La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2013 | FRANCE | N°13VE02719

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 30 décembre 2013, 13VE02719


Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2013, présenté pour M. A...B..., demeurant..., par Me Adjas, avocat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. B...demande à la Cour, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1102474 du Tribunal administratif de Versailles en date du 11 juillet 2013, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étran

gers et du droit d'asile ;

Il soutient que les articles L. 411-...

Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2013, présenté pour M. A...B..., demeurant..., par Me Adjas, avocat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. B...demande à la Cour, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 1102474 du Tribunal administratif de Versailles en date du 11 juillet 2013, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Il soutient que les articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent le regroupement familial à des conditions de ressources, portent atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 1er du Préambule de la Constitution de 1946, les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 1er du préambule de la Constitution de 1958 et l'article 2 de cette Constitution ; qu'en effet, elles créent une différence de traitement injustifiée, d'une part, entre les ressortissants étrangers et les citoyens français pour lesquels le montant du salaire minimum de croissance est considéré comme suffisant alors que le Conseil constitutionnel veille à assurer l'égalité entre nationaux et étrangers en matière sociale et, d'autre part, entre ressortissants étrangers selon leur niveau de revenus alors que le Préambule de la Constitution de 1946 confère au droit au regroupement familial un caractère général ; que ces dispositions méconnaissent également l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de libertés fondamentales et les stipulations de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la requête, enregistrée le 6 août 2013 sous le n° 13VE02719, présentée pour M. A... B...demeurant..., par Me Adjas, tendant à l'annulation du jugement n° 1102474 en date du 11 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Essonne en date du 30 mars 2011 rejetant sa demande de regroupement familial au profit de son épouse et de ses trois enfants ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 et son Préambule ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 portant application de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

Vu le code de justice administrative ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé " ; qu'aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, modifiée, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux " ;

2. Considérant, en premier lieu, que si M. B...soutient que l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaît le principe d'égalité, la disposition invoquée, si elle est prise pour l'application de l'article L. 411-5 du même code, est par elle-même réglementaire ; qu'elle n'est donc pas au nombre de celles dont le Conseil constitutionnel peut contrôler la conformité à la Constitution en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que, par suite, la question ainsi soulevée est irrecevable ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; (...) " ;

4. Considérant, d'une part, que M. B...soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité en prévoyant que le montant des ressources dont le demandeur doit justifier, qui tient compte de la taille de sa famille, peut être supérieur au salaire minimum de croissance mensuel alors que ce salaire minimum serait " considéré comme suffisant pour permettre aux nationaux de vivre dans des conditions acceptables " ; que, cependant, le regroupement familial prévu par les dispositions contestées ne concerne que les étrangers ; que, dès lors, le grief tiré d'une rupture du principe d'égalité entre étrangers et nationaux au regard du montant des ressources exigées ne saurait qu'être écarté ;

5. Considérant, d'autre part, que M. B...soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité en ce qu'elles créent une différence de traitement injustifiée entre ressortissants étrangers selon leur niveau de revenus et qu'elles portent atteinte au droit de mener une vie familiale normale, garanti par le Préambule de la Constitution de 1946 et qui comporte la faculté pour les ressortissants étrangers de faire venir auprès d'eux leurs conjoints et leurs enfants mineurs ; que, toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que tel est le cas en l'espèce dès lors que l'exigence que le demandeur justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille est en rapport direct avec l'objectif de la loi ; que, par ailleurs, en subordonnant la faculté de faire venir auprès de lui son conjoint et ses enfants mineurs à la capacité du demandeur de subvenir aux besoins de ces derniers, le législateur n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au regroupement familial, qui s'exerce sous réserve de restrictions tenant à la sauvegarde de l'ordre public et à la protection de la santé publique lesquelles revêtent le caractère d'objectifs de valeur constitutionnelle ;

6. Considérant, enfin, que si M. B...soutient que la disposition en litige méconnaît également l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de libertés fondamentales et les stipulations de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, un grief tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagements internationaux de la France ne saurait être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée par M. B...est dépourvue de tout caractère sérieux ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat ;

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.B....

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B....

Fait à Versailles, le 18 septembre 2013.

Le président de la 3ème Chambre,

C. SIGNERIN-ICRE

Pour expédition conforme

Le greffier,

''

''

''

''

2

N° 13VE02719


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02719
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Olivier GUIARD
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : ADJAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-12-30;13ve02719 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award