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15/04/2014 | FRANCE | N°13VE01658

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 15 avril 2014, 13VE01658


Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par la Selarl Renaud et Associés, avocats ;

M. B... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1000705 du 7 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du

4 juin 2009 par laquelle l'inspection du travail a autorisé la société Orolia à le licencier ainsi que de la décision implicite du 5 décembre 2009 par laquelle le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique introduit à

l'encontre de cette décision ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux décisio...

Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par la Selarl Renaud et Associés, avocats ;

M. B... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1000705 du 7 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du

4 juin 2009 par laquelle l'inspection du travail a autorisé la société Orolia à le licencier ainsi que de la décision implicite du 5 décembre 2009 par laquelle le ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique introduit à l'encontre de cette décision ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux décisions ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'inspection du travail de l'Essonne était incompétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Orolia dont le siège est situé à Sophia Antipolis ;

- l'inspectrice du travail n'a pas respecté le principe du caractère contradictoire lors de son enquête en ne lui communiquant pas l'intégralité des documents produits par son employeur ;

- il a été privé de son droit à être assisté du conseil de son choix lors de l'enquête contradictoire de l'inspectrice du travail ;

- c'est à tort que l'inspectrice du travail a fait état dans sa décision du fait qu'il aurait reconnu occuper un autre emploi alors qu'il suivait seulement une formation en informatique au sein d'une autre entreprise, commettant ainsi une violation de sa vie privée ;

- l'inspectrice du travail n'a pas vérifié la régularité de la procédure ayant précédé la demande d'autorisation de licenciement et notamment la compétence de l'auteur de cette demande ;

- il était en droit de suspendre l'exécution de son contrat de travail en raison du harcèlement dont il faisait l'objet en invoquant son droit de retrait et que son licenciement est par conséquent intervenu en violation des dispositions de l'article L. 4131-3 du code du travail ;

- l'inspectrice du travail a commis une erreur d'appréciation en retenant dans sa décision qu'il n'existait aucun lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice, par le requérant, de son mandat de délégué du personnel ;

- l'inspectrice du travail n'était pas compétente pour qualifier son absence d'abandon de poste et se prononcer sur la gravité de cette faute ;

- la décision du ministre du travail ayant confirmé celle de l'inspectrice du travail, elle devra être annulée par voie de conséquence ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er avril 2014 :

- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...a été recruté en 1998 en qualité d'ingénieur en développement logiciel par la société Tekelec Temex ; qu'il est devenu responsable du département logiciel et développement logiciel en 2005 avant que son contrat de travail ne soit transféré à la société Orolia venue aux droits de son précédent employeur ; qu'il a été élu délégué du personnel titulaire le 29 novembre 2005 ; que par un courrier du 28 février 2009 adressé au président directeur général de la société Orolia, il a formulé un certain nombre de reproches à son employeur quant à la manière dont il était traité et considéré dans l'entreprise et a dénoncé des pratiques frauduleuses tendant à l'obtention de subventions européennes ; que suite à un entretien avec son supérieur hiérarchique le 6 mars 2009, M. B...a, par un courrier du même jour, signifié à son employeur que compte tenu de la dégradation de ses conditions de travail et des menaces qui pesaient sur lui, il n'entendait plus venir travailler ; que, malgré une mise en demeure de reprendre son travail en date du 10 mars 2009, M. B...ne s'est plus présenté sur son lieu de travail ; que, saisie d'une demande en date du 17 avril 2009, l'inspectrice du travail de la 1ère section de l'Essonne a, par une décision du 4 juin 2009, autorisé la société Orolia à procéder à son licenciement ; que le ministre du travail a implicitement rejeté le recours hiérarchique que M. B...a introduit le 24 juillet 2009 à l'encontre de la décision du

4 juin 2009 ;

2. Considérant que la société Orolia a son siège au sein de l'établissement dans lequel M. B...exerçait ses fonctions aux Ulis ; que l'inspection du travail de l'Essonne était par conséquent territorialement compétente pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par cette société ;

3. Considérant que ni à l'occasion de l'enquête sur place de l'inspectrice du travail qui s'est déroulée les 11 et 26 mai 2009, ni postérieurement, M. B...n'a formulé d'observations relatives à l'impossibilité dans laquelle il aurait été de se faire assister par le conseil de son choix ou d'accéder à des documents produits par son employeur ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'inspectrice du travail aurait fondé sa décision sur des éléments qui n'auraient pas été portés préalablement à la connaissance du requérant ni qu'elle se serait opposée à la présence du conseil de l'intéressé lors de son enquête sur place ; que le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspectrice du travail doit être écarté ;

4. Considérant que si M. B...soutient qu'à compter du 6 mars 2009, il suivait un stage de formation et n'était donc pas employé par une autre entreprise que la société Orolia, il ressort des termes mêmes de la décision du 4 juin 2009 que c'est l'intéressé lui-même qui a porté à la connaissance de l'inspectrice du travail qu'il était titulaire d'un contrat de travail auprès d'une autre entreprise ; que ce fait est confirmé par le fait que le nouvel employeur de M. B... l'a déclaré auprès de l'URSSAF en qualité de chef de projet à compter du

6 mars 2009 ; qu'il n'est par conséquent pas établi que l'inspectrice du travail, qui a fondé sa décision sur un élément révélé par l'intéressé lui-même et n'a par conséquent pas porté atteinte à sa vie privée, aurait entaché sa décision d'une erreur de fait ;

5. Considérant que si M. B...soutient que l'inspectrice du travail n'a pas vérifié la régularité de la procédure ayant conduit son employeur à la saisir d'une demande d'autorisation de le licencier, il ne l'établit pas ; que l'inspectrice du travail n'avait pas à mentionner les étapes de cette procédure qu'elle a estimée régulière ; que, notamment, M. C... tenait bien du président directeur général de la société Orolia les pouvoirs nécessaires pour saisir l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement ;

6. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; que le moyen tiré de ce que l'inspectrice du travail aurait commis une erreur de droit en qualifiant l'absence de M. B... d'abandon de poste et en qualifiant cette faute comme étant d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement doit être écarté dès lors que l'autorité administrative n'a ni méconnu l'étendue de sa compétence ni empiété sur celle de l'autorité judiciaire qui ne peut se prononcer que sur la légalité du licenciement lui-même ;

7. Considérant que M. B...ne conteste pas n'avoir jamais repris son travail au sein de la société Orolia postérieurement au 6 mars 2009 malgré une mise en demeure qui lui avait été adressée en ce sens le 10 mars suivant ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a sciemment abandonné son poste afin d'occuper un emploi de chef de projet auprès d'un autre employeur à compter du 6 mars 2009 ; que ni les dispositions de l'article L. 4131-1 du code du travail, qui instituent au profit des salariés un droit de retrait en cas de menace grave et imminente pour leur vie ou leur santé, ni celles de l'article L. 1152-1 du même code qui proscrivent les comportements de harcèlement à l'encontre des salariés ni enfin celles de l'article L. 1132-4 du même code qui interdisent les mesures de licenciement fondées sur des motifs discriminatoires n'autorisaient M. B...à s'engager par contrat de travail avec un autre employeur que la société Orolia ; que le moyen tiré de ce que le requérant n'aurait pas commis de faute en s'abstenant de reprendre son poste de travail doit être écarté ;

8. Considérant que M. B...n'établit pas qu'il aurait été dans une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé s'il était resté au sein de la société Orolia ; que ni la réalité ni la consistance des menaces auxquelles il fait référence dans le courrier en date du 6 mars 2009 qu'il a envoyé à son employeur ne sont établies ; que s'il soutient avoir été mis de coté suite à la réorganisation des services intervenue en juillet 2008, il ressort des pièces du dossier qu'à supposer que sa position hiérarchique ait été effectivement remise en cause, cette évolution était uniquement imputable aux médiocres résultats obtenus par l'intéressé dans ses fonctions d'encadrement au titre de l'année 2007 ; que contrairement à ce soutient le requérant, il n'a jamais été privé de stock options auxquels il aurait eu droit ; qu'il ne ressort ainsi d'aucun des éléments versés au dossier que le requérant aurait été victime d'actes de harcèlement sur son lieu de travail ni que son licenciement serait intervenu pour des motifs discriminatoires ; qu'en estimant que la faute commise par M. B...était d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, l'inspectrice du travail n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

9. Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. B...aurait été en conflit avec son employeur à raison de l'exercice de son mandat de représentant du personnel, mandat dont il a abandonné l'exercice en même temps que son poste ; que si, à compter de l'année 2008, M. B...a dénoncé auprès de son employeur des pratiques qu'il considérait comme constitutives d'une fraude destinée à obtenir des subventions européennes, ni la réalité de cette fraude, ni l'existence d'un lien entre cette dénonciation et son licenciement ne sont établis ; que le moyen tiré du fait qu'il existerait un lien entre le licenciement du requérant et l'exercice, par l'intéressé, de son mandat de délégué du personnel doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Orolia et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à la société Orolia une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Orolia est rejeté.

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N° 13VE01658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE01658
Date de la décision : 15/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Emmanuel MEYER
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : EQUIPAGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-04-15;13ve01658 ?
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