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17/10/2013 | FRANCE | N°12VE03406

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 17 octobre 2013, 12VE03406


Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2012, présentée pour la SOCIETE NOUVELLE DE GESTION CYRANO, dont le siège est c/o Gie Socogex au 7 rue Rameau à Versailles (78000), par Me Poirier, avocat ; la SOCIETE NOUVELLE DE GESTION CYRANO demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0808903 du 24 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1997 ;

2° de

prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;...

Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2012, présentée pour la SOCIETE NOUVELLE DE GESTION CYRANO, dont le siège est c/o Gie Socogex au 7 rue Rameau à Versailles (78000), par Me Poirier, avocat ; la SOCIETE NOUVELLE DE GESTION CYRANO demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0808903 du 24 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1997 ;

2° de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

La société soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur plusieurs moyens ;

- le tribunal a méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve ;

- l'administration devait lui accorder les garanties afférentes à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- s'agissant du caractère anormal de l'abandon de créance, l'argument de l'administration selon lequel il n'existe pas de lien juridique entre la Sarl Seco et les membres du GIE Socogex ne répond pas à la notion de groupe familial ; sont en cause des sociétés sans lien juridique mais unies par les mêmes associés personnes physiques et le même objet et présentant donc un intérêt patrimonial pour la requérante, laquelle justifie également d'un intérêt pour le groupement d'intérêt économique (GIE) à procéder à l'abandon litigieux ;

- l'instruction 4 A-7-83 n°21 du 22 août 1983 est opposable à l'administration et conduit à reconnaître un intérêt à l'abandon de créance consenti ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2013 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de Me Poirier pour la SOCIETE NOUVELLE DE GESTION CYRANO ;

1. Considérant que le groupement d'intérêt économique (GIE) Socogex a été constitué en vue de mettre en commun les moyens nécessaires à l'activité de ses membres, lesquels exploitent des salles de cinéma ; que, du 11 au 19 décembre 2000, le GIE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 1996 au 30 septembre 1999 ; que, par une notification de redressement en date du 22 décembre 2000, l'administration fiscale a estimé que l'abandon de créance consenti à la Sarl Seco d'un montant de 2 400 000 francs (365 878 euros) constituait un acte anormal de gestion au titre de l'exercice clos en 1997 ; que les redressements ont fait l'objet d'une notification adressée à chacun des membres du GIE le 30 novembre 2001 ; que la SOCIETE NOUVELLE DE GESTION CYRANO, membre dudit groupement, a présenté une réclamation, soumise d'office au Tribunal administratif de Versailles, tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés résultant au titre de l'exercice clos en 1997 de ce redressement ; qu'elle relève appel du jugement du 24 juillet 2012 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de la société requérante, ont répondu de manière circonstanciée aux moyens invoqués ; qu'ainsi le jugement attaqué est suffisamment motivé et n'est entaché d'aucune omission à statuer ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; que la notification de redressement du 22 décembre 2000 adressée au GIE indique la nature du redressement envisagé, son montant, l'impôt concerné et l'année d'imposition ; que ce document expose les motifs pour lesquels le service considère que l'abandon de créance litigieux constitue un acte anormal de gestion non déductible, et mentionne au surplus les articles du code général des impôts concernés ; qu'il a permis au GIE de présenter ses observations le 17 janvier 2001 ; que la notification de redressement en date du 30 novembre 2001 adressée à la société, qui précise qu'elle est consécutive à la vérification de comptabilité du GIE, mentionne également l'impôt et le montant du redressement, correspondant à sa quote-part du redressement notifié au GIE et à sa quote-part résultant de sa participation dans la SNC Roxane, indique la nature du redressement et fait référence à la notification de redressement adressée au GIE Socogex ; que ces indications mettaient la redevable à même de demander la communication de la notification de redressement adressée au GIE et lui permettaient de présenter utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait le 13 décembre 2001 ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit donc être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) / b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. " ; que, dans la notification de redressement du 22 décembre 2000, l'administration a fait valoir que l'abandon de créance consenti par le GIE Socogex au profit de la Sarl Seco constituait un acte anormal de gestion sans, même implicitement, invoquer les dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales relatives à l'abus de droit, et en a refusé la déductibilité sur le fondement de l'article 39-1 du code général des impôts ; que si ce document relève que cet abandon permettait à la Sarl Seco d'imputer sur l'exercice 1997 un déficit ordinaire de 362 129 euros qui n'aurait plus été reportable au-delà de cette période, le service n'a pas, ce faisant, entendu soutenir que le GIE poursuivait un but exclusivement fiscal mais s'est borné à mettre en évidence un intérêt étranger à l'exploitation pour le GIE ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la société se plaint de ne pas avoir bénéficié d'un débat contradictoire du fait du défaut de motivation de la notification de redressements et de l'absence de mise en oeuvre de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte de ce qui précède que ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Considérant, en premier lieu, que si, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, le bénéfice net imposable est déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature faites par une entreprise et sous déduction de toutes charges supportées par celle-ci, ces opérations et ces charges ne doivent être prises en compte que si et dans la mesure où elles correspondent à une gestion commerciale normale ; que les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d'un tiers ou la renonciation à percevoir des recettes ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion anormale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances ou d'intérêts consenti par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ; qu'en rappelant ces principes, sur lesquels il s'est fondé, le tribunal n'a pas méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que pour justifier de l'intérêt du GIE Socogex à l'abandon de créance accordé, par un protocole en date du 5 novembre 1996, au profit de la Sarl Seco, la requérante a invoqué l'existence d'un groupe familial constitué du GIE Socogex, de ses membres et de la Sarl Seco dès lors que ces entités ont des associés communs entretenant des liens de parenté ; que, toutefois, ainsi que l'ont considéré à juste titre les premiers juges, l'existence d'un tel groupe n'est pas de nature à établir que le GIE Socogex, personne morale distincte, aurait eu un intérêt propre à procéder à l'abandon de créance litigieux ; que si la société requérante soutient également que le GIE Socogex avait un intérêt propre à éviter la mise en liquidation judiciaire de la Sarl Seco afin de ne pas ternir l'image et la crédibilité du groupe, elle ne démontre pas, en l'absence de relations commerciales entre le GIE et la Sarl Seco et alors que l'activité de celle-ci est étrangère au domaine cinématographique, qu'une procédure collective ouverte à l'encontre de cette société serait susceptible de rejaillir sur le renom du GIE ni même d'ailleurs sur celui de ses membres ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la requérante fait valoir que la Sarl Seco étant en situation de cessation de paiements et de déficit permanent, le GIE Socogex avait intérêt à obtenir le remboursement intégral de sa créance plutôt qu'un remboursement partiel et définitif qui aurait résulté de la liquidation de la Sarl Seco ; qu'à supposer toutefois que le protocole d'abandon de créance signé le 5 novembre 1996 entre le GIE Socogex et la Sarl Seco, dont le texte ne contient aucune clause de retour à une meilleure fortune ni de condition suspensive à cet abandon, puisse être regardé comme assorti, comme le mentionne le rapport de gestion de la Sarl Seco en date du 24 juin 1997, d'une réserve de retour à meilleure fortune, le ministre, s'appuyant sur ce même rapport de gestion, fait valoir sans être contredit que les difficultés financières de la Sarl Seco résultaient d'un défaut de paiement des loyers par la société Coté Forme, à l'encontre de laquelle une action judiciaire avait été engagée, et que la locataire envisageait de céder son fonds de commerce et de s'acquitter ainsi d'une grande partie de sa dette ; qu'il suit de là, ainsi que le fait valoir le ministre, que le GIE avait intérêt à attendre l'issue de la procédure engagée à l'encontre de la locataire, à l'origine des difficultés financières dont s'agit ; que, dans ces conditions, les contreparties alléguées à cet abandon ne sont pas de nature à lui conférer un intérêt ; qu'un tel intérêt n'est pas davantage établi par la circonstance, postérieure à cet abandon, que le GIE a ultérieurement recouvré sa créance ;

9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que c'est inutilement que la requérante suggère que l'abandon de créance ne présente pas de caractère abusif dès lors qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, l'administration a prononcé le redressement sur le terrain de l'acte anormal de gestion et non de l'abus de droit ; qu'elle ne peut davantage utilement invoquer les dispositions de l'article 39-8 du code général des impôts postérieures au présent litige et inapplicables en l'espèce ; qu'enfin, si le tribunal relève de manière surabondante l'absence d'incidence de ces liens sur le régime fiscal des entités susmentionnées, il n'a pas pour autant entendu subordonner la démonstration de l'existence d'un intérêt du GIE à la circonstance que le groupe invoqué soit placé sous le régime de l'intégration fiscale ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré, sur le terrain de la loi fiscale, que l'administration apportait la preuve du caractère anormal de l'abandon de créance litigieux ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

11. Considérant qu'en l'absence d'appartenance au même groupe que la Sarl Seco et de relations commerciales avec celle-ci, la société requérante ne peut utilement invoquer l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et l'instruction 4 A-7-83 n° 21 du 22 août 1983 pour soutenir qu'un abandon de créance ou une subvention accordé par une société à une filiale ou une société soeur afin de conserver ses débouchés présenterait un caractère normal ; qu'au demeurant, ladite instruction ne contient sur ce point aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il est fait application ; qu'il en est de même de ses paragraphes 104 à 108 ; qu'enfin, à supposer qu'elle ait entendu soulever ce moyen, la requérante ne peut davantage utilement invoquer la documentation administrative de base 4 A-215 n° 20 mise à jour le 9 mars 2001, postérieure à l'imposition en litige et au surplus relative à la possibilité de constituer une provision et donc inopérante en l'espèce ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se fonder sur les éléments contenus dans le dernier mémoire, enregistré le 26 septembre 2013, produit par l'administration, que la SOCIETE NOUVELLE DE GESTION CYRANO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui se sont substituées à celles de l'article L. 8 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel invoquées par la requérante, font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SOCIETE NOUVELLE DE GESTION CYRANO la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE NOUVELLE DE GESTION CYRANO est rejetée.

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N° 12VE03406 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03406
Date de la décision : 17/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : POIRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-10-17;12ve03406 ?
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