Vu I, sous le n° 12VE03663, le recours enregistré le 8 novembre 2012, présenté par le PREFET DE L'ESSONNE ; le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1201701 en date du 9 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 20 février 2012 par lequel il a refusé de délivrer à Mlle D...B...un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée, et lui a enjoint de délivrer à cette dernière un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
2° de rejeter la demande présentée par Mlle B...;
Il soutient que :
- son arrêté, qui est suffisamment motivé, a été signé par une autorité qui avait dûment reçu compétence à cet effet ;
- il ne viole pas les dispositions des articles L. 313-11-7° et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est justifiée dès lors que le refus de titre de séjour l'est également ;
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Vu II, sous le n° 12VE04363, le recours enregistré le 8 novembre 2012, présenté par le PREFET DE L'ESSONNE, qui demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 20 février 2012 par lequel il a refusé de délivrer à Mlle B...un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée, et lui a enjoint de délivrer à cette dernière un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
Le PREFET DE L'ESSONNE soutient qu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation du jugement attaqué et que les conditions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative pour l'octroi d'un sursis sont remplies ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :
- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant MeA..., pour MlleB... ;
1. Considérant que, par un recours enregistré sous le n° 12VE03663, le PREFET DE L'ESSONNE relève appel du jugement n° 1201701 en date du 9 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a d'une part annulé son arrêté en date du 20 février 2012 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mlle D...B..., ressortissante ivoirienne, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à cette dernière un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que, par un recours distinct enregistré sous le n° 12VE04363, le PREFET DE L'ESSONNE demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution de ce même jugement ; que ces deux recours sont dirigés contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur le recours n° 12VE03663 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par MlleB... ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle B...est entrée en France le 25 novembre 2001, sous couvert d'un visa D portant la mention " étudiant ", à l'âge de 17 ans, et a été mise en possession de titres de séjour en qualité d'étudiante, renouvelés jusqu'au 31 octobre 2011 ; qu'avant l'expiration de son titre de séjour, elle a présenté, par le biais de son avocat conseil, une demande de changement de statut pour solliciter la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si, parallèlement à ses études, elle a exercé plusieurs emplois et était très bien intégrée professionnellement, elle était célibataire à la date de l'arrêté contesté et n'était pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où vivent toujours ses parents ; que, dans ces circonstances, l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE en date du 20 février 2012 porte certes une atteinte au droit de Mlle B...de mener une vie privée et familiale normale, mais qui n'est pas disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que le PREFET DE L'ESSONNE est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges se sont fondés sur la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler son arrêté ;
4. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mlle B...devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 27 de la loi du 16 juin 2011 : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle B...séjournait en France de manière régulière depuis 10 ans à la date à laquelle elle a formé sa demande ; qu'elle a effectué toutes ses études supérieures à l'université de Paris 8 où elle a obtenu, en 2009, le diplôme de maîtrise en sciences humaines et sciences sociales, spécialité " sciences de l'éducation et de la formation ", avec la mention assez bien ; que si elle n'a pu valider son diplôme de master 2, faute de trouver un stage correspondant à sa formation, les bons résultats qu'elle a obtenus à l'ensemble des épreuves de ce master témoignent de la qualité et du sérieux de ses études, les services du préfet ayant d'ailleurs renouvelé les titres de séjour de l'intéressée en qualité d'étudiant pendant 9 ans ; que l'intéressée a fait preuve parallèlement à ses études d'une très bonne insertion professionnelle ; que, notamment, à la date de la décision en litige, elle était titulaire d'un contrat à durée déterminée, débuté le 1er mai 2011 et prorogé à plusieurs reprises, en qualité d'adjoint administratif au sein du pôle évaluation de la Maison départementale des personnes handicapées de Paris, emploi à temps plein et en adéquation avec sa formation universitaire ; qu'elle occupait par ailleurs, en parallèle et sous contrat à durée indéterminée, un poste d'agent d'accueil trois week-ends par mois depuis le 5 mars 2011 ; que, dans ces conditions, en refusant de délivrer à Mlle B...un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DE L'ESSONNE a commis une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il suit de là qu'il n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté en date du 9 octobre 2012 ;
Sur le recours n° 12VE04363 :
7. Considérant que le présent arrêt statuant sur le recours du PREFET DE L'ESSONNE à fin d'annulation du jugement dont il est demandé le sursis à exécution, le recours à fin de sursis à exécution de ce même jugement est devenu sans objet ;
Sur les conclusions de Mlle B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle B...et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours n° 12VE04363.
Article 2 : Le recours n° 12VE03663 du PREFET DE L'ESSONNE est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à Mlle B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°s 12VE03663 - 12VE04363