaux de réparation intervenus en 2007, que la communauté de communes n'établit pas avoir pris des mesures relatives à la sécurité des personnes, et qu'aucune chute de plaques de faux-plafond n'a été rapportée, l'étendue des désordres constatés qui portaient sur environ 1 300 plaques de faux-plafond et l'état de dégradation de ces dernières, lequel pouvait entraîner un délitement de ces plaques selon le rapport de l'expert judiciaire, ne permettaient pas de considérer que l'ouvrage, destiné à recevoir des enfants, avait un fonctionnement normal ; que ces désordres le rendaient ainsi impropre à sa destination, alors même que le bâtiment a continué à recevoir les élèves ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable au litige : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes " ; que selon l'article R. 111-40 du même code dans sa version applicable au litige : " Au cours de la phase de conception, le contrôleur technique procède à l'examen critique de l'ensemble des dispositions techniques du projet [*attributions*]. Pendant la période d'exécution des travaux, il s'assure notamment que les vérifications techniques qui incombent à chacun des constructeurs énumérés à l'article 1792-1 (1°) du code civil s'effectuent de manière satisfaisante " ; qu'enfin, il ressort de l'acte d'engagement conclu entre le CETEN APAVE et la CACP le 21 février 1990 que les missions qui ont été confiées à la société requérante portent notamment sur les domaines suivants : A- fondations, structure, ouvrages du clos et de couvert et C- installations thermiques, de ventilation et de conditionnement d'air ;
6. Considérant qu'il n'est pas contesté que les désordres ont pour origine une condensation importante de la vapeur d'eau générée par la respiration des élèves sur les parois froides des bacs aciers en tôle laquée situés au dessus des plaques de faux-plafonds, dépourvues d'isolant thermique, alors que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ne prévoyait, pour les locaux concernés, qu'une ventilation par ouverture de fenêtres, totalement inadaptée et insuffisante pour assurer une évacuation de l'humidité des pièces, notamment en période hivernale ; que l'expert judiciaire relève que, pour le type de ventilation retenue, il aurait été nécessaire, comme le cahier des clauses techniques particulières le prévoyait d'ailleurs dans sa version d'origine, de prévoir la pose de bacs aciers nervurés de type sandwich, possédant les qualités d'isolation adéquates et que si les constructeurs s'en étaient tenus à cette première version du CCTP, les désordres constatés ne se seraient pas produits ; que la responsabilité des architectes, maîtres d'oeuvre, est ainsi engagée en raison de ce défaut de conception dans l'isolation de la couverture ; que, par ailleurs, si l'entreprise titulaire du marché soutient, ce qui est formellement contesté par la communauté d'agglomération, qu'elle a averti le maître de l'ouvrage de cette insuffisance technique en lui soumettant, le 20 février 1991, un projet de mise en place d'un anti-condenseur sous les bacs aciers afin de remédier à ce défaut de conception technique, et que les dommages auraient aussi pour origine un défaut d'entretien des installations de ventilation, elle ne l'établit aucunement ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant manqué à son devoir de conseil ; que, toutefois, il appartenait aussi au CETEN APAVE, dans le cadre de ses missions susmentionnées relatives aux ouvrages du clos et du couvert et aux installations thermiques et de ventilation, d'informer le maître de l'ouvrage que la modification technique intervenue au CCTP, retenue par la maîtrise d'oeuvre pour la couverture du bâtiment, était notoirement insuffisante et contraire aux règles de l'art ; que le CETEN APAVE, qui n'a émis aucune objection, ni dans son rapport initial, ni en cours de chantier, ni dans son rapport final, sur le caractère inadapté de cette modification du CCTP, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à garantir les constructeurs à hauteur de 25 % de l'indemnité mise à leur charge ; que, par ailleurs, et pour les motifs susmentionnés, les architectes et la société Eiffage Construction doivent aussi être regardés comme responsables des désordres constatés et leur responsabilité engagée sur le fondement de la garantie décennale des vices cachés, à hauteur des garanties auxquelles ils ont été condamnés ; que, par suite, l'appel principal du CETEN APAVE et les appels incidents des constructeurs doivent être rejetés ;
Sur les appels provoqués présentés par la société Eiffage Construction et les architectes :
7. Considérant que le présent arrêt n'ayant pour effet d'aggraver ni la situation des architectes ni celle de la société Eiffage Construction, les conclusions d'appel provoqué qu'ils dirigent à l'encontre les uns de l'autre et réciproquement ne sont pas recevables ;
Sur l'appel provoqué présenté par la communauté d'agglomération :
8. Considérant que le présent arrêt n'ayant pas pour effet d'aggraver la situation de la communauté d'agglomération, les conclusions d'appel provoqué qu'elle dirige à l'encontre des constructeurs, et tendant à ce que l'indemnité à laquelle ils ont été condamnés soit portée à la somme de 815 739,37 euros TTC et à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge des constructeurs, ne sont pas recevables, alors que, de surcroît, ces demandes soulèvent des litiges distincts de celui relatif à la garantie apportée par le CETEN APAVE aux constructeurs ;
Sur les frais d'expertise :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de revenir sur la charge définitive des dépens taxés et liquidés à la somme de 20 600,84 euros, imputée par le tribunal administratif pour moitié au groupement constitué de M. E...et M. D...et pour un quart chacun à la société CETEN APAVE et à la société Eiffage Construction ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CETEN APAVE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à garantir le groupement d'architectes et la société Eiffage Construction à hauteur de 25 % des sommes auxquelles ces derniers ont été solidairement condamnés ; que l'ensemble des appels incidents et provoqués des autres parties au litige sont rejetés ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise, la société Eiffage Construction et les architectes MM. E...et D...n'étant pas les parties perdantes, le CETEN APAVE n'est pas fondé à demander que soit mise à leur charge une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que doivent être rejetées, pour les mêmes motifs, les conclusions tendant aux mêmes fins de la société
Eiffage Construction à l'encontre des architectes et de la communauté d'agglomération, celles des architectes à l'encontre de la société Eiffage Construction ainsi que celles de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise à l'encontre de tous les constructeurs ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CETEN APAVE la somme de 1 000 euros à verser à la fois à la société Eiffage Construction, aux architectes MM. E...et D...et à la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du CETEN APAVE et les appels incidents et provoqués de la société Eiffage Construction, des architectes MM. E...et D...et de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise sont rejetés.
Article 2 : Le CETEN APAVE versera à la société Eiffage Construction, aux architectes
MM. E...et D...et à la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise la somme de 1 000 euros, chacun, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 12VE04119 2