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06/02/2014 | FRANCE | N°12VE01917

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 06 février 2014, 12VE01917


Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2012, présentée pour Mme A...C..., demeurant ... par Me Gomar, avocat ; Mme C...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0810016 du 27 mars 2012 du Tribunal administratif de Versailles ;

2° de condamner la commune d'Yerres à faire cesser les agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;

3° de mettre à la charge de la commune d'Yerres la somme de 76 560 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable et la capitalisation des intérêts en rép

aration du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

4° d'enjoindre à la commune d'Yerres...

Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2012, présentée pour Mme A...C..., demeurant ... par Me Gomar, avocat ; Mme C...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0810016 du 27 mars 2012 du Tribunal administratif de Versailles ;

2° de condamner la commune d'Yerres à faire cesser les agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle a fait l'objet ;

3° de mettre à la charge de la commune d'Yerres la somme de 76 560 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation préalable et la capitalisation des intérêts en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

4° d'enjoindre à la commune d'Yerres de prendre les mesures nécessaires afin qu'elle puisse travailler en qualité de secrétaire, à temps plein, dans le cadre du service juridique ou si aucun poste n'est disponible dans ce service, dans tout autre service ;

5° d'enjoindre à la commune d'Yerres de lui octroyer le grade d'adjoint administratif ;

6° de mettre à la charge de la commune d'Yerres le paiement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur en ne retenant pas la qualification de harcèlement moral au regard des critiques non fondées que lui a adressé sa hiérarchie et des nombreux faits vexatoires dont elle a été la cible et qui ont détérioré son état de santé ;

- le Tribunal administratif de Versailles a commis une erreur en ne qualifiant pas la proposition par la commune d'un mi-temps de femme de service de sanction disciplinaire déguisée ;

- exécutant des tâches administratives correspondant au grade d'adjoint administratif depuis 1999, elle demande la reconnaissance de grade car son maintien dans la filière technique lui cause un préjudice important ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, et notamment son article 6 quinquies issu de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2014 :

- le rapport de M. Luben, président assesseur ;

- et les conclusions de M. Delage, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme C...a été recrutée par la commune d'Yerres le 15 novembre 1990 en qualité d'agent technique titulaire à la crèche Les Bleuets ; qu'à compter du mois de février 1994, elle a été affectée au service technique de la commune à l'issue d'un congé de longue maladie ; que, promue au grade d'agent technique principal à compter du 1er janvier 1998, elle a été affectée au service juridique à compter du mois de mai 1999 sur un poste de secrétaire ; que, promue à compter du 1er juillet 2000 au grade d'agent de maîtrise territorial, elle a à nouveau été affectée au service technique à partir du 24 mars 2003 puis, en novembre 2005, a bénéficié d'un poste à temps partiel auprès des services structures de la petite enfance pour assurer des tâches administratives ; que par une lettre du 30 septembre 2007 adressée au maire, elle a souhaité reprendre des fonctions à temps plein à partir du 1er novembre 2007 ; que la commune lui a alors proposé en complément un poste à mi-temps comme agent technique à la crèche Toboggantine, que la requérante a refusé ; que, placée en arrêt de longue maladie à compter du 30 janvier 2008, elle a repris le travail en temps partiel thérapeutique à partir du 18 mars 2013 et s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé le 26 septembre 2012 ; que par une lettre en date du 18 juin 2008, elle a demandé au maire de la commune, d'une part, le versement de la somme de 76 560 euros à raison du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi et, d'autre part, sa promotion au grade d'adjoint administratif ;

Sur la responsabilité pour faute de la commune d'Yerres :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant, en premier lieu, que Mme C...soutient avoir fait l'objet de critiques non fondées de la part de sa hiérarchie ; que, toutefois, le rapport de la directrice de la crèche Les Bleuets du 20 juin 1991, mentionnant son absence non justifiée, quand bien même cette absence serait en réalité justifiée, n'a en tout état de cause donné lieu à aucune suite et ne saurait donc caractériser un fait de harcèlement ; que si selon la requérante, son supérieur hiérarchique d'alors a critiqué son comportement alors qu'elle était en arrêt de travail, il n'en résulte pas que cette critique serait infondée dès lors que les faits qui l'ont motivée étaient antérieurs à cet arrêt de travail ; que les reproches adressés à Mme C...pour avoir refusé de dresser des constats d'assurance ont été formulés à juste titre, l'intéressée étant tenue d'accomplir de telles tâches, qui lui étaient demandées par sa hiérarchie et qui relevaient du poste de correspondante en matière d'assurance qu'elle assurait au sein du service juridique, et ce, sans qu'importe la circonstance qu'elles n'auraient pas été mentionnées dans la fiche de poste ; que, plus généralement, sa mutation du service juridique, motivée par des maladresses verbales, un comportement peu compatible avec le travail collectif et un refus de répondre à certaines consignes, ne constitue pas une mise à l'écart injustifiée ; que la requérante n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la réalité de reproches qu'elle affirme avoir subis du fait que ses enfants fréquentaient le centre de loisirs Grosbois, du défaut de surveillance d'un enfant le 14 juin 2007 ou de ce qu'elle aurait pris rendez-vous avec la direction des ressources humaines sans avoir prévenu sa hiérarchie ; que la commune d'Yerres avance en revanche plusieurs éléments concordants, ressortant notamment des rapports des 25 juin et 23 août 2004 de MmeB..., directrice des services techniques, dénotant une insuffisance professionnelle lorsque Mme C...était en poste au sein du service technique, en particulier des erreurs dans l'accomplissement de certaines tâches professionnelles et des refus de répondre à certaines consignes ; que dans la mesure où le comportement de la hiérarchie de Mme C...ne peut être apprécié sans tenir compte de l'attitude de la requérante, il apparaît que les agissements des supérieurs de Mme C...n'ont pas excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ; que la requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que la commune a formulé à son encontre des critiques injustifiées susceptibles de caractériser à son endroit un comportement fautif ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que Mme C...soutient avoir subi une pluralité de faits vexatoires ; que, toutefois, ses affirmations selon lesquelles elle a dû faire face à l'acharnement de certains de ses supérieurs hiérarchiques au sein des services juridique et technique ne sont pas assorties de précisions suffisantes quant aux actes commis et à leurs circonstances ; que les affirmations de la requérante, selon lesquelles elle se serait vu interdire d'entrer dans le bureau de ses supérieurs hiérarchiques, que ses initiales ont été enlevées des courriers qu'elle rédigeait et que ses classeurs ont été vidés, ne sont pas établies ; que le fait de ne pas avoir été destinataire du courrier destiné au service environnement ne constitue pas une mesure vexatoire dès lors que la gestion du courrier n'entrait pas dans les fonctions de la requérante mais dans celles de l'assistante du service environnement qui lui transmettait les courriers utiles à l'accomplissement de ses fonctions ; que le fait d'avoir été évaluée, pour l'année 2005, par son ancienne supérieure hiérarchique, à l'encontre de laquelle la requérante avait émis des griefs, était justifié par la nécessité d'évaluer le travail accompli l'année précédente au sein de son ancien service ; qu'en tout état de cause, des critiques régulières avaient été faites sur le travail de la requérante au sein du service technique avant même cette évaluation ; qu'en outre, la commune a décidé de revenir sur les conclusions du rapport de l'année 2005 en ne le faisant pas figurer dans le dossier administratif de la requérante, en raison de l'évaluation favorable au cours de l'année 2006 ; que la requérante ne peut donc soutenir que cette évaluation particulière constituerait un acharnement de la part de sa hiérarchie ; que ni le fait de ne pas avoir reçu une reconnaissance écrite du travail qu'elle avait effectué, malgré une promesse qui lui avait été faite en ce sens, ni son malaise survenu le 28 janvier 2008 ne sont la marque d'un comportement vexatoire à son encontre ; que, par suite, les agissements de harcèlement moral allégués par Mme C...ne sont pas établis ;

7. Considérant, en troisième lieu, que Mme C...soutient que la proposition de travailler en qualité d'agent technique à la crèche Toboggantine constitue une sanction disciplinaire déguisée ; que, toutefois, le poste qu'elle occupait alors à mi-temps ne justifiait pas un passage à temps plein ; que s'il lui a alors été proposé un autre poste en adéquation avec son cadre d'emploi et son grade, ce poste n'est pas apparu compatible avec l'état de santé de la requérante ; que les affirmations de la requérante selon lesquelles sa hiérarchie lui aurait imposé le poste en question sous peine d'être licenciée ne sont étayées par aucun élément ; qu'elle n'est par suite pas fondée à soutenir que la proposition qui lui a été faite aurait constitué un déclassement ou une sanction disciplinaire déguisée, étant précisé qu'elle conservait par ailleurs son poste de secrétaire auprès des services de la petite enfance ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'apporte aucun élément susceptible de faire présumer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail ni n'établit pas qu'elle aurait fait l'objet d'une sanction déguisée ; que la faute de la commune n'est dès lors pas établie ; que, par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que, par son jugement du 27 mars 2012, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté à tort ses conclusions tendant à mettre à la charge de la commune d'Yerres la somme de 76 560 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins indemnitaires de MmeC..., n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Yerres, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par MmeC..., à ce titre ; qu'il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme C...la somme demandée par la commune d'Yerres, au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...et les conclusions de la commune d'Yerres tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 12VE01917


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE01917
Date de la décision : 06/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : GOMAR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-02-06;12ve01917 ?
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