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27/02/2014 | FRANCE | N°13VE01583

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 27 février 2014, 13VE01583


Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2009, présentée pour Mme A...D..., demeurant..., par Me Bernfeld, avocat ;

Mme D...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0707259 en date du 10 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Sèvres à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant de l'aggravation du syndrome de Lance et Adams, dont elle est atteinte à la suite de la faute médicale commise lors de l'intervention chirurgicale qu'elle

a subie au sein de cet hôpital le 9 novembre 1988 ;

2° à titre principal, d...

Vu la requête, enregistrée le 9 avril 2009, présentée pour Mme A...D..., demeurant..., par Me Bernfeld, avocat ;

Mme D...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0707259 en date du 10 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Sèvres à lui verser une indemnité en réparation des préjudices résultant de l'aggravation du syndrome de Lance et Adams, dont elle est atteinte à la suite de la faute médicale commise lors de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie au sein de cet hôpital le 9 novembre 1988 ;

2° à titre principal, de condamner le centre hospitalier intercommunal de Sèvres à lui verser la somme de 1 673 509,99 euros, assortie des intérêts à compter de sa demande préalable et de la capitalisation des intérêts, ainsi qu'une rente mensuelle pour tierce personne d'un montant de 3 041,67 euros et une rente mensuelle au titre de la perte de revenus professionnels d'un montant de 3 123,62 euros, toutes deux indexées sur le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), et de lui donner acte de ce que les frais médicaux en lien avec l'accident médical seront adressés pour remboursement à la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles (SHAM) ;

3° à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise en vue de déterminer s'il existe une aggravation de son état de santé et d'évaluer les postes de préjudice correspondants, et de condamner le centre hospitalier intercommunal de Sèvres à lui verser une somme de 100 000 euros à titre de provision ;

4° de condamner le centre hospitalier intercommunal de Sèvres aux entiers dépens de première instance et d'appel et de mettre à la charge de cet établissement la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que, contrairement à ce qu'a retenu l'expert désigné par le tribunal administratif, qui ne pouvait se fonder sur la littérature médicale, insuffisante en la matière, ni sur le tableau clinique établi en 1992 par le Dr Prochiantz, lui-même trop sommaire, pour conclure à l'absence d'aggravation des manifestations du syndrome de Lance et Adams depuis 1992, il ressort des certificats des Drs Bondeelle, Gueguen et Serdaru qu'elle présente des myoclonies plus intenses et plus fréquentes qui justifient un taux d'incapacité permanente partielle supérieur à celui qui a été retenu en 1992 ; qu'en omettant de se prononcer sur ce taux, l'expert judiciaire n'a pas correctement apprécié son état de santé ; que la circonstance que les résultats de l'examen par imagerie par résonance magnétique nucléaire, pratiqué en 2002, aient été normaux, ne permet pas de conclure à l'absence d'aggravation des myoclonies ; que, si son traitement médical n'a pas comporté de modification, c'est en raison, d'une part, d'un traitement initial déjà très lourd et, d'autre part, de l'inefficacité des autres traitements ; que l'aggravation de son état de santé se traduit par des difficultés psychiques et sociales majeures et par l'impossibilité totale et définitive d'exercer une activité professionnelle ; qu'en outre, elle souffre de déracinement dès lors qu'elle ne peut plus faire d'allers-retours entre la France et le Cameroun, son pays d'origine ; que, de surcroît, l'incapacité fonctionnelle qui résulte des complications de sa pathologie nécessite l'assistance d'une tierce personne ; qu'indépendamment de la question de l'aggravation de son état, elle justifie de nouveaux préjudices, non précédemment indemnisés, constitués d'un préjudice professionnel, de l'aide nécessaire d'une tierce personne, d'un préjudice d'agrément, d'un préjudice sexuel et d'établissement ; qu'elle est ainsi fondée à demander le remboursement par la SHAM d'une somme de 4 009,24 euros au titre de ses frais médicaux, demande qui, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal ne concerne pas l'exécution des précédentes décisions de justice ; qu'il convient, en outre, de lui accorder les sommes de 26 727 euros au titre de ses frais de transport, de 370 840 euros au titre des frais de tierce personne pour la période allant de novembre 1998 à janvier 2009, ainsi qu'une rente mensuelle de 3 041,67 euros pour l'avenir, de 566 633,75 euros au titre de ses pertes de revenus passées ainsi qu'une rente mensuelle de 3 123,62 euros pour l'avenir, de 350 000 euros au titre de l'incidence professionnelle du dommage, de 300 euros au titre des frais de médecins conseils, de 30 000 euros au titre des souffrances physiques et morales, de 35 000 euros au titre du préjudice esthétique, de 230 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et de la perte de qualité de vie, de 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément, et de 30 000 euros au titre du préjudice sexuel et d'établissement ; que la Cour pourra, si elle s'estime insuffisamment informée, ordonner une expertise afin d'évaluer le déficit fonctionnel permanent actuel et d'évaluer plus précisément les différents chefs de préjudice précités ; qu'il conviendra dans cette hypothèse de lui allouer une provision de 100 000 euros ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :

- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,

- et les observations de Me E...sustituant Me Bernfeld pour Mme D... et de Me B...substituant Me C...pour le centre hospitalier intercommunal de Sèvres ;

1. Considérant qu'à l'occasion d'une opération pratiquée le 9 novembre 1988 au centre hospitalier intercommunal de Sèvres, Mme D... a subi une anoxie cérébrale dont elle conserve des séquelles sous la forme d'un syndrome de Lance et Adams, caractérisé par des myoclonies d'action et d'intention provoquant des tremblements incontrôlables des membres inférieurs et supérieurs ; que le Tribunal administratif de Paris, par des jugements des 2 mars 1994 et 21 juin 1995, et la Cour administrative d'appel de Paris, par un arrêt du 7 mai 1996, ont retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier intercommunal de Sèvres et mis à la charge de cet établissement l'indemnisation de Mme D...au titre des frais engagés, de la perte de revenus professionnels et des préjudices personnels ; que, par une décision du 27 septembre 1999, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 7 mai 1996 en tant qu'il statuait sur la perte de revenus professionnels puis, réglant l'affaire au fond sur ce point, évalué ce préjudice à la somme de 650 000 francs, en retenant que l'intéressée ne se trouvait pas dans l'impossibilité définitive d'exercer une activité professionnelle ; que Mme D... a, par la suite, invoqué une aggravation de son état pour demander au Tribunal administratif de Versailles de lui accorder des indemnités complémentaires ; que cette demande a été rejetée par un jugement du 10 février 2009, confirmé par un arrêt du 13 juillet 2010 de la Cour administrative d'appel de Versailles ; que, par une décision en date du 22 avril 2013, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé cette affaire devant la Cour ;

2. Considérant qu'il y a lieu, avant de statuer sur les conclusions de Mme D... tendant à l'indemnisation de l'aggravation des conséquences subies du fait du syndrome de Lance-Adams dont elle souffre à raison de l'intervention subie en novembre 1988 au centre hospitalier intercommunal de Sèvres, d'ordonner qu'il soit procédé à une nouvelle expertise afin de déterminer si, en l'état des données acquises de la science et de la littérature médicale et après examen de MmeD..., l'état de celle-ci a connu une aggravation depuis la consolidation fixée par le Dr Prochiantz au 24 octobre 1992 dans son rapport d'expertise rendu à cette même date et d'indiquer le cas échéant l'ampleur de l'aggravation des préjudices subis par Mme D...;

3. Considérant qu'en l'état du dossier, il n'apparaît pas que l'obligation du centre hospitalier intercommunal de Sèvres d'indemniser Mme D...des préjudices que celle-ci allègue avoir subis ne soit pas sérieusement contestable ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'indemnité provisionnelle sollicitée ;

DECIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de MmeD..., procédé à une expertise. L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé au greffe de la Cour dans le délai de quatre mois suivant la prestation de serment.

Article 2 : L'expert aura pour mission :

1° d'examiner Mme D...et de prendre connaissance de son entier dossier médical ;

2° de décrire l'évolution de l'état de Mme D...depuis la précédente consolidation fixée au 24 octobre 1992 et d'indiquer la nature des soins prescrits après consolidation jusqu'au jour de l'expertise ;

3° de procéder à un examen clinique détaillé en le comparant méthodiquement avec les données de la précédente expertise et en tenant compte des doléances exprimées par la victime et de la gêne alléguée ; d'indiquer les troubles en relation directe et certaine avec l'anoxie cérébrale ;

4° de dire si l'état neurologique s'est aggravé depuis la date de consolidation fixée au 24 octobre 1992, préciser si la modification de l'état éventuellement constatée est temporaire ou définitive, c'est à dire non améliorable par une thérapeutique adaptée ;

5° de dire si l'évolution constatée dans l'état de l'intéressée est en lien avec la pathologie imputable à l'anoxie cérébrale initiale, ou si elle résulte au contraire d'un fait pathologique indépendant, d'origine médicale ou traumatique ;

6° dans le cas d'une telle évolution :

- de préciser l'éventuelle durée de l'ITT justifiée par cette évolution,

- de proposer une nouvelle date de consolidation,

- de proposer un taux de déficit fonctionnel permanent,

- de décrire les nouvelles souffrances endurées du fait de la modification de l'état séquellaire, les évaluer sur une échelle de 1 à 7,

- de donner son avis sur l'éventuelle existence d'un nouveau dommage esthétique, l'évaluer sur une échelle de 1 à 7,

- de donner son avis sur une éventuelle aggravation du préjudice d'agrément,

- de donner son avis sur l'existence d'un préjudice sexuel et d'établissement,

- de préciser si Mme D...a besoin d'une tierce personne pour les actes de la vie courante,

- de donner son avis sur une éventuelle aggravation de son préjudice professionnel.

Article 3 : Les conclusions de Mme D...tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Sèvres à lui verser une indemnité provisionnelle sont rejetées.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE01583
Date de la décision : 27/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public ?: Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : BERNFELD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-02-27;13ve01583 ?
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