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05/11/2013 | FRANCE | N°12VE01325

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 05 novembre 2013, 12VE01325


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril 2012 et 19 mars 2013, présentés pour M. B...A..., demeurant..., par Me Dusen, avocat ; M. A...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1104947 en date du 17 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 13 mai 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel il pourra êtr

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2° d'annuler, pour excès de pou...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 avril 2012 et 19 mars 2013, présentés pour M. B...A..., demeurant..., par Me Dusen, avocat ; M. A...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1104947 en date du 17 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 13 mai 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 794 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, en contrepartie de la renonciation de ce dernier à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il dispose de nombreux liens privés et familiaux en France où il est parfaitement intégré ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé ;

- ladite décision est insuffisamment motivée en droit et en fait au regard des exigences posées par les articles 7 et 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étant, sur ce point, contraire aux objectifs de cette directive ;

- la mesure d'éloignement en cause méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle avant de fixer à un mois le délai de départ volontaire et n'a pas motivé le choix de ce délai ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en effet, il encourt des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays en raison de son engagement et celui de sa famille en faveur de la cause kurde ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2013 le rapport de M. Huon, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité turque, né le 24 juin 1987, fait appel du jugement du 17 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 13 mai 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit à l'expiration de ce délai ;

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 visée ci-dessus : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " et que l'article 3 de cette loi dispose que : " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

3. Considérant que la décision attaquée mentionne que M.A..., qui a sollicité son admission au séjour le 25 mars 2010 dans le cadre des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement dès lors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 mai 2010 et par la Cour nationale du droit d'asile le 21 février 2012 ; que cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, si le préfet a, par ailleurs, examiné la possibilité de régulariser la situation de l'intéressé, il n'était pas tenu de motiver spécialement sa décision au regard d'un autre fondement que celui invoqué dans la demande qui lui était soumise ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

5. Considérant que M. A...soutient qu'il est parfaitement intégré en France où vivent plusieurs de ses oncles et cousins et qu'il maîtrise le français ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est entré sur le territoire national qu'en 2010, à l'âge de vingt-deux ans, de sorte qu'il ne saurait s'y prévaloir d'une insertion ancienne et stable ; que, en outre, alors qu'il n'est pas contesté, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, qu'il est célibataire et sans charges de famille, le requérant n'établit ni même n'allègue sérieusement qu'il serait dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ni qu'il ne pourrait normalement y poursuivre sa vie privée voire, le cas échéant, y fonder une cellule familiale ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale au vu des buts poursuivis, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, que M. A... n'établit pas que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour serait illégale ; que dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision soulevé à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative qui refuse la délivrance (...) d'un titre de séjour à un étranger (...) pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 de la directive 2008/115/CE susvisée du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent les motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles (...) " ; que le délai imparti aux Etats membres pour transposer ladite directive expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010 ;

8. Considérant, d'une part, que l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008, laquelle n'avait pas été transposée par la France dans le délai imparti, énonce des obligations en termes non équivoques, qui ne sont assorties d'aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des Etats membres ; que, toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne peut prendre une décision obligeant un étranger à quitter le territoire français sans lui avoir, dans la même décision, refusé, de manière explicite et motivée, un titre de séjour ; qu'ainsi, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement, n'implique pas, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences des dispositions de la directive du 16 décembre 2008 ;

9. Considérant, d'autre part, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la décision du 13 mai 2011 par laquelle le préfet du Val-d'Oise a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... est suffisamment motivée ; qu'en outre, la décision obligeant le requérant à quitter le territoire français vise le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, cette mesure satisfait aux exigences de motivation posées par l'article 12 précité de la directive du 16 décembre 2008 ;

10. Considérant, en troisième lieu, que pour les motifs énoncés au point 5, la mesure d'éloignement en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision fixant à un mois le délai de départ volontaire :

11. Considérant que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile accordent, de façon générale, un délai d'un mois pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, conformément à l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 qui fixe à trente jours le délai devant, en principe, être laissé pour un départ volontaire ; que, par suite, alors même que ni les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article 7 de la directive ne font obstacle à ce que le délai de départ volontaire soit prolongé, le cas échéant, d'une durée appropriée pour les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde ce délai d'un mois, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande en ce sens ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui, au demeurant, a examiné la situation personnelle et familiale du requérant, se serait à tort abstenu d'envisager d'accorder un délai de départ volontaire d'une durée supérieure à trente jours ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

13. Considérant que M. A...soutient qu'il encourt des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays en raison de son engagement et celui de sa famille en faveur de la cause kurde ; que, toutefois, les explications fournies par l'intéressé, tant sur l'aide qu'il aurait apportée à un combattant du parti dénommé PKK, blessé et malade, au cours des mois d'avril et mai 2009 que sur les circonstances exactes qui auraient conduit les autorités turques à le soupçonner et à lancer contre lui des recherches ainsi qu'une procédure judiciaire, ne sont pas de nature, eu égard à leur caractère très peu circonstancié, à établir la réalité des faits ainsi allégués ; qu'en outre, si le requérant fait état d'évènements remontant aux années 2000 et 2001, notamment une détention de son père et le décès de deux cousines, combattantes du parti dénommé PKK, ces seuls faits, qui seraient survenus alors qu'il n'était âgé que de treize ans n'ont pas à l'évidence, même à les supposer établis, déterminé son départ de Turquie et ne sauraient, en tout état de cause, justifier ses craintes actuelles ; qu'enfin, la circonstance que des membres de la famille du requérant aient obtenu le statut de réfugié en France ne suffit pas à démontrer qu'il ferait personnellement l'objet de persécutions ; que, dans ces conditions, M. A..., dont, au surplus, la demande d'asile a été récemment rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile sur la base des mêmes faits, n'établit pas qu'en décidant qu'il pourrait être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité, le préfet aurait méconnu les stipulations et dispositions précitées ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions du requérant aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent également qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE01325
Date de la décision : 05/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : DUSEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-11-05;12ve01325 ?
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