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22/05/2014 | FRANCE | N°12VE01928

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 22 mai 2014, 12VE01928


Vu le recours, enregistré le 25 mai 2012, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le ministre demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 1er du jugement n° 1008306 en date du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a restitué à la société Off The Beaten Path LLC les cotisations de retenue à... ;

2° de remettre à la charge de la société Off The Beaten Path LLC les cotisations de retenue à... ;

Il soutient que :

- le Tribunal administratif de Montreuil a estimé à tort qu'

aucune clause de la convention fiscale franco-américaine ne traite des revenus réputés distribué...

Vu le recours, enregistré le 25 mai 2012, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;

Le ministre demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 1er du jugement n° 1008306 en date du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a restitué à la société Off The Beaten Path LLC les cotisations de retenue à... ;

2° de remettre à la charge de la société Off The Beaten Path LLC les cotisations de retenue à... ;

Il soutient que :

- le Tribunal administratif de Montreuil a estimé à tort qu'aucune clause de la convention fiscale franco-américaine ne traite des revenus réputés distribués de la nature de ceux que vise l'article 115 quinquies du code général des impôts ; les dispositions de l'article 10-7 de cette convention permettent en effet à la France d'appliquer au taux de 5 % la retenue à... ; c'est bien ce taux de 5 % qui a été appliqué sur la base du bénéfice réalisé par l'établissement stable sis en France ; c'est donc au prix d'une erreur de droit que le Tribunal administratif de Montreuil a considéré que les revenus réputés perçus par les associés non résidents de la société Off The Beaten Path LLC en vertu de l'article 115 quinquies du code général des impôts ne pouvaient, en application de la convention fiscale franco-américaine, être imposés en France ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 23 octobre 2013 à la société Off The Beaten Path LLC, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 31 août 1994 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2014 :

- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

1. Considérant que, dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie prévue par les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, des documents concernant la société Off The Beaten Path LLC, domiciliée la source et les pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2005au bénéfice de clients anglophones, ont été saisis à Gouesnou (Finistère) au domicile de Mme A...B..., représentante et dirigeante de cette société ; qu'au regard des éléments recueillis dans ce cadre, l'administration fiscale a estimé que la société Off The Beaten Path LLC disposait d'un établissement stable en France et qu'elle devait, en conséquence, y être assujettie à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par ailleurs, l'administration a mis à la charge de la société intimée, sur le fondement des articles 115 quinquies et 119 bis du code général des impôts, des cotisations de retenue à... ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève régulièrement appel du jugement du 24 février 2012 du Tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il a accordé à la société Off The Beaten Path LLC la restitution des cotisations de retenue à... ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " (...) les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à.la source et les pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2005 (... " ; qu'aux termes du 1 de l'article 115 quinquies du même code : " Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France. / Les bénéfices visés au premier alinéa s'entendent du montant total des résultats, imposables ou exonérés, après déduction de l'impôt sur les sociétés. " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 5 de la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaire par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression " établissement stable " comprend notamment : / a) Un siège de direction ; / b) Une succursale ; / c) Un bureau ; / d) Une usine ; / e) Un atelier ; et / f) Une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles. / (...) 5. Nonobstant les dispositions des paragraphes 1 et 2, lorsqu'une personne - autre qu'un agent jouissant d'un statut indépendant auquel s'applique le paragraphe 6 - agit pour le compte d'une entreprise et dispose dans un Etat contractant de pouvoirs qu'elle y exerce habituellement lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, cette entreprise est considérée comme ayant un établissement stable dans cet Etat pour toutes les activités que cette personne exerce pour l'entreprise, à moins que les activités de cette personne ne soient limitées à celles qui sont mentionnées au paragraphe 4 et qui, si elles étaient exercées par l'intermédiaire d'une installation fixe d'affaires, ne permettraient pas de considérer cette installation comme un établissement stable selon les dispositions de ce paragraphe. (...) " ; qu'aux termes du a) du paragraphe 5. de l'article 10 de cette même convention : " Le terme " dividendes " désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat contractant dont la société distributrice est un résident ; et les revenus provenant d'arrangements, y compris les créances, qui donnent droit de participer, ou font référence, aux bénéfices de l'émetteur ou de l'une de ses entreprises associées telles qu'elles sont définies au a) ou b) du paragraphe 1 de l'article 9 (Entreprises associées), dans la mesure où ces revenus sont considérés comme des dividendes par la législation de l'Etat contractant d'où ils proviennent. Le terme " dividende " ne comprend pas les revenus visés à l'article 16 (Jetons de présence) " ; qu'aux termes du a) du paragraphe 7 de ce même article : " Une société qui est un résident d'un Etat contractant et qui a un établissement stable dans l'autre Etat contractant (...) est imposable dans cet autre Etat à un impôt qui s'ajoute aux autres impôts que la Convention permet d'appliquer. Toutefois, cet impôt additionnel ne peut excéder 5 % de la part des bénéfices de la société imputable à l'établissement stable (...) qui : / i) En ce qui concerne la France, constitue la base de la retenue à... ; / (... " ;

4.

5.

6. Considérant, en premier lieu, ainsi que le Tribunal administratif l'a rappelé, que la société Off The Beaten Path LLC commercialise des séjours à thème en France, pour des petits groupes accompagnés par des guides, par l'intermédiaire d'un site internet en langue anglaise, dont le nom de domaine est www.traveloffthebeatenpath.com, qui mentionne comme contact administratif et technique l'adresse personnelle ainsi que les coordonnées téléphoniques de Mme A... B...; qu'il est constant que lors de la visite et des saisies domiciliaires effectuées chez Mme B..., le 14 avril 2006, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, l'administration a constaté l'existence de documents relatifs à la gestion et au fonctionnement de la société, notamment des contrats de réservation, des factures de fournisseurs, des factures adressées aux clients et des autorisations de prélèvement bancaire signés par les clients et envoyés chez MmeB... ; que ces éléments, qui n'ont pas été contestés par la société intimée, sont caractéristiques d'un établissement stable en France dont disposait la société Off The Beaten Path LLC et dont les bénéfices étaient imposables à l'impôt sur les sociétés ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration a mis à la charge de la société intimée, sur le fondement des articles 115 quinquies et 119 bis du code général des impôts, des cotisations de retenue à... ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention fiscale franco-américaine : " 1. Au sens de la présente Convention : (la source et les pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2005) e) Le terme " société " désigne toute personne morale ou toute entité qui est considérée, aux fins d'imposition, comme une personne morale ; / (...) " ; qu'un établissement stable, comme en l'espèce, dès lors qu'il est soumis à l'impôt sur les sociétés en France, doit être regardé comme une société au sens de cet article ; que, par suite, les revenus qu'il est réputé avoir distribués à ses associés non domiciliés fiscalement en France sont au nombre des revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat contractant dont la société distributrice est un résident, traités par le a) du paragraphe 5. de l'article 10 de la convention franco-américaine ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal les a exclus de cette catégorie de revenus et s'est fondé, pour décharger la société intimée de la retenue à... : " 1. Les éléments du revenu d'un résident d'un Etat contractant, d'où qu'ils proviennent, dont ce résident est le bénéficiaire effectif et qui ne sont pas traités dans les articles précédents de la présente convention, ne sont imposables que dans cet Etat. (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte des stipulations précitées du paragraphe 7 de l'article 10 de la convention franco-américaine qu'une société qui est un résident d'un Etat contractant et qui a un établissement stable dans l'autre Etat contractant est soumise à un impôt qui s'ajoute aux autres impôts que la convention permet d'appliquer et ne peut excéder 5 % de la part des bénéfices de la société imputable à l'établissement stable qui, en ce qui concerne la France, constitue la base de la retenue à... ; que ces stipulations ne font ainsi pas obstacle, dans la limite cependant de ce taux de 5 %, à ce que cette imposition additionnelle prenne la forme d'une retenue à... ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Off The Beaten Path LLC la restitution des cotisations de retenue à... ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler cet article du jugement attaqué et de remettre à la charge de la société Off The Beaten Path LLC ces cotisations ainsi que les pénalités correspondantes ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1008306 du 24 février 2012 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les cotisations de retenue à.la source et les pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2005

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS et à la société Off The Beaten Path LLC.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2014, où siégeaient :

M. Barbillon, président de chambre ;

M. Formery, président assesseur ;

M. Coudert, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 22 mai 2014.

Le rapporteur,

B. COUDERTLe président,

J.-Y. BARBILLONLe greffier,

N. NAÏT-SEGHIR

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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N° 12VE01928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE01928
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BARBILLON
Rapporteur ?: M. Bruno COUDERT
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-05-22;12ve01928 ?
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