Vu la décision n° 348170 du 15 mai 2013 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE contre le jugement
nos 0902607-0904856 du 3 février 2011 du Tribunal administratif de Montreuil, a, d'une part, renvoyé le jugement des conclusions dirigées contre ledit jugement, en tant qu'il a statué sur la requête n° 0904856, à la Cour administrative d'appel de Versailles et, d'autre part, annulé ce même jugement, en tant qu'il a statué sur la requête n° 0902607, et renvoyé cette dernière affaire au Tribunal administratif de Montreuil ;
Vu, en date du 15 septembre 2009, l'ordonnance par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis la requête n° 0904856 au Tribunal administratif de Montreuil ;
Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2009, présentée par M. C... B..., demeurant... ;
M. B... demande au tribunal :
1° d'annuler la décision en date du 26 janvier 2009 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil a refusé de lui verser l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement ;
2° d'enjoindre au recteur de l'académie de Créteil de lui verser l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement avec les intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
3° de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 11 000 euros en réparation des préjudices moral et professionnel subis et 4 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence qu'il a subis ;
4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente ;
- le recteur de l'académie de Créteil a méconnu les dispositions du décret n° 89-825 du 9 novembre 1989 portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales de remplacement aux personnels assurant des remplacements dans le premier et le second degré ; le refus de l'administration de lui verser ladite indemnité constitue une faute qui lui a causé un préjudice moral et professionnel évalué, de manière globale, à 11 000 euros ; il a subi des troubles dans ses conditions d'existence évalués à 4 000 euros ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
Vu le décret n° 89-825 du 9 novembre 1989 modifié, portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales de remplacement aux personnels assurant des remplacements dans le premier et le second degré ;
Vu le décret n° 99-823 du 17 septembre 1999 relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 28 mai 2014 :
- le rapport de Mme Margerit, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Besson-Ledey, rapporteur public ;
1. Considérant que M.B..., professeur certifié d'éducation musicale affecté à la zone de remplacement de la Seine-Saint-Denis et rattaché pour sa gestion au collège Raymond Poincaré à La Courneuve, a, par arrêté rectoral du 26 août 2008, été affecté, pour toute la durée de l'année scolaire 2008-2009, dans les collèges La Courtille à Saint-Denis, Jean-Baptiste Clément à Dugny et Iqbal Masih à la Plaine-Saint-Denis, pour y assurer le remplacement continu de trois enseignants à temps non complet ; que l'intéressé a sollicité, au titre de ladite année scolaire, le bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement ; que, par décision du 26 janvier 2009, le recteur de l'académie de Créteil a rejeté cette demande ; que, par une requête, enregistrée le 9 mars 2009, transmise par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise au Tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance du 15 mars 2009, M. B...a demandé, d'une part, l'annulation de cette décision et la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 11 000 euros en réparation des préjudices moral et professionnel subis et 4 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence ; que par un jugement n°s 0902607-0904856 du 3 février 2011, le Tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, annulé la décision du 26 janvier 2009 par lesquelles le recteur de l'académie de Créteil a refusé de verser à M. B... l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement, et d'autre part, a renvoyé l'intéressé devant ledit recteur pour la liquidation de cette indemnité, assortie des intérêts légaux à compter du 14 janvier 2009 et de leur capitalisation à compter du 14 janvier 2010, et, enfin, rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de la requête n° 0904856, estimant qu'elles n'étaient pas assorties d'éléments de preuve permettant d'en apprécier le bien fondé ; que, par une décision n° 348170 du 15 mai 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE contre le jugement susvisé n°s 0902607-0904856, a renvoyé le jugement des conclusions dirigées contre ledit jugement, en tant qu'il a statué sur la requête n° 0904856, à la Cour administrative d'appel de Versailles ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision rectorale du 26 janvier 2009 :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 9 novembre 1989 portant attribution d'une indemnité de sujétions spéciales de remplacement aux personnels assurant des remplacements dans le premier et le second degré : " Peuvent bénéficier d'une indemnité journalière de sujétions spéciales de remplacement pour les remplacements qui leur sont confiés (...) les personnels (...) qui sont nommés pour assurer (...) le remplacement des fonctionnaires appartenant aux corps enseignants, d'éducation ou d'orientation, conformément aux dispositions du décret du 30 septembre 1985 susvisé " ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 2 du même décret : " L'indemnité prévue à l'article 1er (...) est due aux intéressés à partir de toute nouvelle affectation en remplacement, à un poste situé en dehors de leur école ou de leur établissement de rattachement. / Toutefois, l'affectation des intéressés au remplacement continu d'un même fonctionnaire pour toute la durée d'une année scolaire n'ouvre pas droit au versement de l'indemnité. " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 17 septembre 1999 relatif à l'exercice des fonctions de remplacement dans les établissements d'enseignement du second degré, qui s'est substitué au décret du 30 septembre 1985 auquel se réfère le décret du 9 novembre 1989 : " Des personnels enseignants du second degré, des personnels d'éducation et d'orientation (...) peuvent être chargés (...) d'assurer le remplacement des agents momentanément absents ou d'occuper un poste provisoirement vacant. " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la notion de remplacement, au sens du décret du 9 novembre 1989, doit s'entendre, non seulement de la suppléance d'un fonctionnaire momentanément absent, mais également de l'affectation sur un poste provisoirement vacant ; que, par suite, si l'affectation sur un poste provisoirement vacant doit être regardée comme un remplacement ouvrant en principe droit au bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement - laquelle est, en vertu de l'article 5 de ce décret, " exclusive de l'attribution de toute autre indemnité et remboursement des frais de déplacement alloués au même titre " - ce bénéfice est exclu, en application du deuxième alinéa de l'article 2 du même décret, lorsque le remplacement s'effectue pour toute la durée de l'année scolaire, quand bien même l'affectation en cause ne porte pas sur un temps plein ; que le fonctionnaire qui assure un tel remplacement peut alors prétendre, non à l'indemnité prévue par le décret du 9 novembre 1989, mais, le cas échéant, à un défraiement sur le fondement du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat ; que par suite ne peut prétendre au bénéfice de cette indemnité le fonctionnaire qui conserve pendant la totalité de l'année scolaire, de manière continue, un même poste de remplacement en dehors de son établissement de rattachement, qu'il ait ainsi assuré le remplacement continu d'un seul fonctionnaire à temps complet ou le remplacement continu de plusieurs fonctionnaires à temps non complet ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., professeur certifié d'éducation musicale affecté à la zone de remplacement de la Seine-Saint-Denis et rattaché pour sa gestion au collège Raymond Poincaré à La Courneuve, a exercé ses fonctions, pendant toute la durée de l'année scolaire 2008-2009, dans trois établissements : le collège La Courtille à
Saint-Denis, le collège Jean-Baptiste Clément à Dugny et le collège Iqbal Masih à la
Plaine-Saint-Denis, pour y assurer le remplacement continu de trois enseignants à temps non complet ; qu'ainsi, en jugeant que M. B... avait droit au bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales au titre des remplacements qu'il effectuait dans ces établissements, alors que ce dernier avait conservé pendant la totalité de l'année scolaire un même poste assurant le remplacement continu de trois fonctionnaires à temps non complet, le Tribunal administratif de Montreuil a commis une erreur de droit ; que, par suite, LE MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du recteur de l'académie de Créteil du 26 janvier 2009 refusant à M. B... le bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement, au motif que l'intéressé avait droit au bénéfice de cette indemnité ;
5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Montreuil à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision par laquelle le recteur de l'Académie de Créteil a rejeté sa demande ;
6. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée du 25 novembre 2008 a été signée par M. D...A..., chef de la division des personnels enseignants du rectorat de l'académie de Créteil ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce dernier bénéficiait, pour ce faire, d'une délégation de signature lui ayant été consentie par arrêté rectoral du 21 février 2007 et régulièrement publié ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée manque en fait ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, le bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement est exclu, en application du deuxième alinéa de l'article 2 du décret du 9 novembre 1989 précité, lorsque le remplacement s'effectue pour toute la durée de l'année scolaire, quand bien même l'affectation en cause ne porte pas sur un temps plein ; que, par suite, ne peut prétendre au bénéfice de cette indemnité le fonctionnaire qui conserve pendant la totalité de l'année scolaire, de manière continue, un même poste de remplacement en dehors de son établissement de rattachement, qu'il ait ainsi assuré le remplacement continu d'un seul fonctionnaire à temps complet ou le remplacement continu de plusieurs fonctionnaires à temps non complet ; que M. B...a conservé, en dehors de son établissement de rattachement et pour toute la durée de l'année scolaire 2008-2009, le même poste de remplacement continu de trois enseignants à temps non complet, auquel il a été affecté par un arrêté rectoral en date du 26 août 2008 ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que cet arrêté ne lui a été notifié que le 12 septembre 2008, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il était en droit de prétendre, au titre de l'année scolaire considérée, au bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement ;
8. Considérant, en troisième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme dans l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; que les fonctionnaires assurant un remplacement, au sens du décret du 9 novembre 1989, de manière continue pour toute la durée de l'année scolaire sont dans une situation différente de ceux affectés soit à la suppléance d'un fonctionnaire momentanément absent soit à un poste provisoirement vacant, pour une partie seulement de l'année scolaire ; que la différence de traitement qui en résulte, par application du deuxième alinéa de l'article 2 dudit décret, est en rapport direct avec l'objet de ces dispositions ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette différence de traitement serait manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient ; qu'il suit de là que le moyen tiré par M. B...d'une violation du principe d'égalité doit être écarté ;
9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;
10. Considérant que M.B..., pour les motifs précédemment exposés, n'est pas en droit de prétendre, pour l'année scolaire 2008-2009, au bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement ; qu'à défaut, le requérant ne dispose, à ce titre, d'aucune créance susceptible de constituer un bien, au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations précitées ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que LE MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision du recteur de l'académie de Créteil du 26 janvier 2009 refusant à M. B... le bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement ; que, par voie de conséquence, la demande de première instance de M. B...tendant à l'annulation de cet arrêté doit être rejetée ;
Sur l'appel incident formé par M.B... :
12. Considérant que, par la voie de l'appel incident, M. B...demande, d'une part, la réformation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il a refusé de faire droit à ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 11 000 euros en réparation des préjudices moral et professionnel subis et de 4 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser les sommes susmentionnées ; que, toutefois, la décision du recteur lui refusant le bénéfice de l'indemnité de sujétions spéciales de remplacement n'étant pas entachée d'illégalité, les conclusions indemnitaires présentées par M. B...ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement à M. B...de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0904856 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il statue sur la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2009 du recteur de l'académie de Créteil.
Article 2 : La demande de première instance, ensemble l'appel incident de M. B...sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de M. B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
''
''
''
''
3
N° 13VE01623