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30/12/2013 | FRANCE | N°11VE02595

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 30 décembre 2013, 11VE02595


Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2011, présentée pour la SOCIETE ING DIRECT NV, société de droit néerlandais, pour son établissement stable en France, la société ING Direct, dont le siège social est 40 avenue des Terroirs de France à Paris (75616), par Me Picq, avocat ; la SOCIETE ING DIRECT NV demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0910388 du 19 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir le rétablissement des déficits reportables de son établissement stable situé en France, la société ING Dire

ct, à concurrence d'une somme de 40 970 922 euros ;

2° d'ordonner le rétab...

Vu la requête, enregistrée le 19 juillet 2011, présentée pour la SOCIETE ING DIRECT NV, société de droit néerlandais, pour son établissement stable en France, la société ING Direct, dont le siège social est 40 avenue des Terroirs de France à Paris (75616), par Me Picq, avocat ; la SOCIETE ING DIRECT NV demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0910388 du 19 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir le rétablissement des déficits reportables de son établissement stable situé en France, la société ING Direct, à concurrence d'une somme de 40 970 922 euros ;

2° d'ordonner le rétablissement des déficits reportables de la société ING Direct à concurrence d'une somme de 40 970 922 euros ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'opération effectuée en 2001 n'entre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article 221-2 du code général des impôts ; elle n'a entraîné aucun changement de la personnalité fiscale de l'établissement stable en France, lequel a continué son activité et a poursuivi le dépôt de ses déclarations ; la seule conséquence de cette opération est intervenue au niveau du pays dans lequel les sociétés ING Bank NV et ING DIRECT NV ont leur siège, soit les Pays-Bas ; l'opération n'était pas susceptible d'entraîner une rupture de la continuité de l'activité, les déficits pouvaient dès lors être transférés ; l'effet fiscal de l'opération était en tous points comparable à celui d'un simple changement de raison sociale ;

- il ne saurait lui être reproché de s'être abstenue de solliciter un agrément pour pouvoir transférer les déficits de la succursale française dès lors que les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts sont contraires à l'article 34 de la Constitution et au principe d'égalité devant les charges publiques ;

- ce dispositif d'agrément est contraire à l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la détention de déficits reportable constitue sinon une créance sur l'Etat, tout au moins une espérance légitime de détenir une telle créance ; le fait de subordonner le transfert des déficits à un agrément, de surcroît discrétionnaire et donc discriminatoire, n'est pas une mesure nécessaire à l'intérêt général ;

- l'article 209.II du code général des impôts porte atteinte à la liberté d'établissement dès lors qu'il comporte un risque de discrimination inhérent au caractère discrétionnaire de la procédure d'agrément qu'il instaure ; la restriction apportée par cet article n'est justifiée par aucun motif impérieux d'intérêt général ; en considérant qu'elle ne pouvait se prévaloir d'une atteinte à la liberté d'établissement dès lors que les dispositions s'appliquaient indifféremment à des sociétés situées en France ou dans un autre pays de l'Union européenne, le tribunal administratif n'a pas tenu compte du caractère potentiellement discriminatoire de la procédure d'agrément, qui est discrétionnaire ; les dispositions en litige génèrent, de fait, une discrimination entre les sociétés résidentes et les sociétés non résidentes et entraînent une différence de traitement selon la forme de l'établissement secondaire choisi par une société non résidente pour s'établir en France ;

- elle est fondée à se prévaloir des principes généraux du droit de l'Union européenne dès lors qu'elle se trouve dans une situation entrant dans le champ d'application de la liberté d'établissement et de la directive " fusion " de 1990 ; le caractère discrétionnaire de l'agrément prévu par les dispositions de l'article 209.II du code général des impôts est contraire aux principes de sécurité juridique et d'égalité en matière de droit de l'Union européenne ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive n° 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents ;

Vu la convention entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 16 mars 1973 et publiée par décret n° 74-310 du 11 avril 1974 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :

- le rapport de Mlle Rudeaux, premier conseiller,

- les conclusions de M. Delage, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la SOCIETE ING DIRECT NV ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 20 décembre 2013, présentée pour la SOCIETE ING DIRECT NV ;

1. Considérant que, par un apport partiel d'actif réalisé au cours de l'année 2001, la société de droit néerlandais ING Bank NV a fait apport à sa filiale de même nationalité, la SOCIETE ING DIRECT NV, de sa branche complète d'activité épargne ; qu'elle a à ce titre notamment apporté une succursale française dénommée ING Bank et qui, une fois devenue la succursale française d'ING DIRECT NV, a pris le nomB... ; que, par décision d'agrément du 27 novembre 2001, sollicité sur le fondement des dispositions du 3 de l'article 210 B du code général des impôts, la société ING Bank NV a été autorisée à placer l'apport de sa succursale française sous le régime de faveur prévu par ces dispositions ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité dont la société ING Direct a fait l'objet au titre des exercices clos de 2001 à 2003, l'administration a remis en cause une fraction de ses déficits ainsi que des amortissements réputés différés en période déficitaire au motif que ces derniers avaient été générés par l'activité de la succursale française de la société ING Bank NV, alors qu'aucun agrément autorisant le transfert de ces déficits n'avait été sollicité sur le fondement des dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts ; que la SOCIETE ING DIRECT NV relève appel du jugement du 19 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à obtenir le rétablissement des déficits de son établissement stable en France, la société ING Direct ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions. (...) " et qu'aux termes de l'article 7.1 de la convention susvisée du 16 mars 1973 : " les bénéfices d'une entreprise de l'un des Etats ne sont imposables que dans cet Etat à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables audit établissement stable " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 221 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 2. En cas de dissolution, de transformation entraînant la création d'une personne morale nouvelle, d'apport en société, de fusion, de transfert du siège ou d'un établissement à l'étranger, l'impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1 et 3 de l'article 201. " ; qu'aux termes de l'article 210 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés. " ; qu'aux termes de l'article 210 B du même code, dans sa rédaction alors applicable : " 1. Les dispositions de l'article 210 A s'appliquent à l'apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité ou d'éléments assimilés lorsque la société apporteuse prend l'engagement dans l'acte d'apport : / a. De conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie de l'apport ; / b. De calculer ultérieurement les plus-values de cession afférentes à ces mêmes titres par référence à la valeur que les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans ses propres écritures. (...) / 3. Lorsque les conditions mentionnées au 1 ne sont pas remplies, les dispositions de l'article 210 A s'appliquent aux apports partiels d'actif et aux scissions sur agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies. " ; qu'aux termes de l'article 210 C du même code : " 1. Les dispositions des articles 210 A et 210 B s'appliquent aux opérations auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l'impôt sur les sociétés. " et qu'aux termes de l'article 209 du code précité, dans sa rédaction alors applicable : " II. Sous réserve d'un agrément préalable délivré par le ministre de l'économie et des finances et dans la mesure définie par cet agrément, les fusions de sociétés et opérations assimilées qui entrent dans les prévisions de l'article 210 A peuvent ouvrir droit, dans la limite édictée au I, troisième alinéa, au report des déficits antérieurs non encore déduits soit par les sociétés apporteuses, soit par les sociétés bénéficiaires des apports, sur les bénéfices ultérieurs de ces dernières. " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que si la société ING Bank NV, sur le fondement des dispositions du 3 de l'article 210 B du code général des impôts, a sollicité et obtenu le 27 novembre 2011 un agrément pour placer l'opération d'apport partiel d'actif en litige sous le régime de faveur défini à l'article 210 A, elle n'a pas sollicité l'agrément prévu par les dispositions du II de l'article 209 du même code permettant de transférer des déficits antérieurs non encore déduits par la société apporteuse ; qu'en l'absence d'une telle demande, les dispositions du 2 de l'article 221 de ce code étaient applicables ; que, par suite, l'administration a à bon droit refusé à la société ING Direct le report en avant des déficits dégagés antérieurement par la société ING Bank au titre de l'activité d'épargne ayant fait objet de l'apport partiel d'actif en litige ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante soutient que les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts sont contraires à la liberté d'établissement et aux principes de sécurité juridique et d'égalité dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne, la censure par le juge de ces dispositions législatives, lesquelles instaurent un régime plus favorable que celui de droit commun prévu par l'article 221 du même code, impliquerait pour la requérante non pas la délivrance de l'agrément qu'elle sollicite mais seulement l'application de ces dernières dispositions en vertu desquelles, ainsi qu'il vient d'être dit au point 4, les déficits en litige ne peuvent être déduits ; qu'il suit de là que le moyen est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du II de l'article 209 du code général des impôts, dans leur rédaction applicable au litige, que le législateur a subordonné à la délivrance d'un agrément le transfert à la société bénéficiaire de l'apport partiel d'actif des déficits reportables que la société qui consent cet apport avait dégagés antérieurement ; que la possibilité de transférer de tels déficits n'est dès lors pas assurée par une base juridique suffisante pour pouvoir être regardée comme représentant une espérance légitime d'accéder à la propriété d'un bien ; qu'en tout état de cause, la société requérante n'a pas sollicité la délivrance de l'agrément précité ; que, dans ces conditions, elle ne saurait se prévaloir d'une espérance légitime d'obtenir le droit au report en avant des déficits que détenait l'établissement stable ING Bank au moment de l'apport partiel d'actif ni, par suite utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme, dans le champ desquelles elle n'entre pas ;

8. Considérant, enfin, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. (...) " ;

9. Considérant que si la requérante soutient que les dispositions du II de l'article 209 du code général des impôts seraient contraires à l'article 34 de la Constitution et au principe d'égalité devant les charges publiques, elle n'a pas articulé ce moyen dans un mémoire distinct ; que son moyen est par suite irrecevable et ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la SOCIETE ING DIRECT NV et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE ING DIRECT NV est rejetée.

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N° 11VE02595


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