Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2013, présentée pour l'association ADEF RESIDENCES, dont le siège est 19/21 rue Baudin à Ivry-sur-Seine (94207), par Me Claisse, avocat ;
ADEF RESIDENCES demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1009081 en date du 24 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à condamner l'Etat et le département des Hauts-de-Seine à lui verser la somme de 3 828 436,60 euros correspondants aux différents préjudices qu'elle prétend avoir subis du fait du retard enregistré dans la mise en exploitation de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " l'érable argenté ", assortie des intérêts légaux à compter du 19 avril 2010, date de notification des réclamations préalables ;
2° de condamner l'Etat et le département à lui verser ladite somme ;
3° de condamner l'Etat et le département des Hauts-de-Seine à lui verser les sommes de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une motivation erronée ;
- ils ont omis de répondre au moyen, pourtant visé tiré, du manquement de l'administration à ses promesses ;
- contrairement à ce qui est soutenu par les défendeurs et, à leur suite par le tribunal administratif, les conditions auxquelles la loi subordonne l'ouverture de l'établissement ne sauraient être interprétées comme des conditions suspensives privant d'effet créateur de droit l'autorisation consentie, a fortiori les habilitations financières accordées ; en jugeant que l'habilitation accordée n'a pu lui être retirée, motif pris de ce qu'elle n'est devenue valable et, par voie de conséquence, créatrice de droits, qu'à compter de la signature de la convention tripartite, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a commis une erreur de droit ;
- le département et l'Etat ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité en retirant les habilitations financières précédemment accordées pour un motif totalement infondé ; il est impossible de soutenir sérieusement que le département des Hauts-de-Seine n'est pas revenu sur sa décision d'habiliter l'EPHAD à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ; le motif avancé à savoir l'absence de besoins en matière d'hébergement des personnes âgées dépendantes est en totale contradiction avec les avis recueillis lors du projet de création ; le motif invoqué par l'Etat convainc encore moins ;
- elle a subi un préjudice à raison de l'illégalité de ce retrait ;
- en retenant qu'elle serait à l'origine du report d'ouverture de l'établissement en ne signant pas la convention tripartite que le 31 mars 2010 alors que la convention lui aurait été adressée dès le 22 juin 2009 par les services du conseil général et de la DDASS, les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de fait manifeste puisqu'au contraire c'est elle qui a transmis le projet de convention tripartite ;
- le lien de causalité entre le calendrier initial d'ouverture de l'EPHAD, le report de la date de cette ouverture en raison des faits fautifs et de l'inertie des défendeurs et les préjudices subis ne peut être contesté ;
- elle a été contrainte de supporter des frais fixes et incompressibles relatifs à l'existence même de l'établissement et acquittés alors que celui-ci était vide de résidents ;
- elle n'a pu ouvrir le 6 mai 2010, date de signature de la convention tripartite en raison de la nécessité de reprendre le recrutement du personnel dont une partie devait se libérer au préalable de ses obligations professionnelles ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2014 :
- le rapport de Mme Orio, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me B...de la SCP Claisse et Associés, pour l'association ADEF RESIDENCES, et de Me C...A...et Associés pour le Département des Hauts-de-Seine ;
1. Considérant que, le 30 juillet 2004, ADEF RESIDENCES, association qui a pour objet la création, la gestion et la reprise d'établissements d'hébergements pour personnes âgées handicapées, a déposé un dossier de demande d'autorisation aux fins de créer un nouvel établissement de 110 lits sur la commune de Clamart ; que malgré l'avis positif du comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale, cette autorisation a été refusée par arrêté préfectoral du 28 janvier 2005 au motif que le projet présentait un coût de fonctionnement qui n'était pas compatible avec le montant de la dotation mentionnée à l'article L. 314-3 du code de l'action sociale et des familles ; que ADEF RESIDENCES a toutefois déposé une demande de permis de construire qui lui a été accordée le 23 mars 2006 ; que l'autorisation de création de l'EHPAD a été délivrée par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil général des Hauts-de-Seine du 8 mars 2007 ; que l'association a également sollicité du président du conseil général des Hauts-de-Seine, qui a refusé de faire droit à ces demandes par deux décisions du 12 mai et du 21 septembre 2009 qui n'ont pas été contestées et sont donc devenues définitives, l'habilitation puis l'habilitation totale à l'aide sociale ; qu'un avis favorable à l'ouverture de l'établissement a été émis à l'issue de la visite de conformité du 25 septembre 2009 ; que la convention tripartite de financement a été signée le 31 mars 2010 et notifiée le 6 mai suivant ; que, par lettre du 13 avril 2010, ADEF RESIDENCES a demandé au préfet et au président du conseil général des Hauts-de-Seine l'indemnisation des conséquences dommageables du retard d'exploitation de son établissement ; que l'établissement, dont l'ouverture était initialement prévue en septembre 2009 a ouvert le 6 septembre 2010 ; que ADEF RESIDENCES interjette appel du jugement en date du 24 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat et du Département des Hauts-de-Seine à l'indemniser des conséquences du retard d'ouverture de l'EHPAD ;
Sur la régularité :
2. Considérant que la requérante soutient que la motivation du jugement est erronée ; que toutefois, une telle erreur de fait, à la supposée établie, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
3. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement, que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a écarté le fondement de responsabilité tiré de ce que les promesses non tenues constituent des manquements qui engagent la responsabilité des personnes publiques en jugeant " qu'en admettant même que le conseil général et l'Etat aient commis une faute en souhaitant imprudemment l'ouverture de l'EHPAD en septembre 2009, la requérante n'établit pas l'existence d'un lien direct de cause à effet entre ces souhaits et le report de l'ouverture de l'établissement " ; que, par suite, ADEF RESIDENCES n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier ;
Sur le bien-fondé :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; qu'il est constant que le courrier du 30 juillet 2010 du conseil général des Hauts-de-Seine ne comportait pas les voies et délais de recours, que, par suite, la demande présentée le 15 novembre 2010 devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'était pas tardive ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles alors en vigueur : " I.-Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / (...) 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-1 du même code : " La création, la transformation ou l'extension des établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 sont soumises à autorisation, sous réserve des dispositions de l'article L. 313-1-1. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-6 du même code : " L'autorisation mentionnée à l'article L. 313-1 ou son renouvellement sont valables sous réserve du résultat d'une visite de conformité aux conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement mentionnées au II de l'article L. 312-1 dont les modalités sont fixées par décret et, s'agissant des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, de la conclusion de la convention tripartite mentionnée à l'article L. 313-12. / Ils valent, sauf mention contraire, habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale et, lorsque l'autorisation est accordée par le représentant de l'Etat, seul ou conjointement avec le président du conseil général, autorisation de dispenser des prestations prises en charge par l'Etat ou les organismes de sécurité sociale. " ;
6. Considérant que l'autorisation de création de l'EHPAD a été délivrée par arrêté conjoint du préfet et du président du conseil général des Hauts-de-Seine du 8 mars 2007 ; que, toutefois, cette autorisation, sous condition suspensive n'a pu créer aucun droit au profit de l'association ADEF avant la signature, le 31 mars 2010, de la convention tripartite, deuxième condition prévue par les textes précités ; que dès lors que l'autorisation de création n'était pas encore valable, c'est sans commettre de faute que le président du Conseil général des
Hauts-de-Seine a pu refuser l'habilitation à l'aide sociale sollicitée, par décisions du 12 mai et du 15 septembre 2009 ;
7. Considérant toutefois que la demande de conventionnement tripartite a été adressée par ADEF RESIDENCES aux services du département, de l'Etat et de l'assurance maladie le 22 juin 2009 ; que si, ainsi que stipulé à l'annexe 1 de cette convention, le passage de la commission de sécurité avec avis favorable, constituait une des conditions minimales retenues pour entamer la négociation préalable à la signature de la convention, la société est fondée à soutenir que le délai de plus de six mois mis, après l'avis favorable de la commission de sécurité du 25 septembre 2009 pour examiner, négocier et signer la convention tripartite de financement le 31 mars 2010, alors qu'il n'est ni établi ni même allégué de difficultés particulières, démontre une inertie fautive de l'Etat et du département des Hauts-de-Seine ; que, par suite, la société requérante, est seulement fondée à demander la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle a subis du fait de l'impossibilité d'exploiter son établissement entre le 25 septembre 2009 et le 31 mars 2010 ;
8. Considérant toutefois que les pièces du dossier, et en particulier le renvoi par l'association requérante, à ses chiffrages de première instance pour un retard d'exploitation d'un peu moins de dix-sept mois ne permettent pas d'évaluer avec certitude l'éventuelle perte financière résultant de cette inertie fautive ; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de l'association ADEF RESIDENCES d'ordonner une expertise afin de déterminer les chefs de préjudices qui trouvent leur origine dans cette inertie fautive ;
DECIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de l'association ADEF RESIDENCES, procédé par un expert, désigné par le président de la Cour, à une expertise avec mission de fournir tous les éléments de nature, à préciser et à chiffrer les divers chefs de préjudices supportés par l'association ADEF RESIDENCES (troubles dans les conditions de fonctionnement de l'association, atteinte à l'image de l'association, frais financiers et frais divers supportés) qui résultent directement de l'inertie fautive de l'administration pour la période du 25 septembre 2009 au 31 mars 2010.
Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé dans un délai de trois mois suivant la prestation de serment.
Article 3 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
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N° 13VE00990 2