Vu le recours, enregistré le 18 avril 2011, présentée pour le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0813415 en date du 17 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé l'association Charisma Plein Evangile des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt et des majorations y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002, 2003 et 2004, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ;
2° de rejeter la demande de première instance de l'association Charisma Plein Evangile ;
Il soutient que :
- il n'existe aucune disposition législative qui tendrait à établir un régime fiscal spécifique visant les associations cultuelles ;
- l'association Charisma Plein Evangile ne peut être regardée comme ayant une gestion désintéressée dès lors que les rémunérations de ses dirigeants excèdent les trois quarts du SMIC et que les dirigeants cumulent des fonctions salariées avec des mandats électifs ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 décembre 2013 :
- le rapport de M. Luben, président assesseur ;
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public ;
- et les observations de Me A...pour l'association Charisma Plein Evangile ;
1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'association Charisma Plein Evangile est une association cultuelle dont l'objet est, selon ses statuts, de subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte chrétien et à la divulgation de l'évangile ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le caractère non lucratif de l'activité qu'elle exerce et a engagé une procédure de rectification au titre de l'impôt sur les sociétés et de la contribution complémentaire à l'impôt sur les sociétés pour les années 2002, 2003 et 2004 et de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ; que le Tribunal administratif de Montreuil, par le jugement attaqué en date du 17 décembre 2010, l'a déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt et des majorations y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002, 2003 et 2004, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " Sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet (...) toutes (...) personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif " ; qu'aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) b Les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée (...) / d Le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : / - l'organisme doit être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation ; / - l'organisme ne doit procéder à aucune distribution directe ou indirecte de bénéfice, sous quelque forme que ce soit ; / - les membres de l'organisme et leurs ayants droit ne doivent pas pouvoir être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports ( ...) " ; que pour l'application de ces dispositions, les associations ne sont exclues du champ de l'impôt sur les sociétés et exonérées de taxe sur la valeur ajoutée que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que, toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre ; qu'enfin, si le versement de rémunérations aux dirigeants d'une association ne fait pas obstacle en soi au caractère désintéressé de sa gestion, les rémunérations versées doivent être proportionnées aux ressources de l'association et constituer la contrepartie des sujétions effectivement imposées à ses dirigeants dans l'exercice de leur mandat ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les cinq membres du conseil d'administration de l'association requérante percevaient en 2003 un salaire brut mensuel d'un montant respectif de 3 422 euros, 1 370 euros, 1 397 euros, 1 066 euros et 1 257 euros, pour des fonctions de président, vice-président, trésorier, trésorier et secrétaire mais également de ministres du culte, et que quatre d'entre eux disposaient d'un contrat à durée indéterminée, également en qualité de ministres du culte ; que l'ensemble de ces rémunérations, hors les avantages en nature lesquels consistaient pour le président de l'association en un logement et en une voiture de fonction, s'élèvent environ à 102 000 euros pour l'année 2003, sans que ces montants aient été sensiblement différents pour les autres années en litige ; que si les rémunérations ainsi versées dépassent le plafond de trois quarts du SMIC et sont indexées sur la croissance de l'association, cette circonstance ne permet pas à elle seule de considérer que la gestion de l'association aurait été intéressée dès lors qu'elles constituent la contrepartie des sujétions effectivement imposées aux dirigeants de l'association dans l'exercice de leurs mandats et surtout des fonctions cultuelles qu'ils exercent par ailleurs et qu'elles sont proportionnées aux ressources de l'association, lesquelles s'élevaient respectivement à 1 147 547 euros, 1 846 433 euros et 2 521 870 euros pour les années 2002, 2003 et 2004 ; que, par suite, le versement de ces rémunérations ne fait pas obstacle au caractère désintéressé de l'association requérante ;
4. Considérant, d'autre part, que la prise en charge de frais relatifs au séjour en France de pasteurs étrangers ne permet pas davantage de considérer que la gestion de l'association est intéressée ; que les dons aux églises étrangères correspondent aux statuts ; que l'activité d'édition, de vente de cours, d'enseignements bibliques et de séminaires réalisée par l'association Editions Charisma, qui se limite à un prolongement des activités cultuelles de l'association Charisma Plein Evangile, ne peut être regardée, eu égard au marché particulier des produits proposés à la vente, comme entrant en concurrence avec des activités exercées par des entreprises commerciales ; qu'au demeurant, le montant des sommes versées par l'association Editions Charisma à l'association Charisma Plein Evangile est peu élevé et représente un très faible pourcentage des ressources totales de l'association Charisma Plein Evangile ;
5. Considérant, enfin, que si les statuts de l'association prévoient, aux articles 7 et 11, que " l'assemblée générale est composée du collège des membres de droit ", lesquelles sont " les personnes occupant les fonctions bibliques de pasteur, ministre, responsable de département ", qui " sont membres de droit en raison de leur fonction. Les salariés de l'association sont également membres de droit en leur qualité de salariés ", et que les " membres actifs " et les " usagers " ne sont pas convoqués à l'assemblée générale, il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait un lien entre le caractère centralisé d'un tel mode de gouvernance et le caractère prétendument intéressé de la gestion pratiquée par l'association ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 17 décembre 2010, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé l'association Charisma Plein Evangile des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à cet impôt et des majorations y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2002, 2003 et 2004, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2004 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à l'association Charisma Plein Evangile de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'association Charisma Plein Evangile au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11VE01408 2