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30/12/2013 | FRANCE | N°12VE00485

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 30 décembre 2013, 12VE00485


Vu la requête, enregistrée le 7 février 2012, pour M. A... C..., demeurant..., par Me Grimaldi, avocat ; M. C...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1009975 en date du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 mars 2010 par laquelle la directrice du courrier de la Seine-Saint-Denis de La Poste a prononcé son exclusion temporaire pour une durée de trois mois dont deux avec sursis ;

2° d'annuler la décision susvisée du 16 mars 2010 ;

3° de mettre à la c

harge de La Poste la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code d...

Vu la requête, enregistrée le 7 février 2012, pour M. A... C..., demeurant..., par Me Grimaldi, avocat ; M. C...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1009975 en date du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 mars 2010 par laquelle la directrice du courrier de la Seine-Saint-Denis de La Poste a prononcé son exclusion temporaire pour une durée de trois mois dont deux avec sursis ;

2° d'annuler la décision susvisée du 16 mars 2010 ;

3° de mettre à la charge de La Poste la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'auteur de la décision était incompétent ;

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- le tribunal n'a pas évoqué le défaut d'information préalablement à la réunion du conseil de discipline ;

- il n'a pas été informé de son droit à être assisté par un ou plusieurs défenseurs de son choix lors de la séance du conseil de discipline ;

- il n'a pas été entendu en dernier devant le conseil de discipline ;

- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir

- aucune faute ne peut être retenu contre lui ;

- à titre subsidiaire, la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses fonctions, les propos retenus à son encontre ayant été exprimés dans le cadre de son mandat syndical ; le tribunal ne s'est pas prononcé sur le moyen tiré de ce que les faits se sont déroulés dans le cadre de ses fonctions syndicales et non dans l'exercice de ses fonctions ; la sanction est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; La Poste n'apporte pas la preuve de la réalité des faits reprochés ;

...............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations de l'administration avec le public ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 portant statut de la Poste ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :

- le rapport de M. Bigard, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Delage, rapporteur public ;

1. Considérant que M.C..., agent public de La Poste exerçant les fonctions de trieur indexeur au centre de traitement du courrier de Bobigny, relève appel du jugement en date du 8 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 mars 2010 par laquelle la directrice du courrier de la Seine-Saint-Denis de La Poste a prononcé son exclusion temporaire pour une durée de trois mois dont deux avec sursis ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, dans sa requête enregistrée au Tribunal administratif de Montreuil, M. C... a invoqué le moyen tiré de l'absence d'information sur son droit à se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix devant le conseil de discipline ; que le tribunal a omis de statuer sur ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué est, pour ce motif, entaché d'irrégularité ; que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à l'irrégularité de ce jugement, il y a lieu d'en prononcer l'annulation, et de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C...devant le tribunal ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par La Poste :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 14 du décret susvisé du 25 octobre 1984 : "Au vu tant de l'avis précédemment émis par le conseil de discipline que des observations écrites ou orales produites devant elle et compte tenu, le cas échéant, des résultats de l'enquête à laquelle il a été procédé, la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat émet soit un avis déclarant qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la requête qui lui a été présentée, soit une recommandation tendant à faire lever ou modifier la sanction infligée" ; que l'article 16 du même décret prévoit que : "L'avis ou la recommandation émis par la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat est transmis au ministre intéressé. Si celui-ci décide de suivre la recommandation, cette décision se substitue rétroactivement à celle qui a été initialement prise" ;

4. Considérant que, par la décision attaquée en date du 16 mars 2010, la directrice du courrier de la Seine-Saint-Denis de La Poste a prononcé à l'encontre de M. C...la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois dont deux avec sursis ; que malgré la recommandation émise par la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat lors de sa séance du 18 janvier 2011, la directrice du courrier de la Seine-Saint-Denis de La Poste a décidé, par une nouvelle décision du 28 février 2011, de maintenir cette sanction ; que cette décision n'a ainsi pas eu pour effet de se substituer rétroactivement à celle qui a été initialement prise ; que, dès lors, les conclusions par lesquelles M. C...demande l'annulation de la décision du 16 mars 2010 ne sont pas devenues sans objet ; que, par suite, les conclusions à fin de non-lieu présentées par La Poste doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 66 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : l'avertissement ; le blâme. Deuxième groupe : la radiation du tableau d'avancement ; l'abaissement d'échelon ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; le déplacement d'office. Troisième groupe : la rétrogradation ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Quatrième groupe : la mise à la retraite d'office ; la révocation ... L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel ... " ; que l'article 15 du décret susvisé du 12 décembre 1990 dispose que : " Le président du conseil d'administration peut déléguer tout ou partie de ses attributions propres. En matière de recrutement, nomination et gestion du personnel, le président du conseil d'administration peut déléguer sa signature, ou le cas échéant tout ou partie de ses pouvoirs, au directeur général, et sa signature aux chefs des services centraux et à leurs collaborateurs immédiats. Le président peut en outre déléguer aux chefs des services déconcentrés tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement, de nomination et de gestion des personnels qui relèvent de leur autorité, sous réserve, pour les personnels fonctionnaires, de la mise en place de commissions administratives paritaires locales et du respect du principe d'égalité ... " ; qu'aux termes de l'article 2 de la décision de La Poste n° 3046 du 20 décembre 2004 : " Pour les personnels fonctionnaires et stagiaires des classes I, II et III, les pouvoirs sont déconcentrés en matière disciplinaire de la façon suivante : En ce qui concerne les sanctions des groupes 1, 2 et 3, le pouvoir est délégué aux directeurs opérationnels territoriaux courrier (...) pour les personnels relevant de leur autorité ou affectés dans les services qui leur sont directement rattachés. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le président du conseil d'administration de La Poste a délégué aux directeurs opérationnels territoriaux courriers le pouvoir de prononcer les sanctions d'exclusion temporaire de fonctions ;

6. Considérant, d'une part, que la décision précitée du 20 décembre 2004 a été régulièrement publiée dans le bulletin des ressources humaines de La Poste de l'année 2005 ; que, d'autre part, Mme D...B..., signataire de l'acte attaqué, a été nommée directrice opérationnelle territoriale courrier de Seine-Saint-Denis par une décision en date du 23 juillet 2008 du directeur général délégué du groupe, directeur du courrier ; que la circonstance, à la supposer établie, que la décision du 23 juillet 2008 n'aurait pas été publiée est sans effet sur la légalité de la décision attaquée dès lors que la délégation de pouvoir, contrairement à la délégation de signature, n'est pas affectée par les changements survenant dans la personne du délégant ou celle du délégataire et subsiste tant qu'une décision du délégant ne l'a pas abrogée ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la sanction manque en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée qui vise notamment les articles 19 de la loi du 23 juillet 1983 et 66 de la loi du 11 janvier 1984, fait état de propos injurieux et diffamatoires proférés à l'encontre des membres de la direction du centre de traitement du courrier de Bobigny ( CTC) les 9 juin 2009, 17 décembre 2009 et 12 janvier 2010 ; que cette motivation, suffisante pour permettre à l'intéressé de connaître les fautes qui lui étaient reprochés par La Poste, satisfait aux exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; que par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret susvisé du 25 octobre 1984 : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) " ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret : " (...) Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir ou de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été invité par courrier du 18 février 2010 dont il a accusé réception le 1er mars, à comparaître devant le conseil de discipline le 9 mars suivant ; qu'il lui était précisé au verso de cette convocation qu'il avait la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs ; qu'il ressort, par ailleurs, du procès-verbal de la réunion du 9 mars 2010, que M. C...a été le dernier à s'exprimer avant que le conseil ne délibère ; que, par suite, M. C...n'est fondé à soutenir ni que les droits de la défense n'auraient pas été respectés ni que la procédure disciplinaire aurait été irrégulière ;

10. Considérant, en quatrième lieu, que si M. C...soutient que la sanction repose sur des faits inexacts, il ressort, toutefois, des pièces du dossier, notamment des rapports et attestations du directeur du CTC et de différents responsables de service de ce centre que l'intéressé a tenu à l'encontre des membres de la direction des propos injurieux et diffamatoires lors de la réunion de concertation sur l'organisation du travail du 9 juin 2009, de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail du 17 décembre 2009 et des deux assemblées générales du personnel du 12 janvier 2010 ; que le fait que certains de ces documents, rédigés après le 12 janvier 2010, mentionnent également la tenue de tels propos lors d'une réunion du 24 juin 2009, réunion à laquelle M. C...ne participait pas, ne remet pas en cause leur force probante ; que, par suite, la sanction contestée n'est pas entachée d'inexactitude matérielle ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que les faits, rappelés ci-dessus, reprochés à M. C..., alors même qu'ils ont eu lieu dans le cadre de ses mandats syndicaux et dans un contexte social tendu, constituent, indépendamment de toute qualification pénale, des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que, par suite, la directrice du courrier de la Seine-Saint-Denis de La Poste, en prononçant la sanction d'exclusion temporaire pour une durée de trois mois dont deux avec sursis à raison desdits faits, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

12. Considérant, enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision contestée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour mette à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du requérant la somme que La Poste demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1009975 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 8 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par La Poste, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00485
Date de la décision : 30/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Eric BIGARD
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : GRIMALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-12-30;12ve00485 ?
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