Vu la requête, enregistrée le 17 février 2012, présentée pour la SOCIETE GENERALE DES TRAVAUX EUROPEENS (SGTE), dont le siège social est situé 29 boulevard Exelmans à Paris (75016), par Me Wilner, avocat ;
La SOCIETE GENERALE DES TRAVAUX EUROPEENS demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0806502 du 15 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Office Public d'aménagement et de construction Interdépartemental de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines (Opievoy) à lui verser la somme de 1 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du marché n° 160 TCE 04, et de 891 480,62 euros au titre du préjudice subi du fait du rejet de ses candidatures et offres sur plusieurs appels d'offres de l'Opievoy et la somme de 450 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte à sa réputation ;
2° de condamner l'Opievoy à lui verser la somme de 1 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du marché n° 160 TCE 04 et de 891 480,62 euros au titre du préjudice subi du fait du rejet de ses candidatures et offres sur plusieurs appels d'offres de l'Opievoy et la somme de 450 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte à sa réputation ;
3° de mettre à la charge de l'Opievoy la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4° de condamner l'Opievoy aux entiers dépens ;
La SOCIETE GENERALE DES TRAVAUX EUROPEENS soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision de résilier le contrat litigieux était fondée sur son refus de fournir à l'Opievoy les documents mentionnés à l'article 6.6 du cahier des clauses administratives particulières malgré plusieurs mises en demeure ;
- la résiliation du marché, fondée sur le recours à la sous-traitance et la commission d'une infraction relative au travail dissimulé lesquels ne sont pas démontrés, est abusive ;
- l'Opievoy ne justifie pas davantage la résiliation sur " l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé, du fait de la mauvaise volonté de la société SGTE, de s'assurer de la régularité de son propre chantier " ;
- les décisions de rejet de candidatures et d'offres de la SGTE pour différents appels d'offres de l'Opievoy sont fondées sur des motifs fantaisistes et dépourvus de tout fondement et méconnaissent l'article 52 du code des marchés publics puisque seules les capacités financières, professionnelles et techniques auraient dû être retenues au niveau de l'examen des candidatures ;
- concernant la résiliation, le préjudice s'élève à la somme de 1 200 000 euros correspondant au bénéfice escompté ;
- concernant l'éviction irrégulière aux appels d'offres, le montant des pertes s'élève à la somme de 891 480,62 euros en référence à une marge moyenne de 23 % ;
- le comportement de l'Opievoy a contribué à entacher la réputation de l'entreprise qui a subi un préjudice qui s'élève à la somme 450 000 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :
- le rapport de Mme Mégret, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Besson-Ledey, rapporteur public,
- et les observations de la SCP Vaillant et associés pour l'Opievoy ;
1. Considérant que par acte d'engagement du 21 octobre 2004, l'Office Public d'aménagement et de construction Interdépartemental de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines (Opievoy) a conclu un marché de travaux avec la SOCIETE GENERALE DES TRAVAUX EUROPEENS (SGTE) pour la remise en état de logements vacants dans des immeubles et résidences de ses agences de Trappes-Plaisir et de Mantes-la-Jolie-Les Mureaux ; que l'Opievoy a résilié le marché pour faute par une décision du 22 avril 2005 et a rejeté les candidatures présentées par la SGTE à l'occasion de six appels d'offres ouverts lancés en 2005 et 2006 ; que la SGTE a saisi le tribunal de commerce de Versailles le 19 décembre 2006 d'une demande en réparation tendant à la condamnation de l'Opievoy à lui verser la somme de 1 200 000 euros correspondant au préjudice subi du fait de la résiliation du marché, d'une demande en réparation d'un montant de 891 480,62 euros correspondant au préjudice résultant de son éviction irrégulière de six appels d'offres, d'une demande en réparation de 450 000 euros correspondant au préjudice moral subi du fait du comportement de l'Opievoy ; que ce tribunal s'est déclaré incompétent le 19 mars 2008 ; que le 2 juillet 2008, la société a saisi le Tribunal administratif de Versailles des mêmes demandes lequel, par un jugement rendu le 15 décembre 2011, les a rejetées ; que la SGTE relève régulièrement appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 49 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG), applicable au marché, dans sa rédaction alors en vigueur : " 49.1. A l'exception des cas prévus au 22 de l'article 15 et au 16 de l'article 46, lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. (...) 49.2. Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée, ou la résiliation du marché peut être décidée. (...) 49.4. La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être, soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. (...) " ; que les articles 3.6 et 3.6.1 du cahier des clauses administratives particulières imposent au titulaire du marché en cas de recours à un sous-traitant de le déclarer en vue de son agrément par le maître de l'ouvrage en fournissant un certain nombre de documents ; que, notamment, l'article 6.6 de ce cahier, relatif aux mesures d'ordre social - application de la règlementation du travail, impose à l'entreprise attributaire et à ses sous-traitants de tenir à disposition sur le chantier un état nominatif du personnel présent ainsi qu'une copie des titres de travail des salariés étrangers hors Union Européenne et des déclarations préalables à l'embauche ; qu'enfin, l'article 10.1 du même cahier dispose que : " Le marché peut être résilié de plein droit, au gré de l'Office et sans que l'entrepreneur ou les ayants droits puissent prétendre à une indemnité quelconque conformément au chapitre VI du CCAG : f) en cas de sous-traitance (...) sans que l'Office soit prévenu, g) dans tous les autres cas où l'entrepreneur ne s'est pas conformé aux stipulations du marché (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par plusieurs courriers en date des 15 et 17 février 2005 et 18 mars 2005, l'Opievoy a informé la SGTE qu'il avait relevé qu'elle n'avait pas respecté les règles relatives à la sous-traitance et au travail dissimulé sur les sites de Plaisir et de Trappes, en l'absence de déclaration et de communication des documents requis comme la fourniture de l'état nominatif du personnel travaillant sur les sites et les copies des titres de travail et déclarations d'embauche prévues par l'article 6.6 du cahier des clauses administratives particulières ; qu'il l'a mise en demeure de mettre fin à ces manquements, mais, constatant que ces manquements n'avaient pas cessé et que l'état nominatif du personnel produit par la société était incomplet, il a, pour ces motifs, par une lettre en date 22 avril 2005, résilié le marché confié à la SGTE sans indemnité ; que la SGTE qui soutient qu'aucun sous-traitant n'intervenait sur les chantiers mais reconnaît avoir fait travailler des salariés n'appartenant pas à sa société par le biais de conventions de prêt de main d'oeuvre, n'établit pas avoir transmis les documents requis par le cahier des clauses administratives particulières et n'a ainsi pas mis l'Opievoy en mesure de vérifier qu'elle respectait la réglementation du travail et ses engagements contractuels définis aux articles 3.6 et 6.6 du cahier des clauses administratives particulières qui s'inscrivent dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé ; que ces manquements graves étaient de nature à justifier la résiliation du marché en litige ; que, dès lors, les conclusions de la SGTE tendant à ce que l'Opievoy soit condamné à lui verser la somme de 1 200 000 euros pour rupture abusive de son marché ne peuvent qu'être rejetées ;
4. Considérant qu'aux termes de l'alinéa II de l'article 59 du code des marchés publics, applicable au marché : " La commission d'appel d'offres ouvre l'enveloppe relative aux candidatures et en enregistre le contenu. Au vu de ces renseignements, la personne responsable du marché après avis de la commission d'appel d'offres pour l'Etat, ou la commission d'appel d'offres pour les collectivités territoriales élimine, par décision prise avant l'ouverture de l'enveloppe contenant l'offre, les candidatures qui, en application du premier alinéa de l'article 52 ne peuvent être admises " ; qu'aux termes de l'article 52 du même code : " (...) Les candidatures qui ne sont pas recevables en application des articles 43, 44 et 47, qui ne sont pas accompagnées des pièces mentionnées aux articles 45 et 46 ou qui ne présentent pas des garanties techniques et financières suffisantes ne sont pas admises. Pour les appels d'offres et les concours restreints, si le nombre de candidatures admises est supérieur au nombre préalablement indiqué des candidats qui seront autorisés à présenter une offre, les candidatures sont sélectionnées au terme d'un classement prenant en compte les garanties et capacités techniques et financières ainsi que les références professionnelles des candidats. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la commission d'appel d'offres ne peut se fonder uniquement sur les seuls manquements allégués d'une entreprise dans l'exécution de précédents marchés, sans rechercher si d'autres éléments du dossier de candidature de la société permettent à celle-ci de justifier de telles garanties ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour écarter la candidature de la SGTE pour les appels d'offres des 21 juillet 2005, 30 novembre 2005, 15 décembre 2005, 9 mars 2006, 19 avril 2006 et 4 mai 2006, la commission d'appel d'offres s'est bornée à rejeter chacune des candidatures de la société en faisant état de " l'insatisfaction rencontrée au cours de l'exécution d'un précédent marché " et a indiqué à chaque fois qu'elle retournait l'enveloppe non ouverte ; qu'elle n'a dès lors pas recherché si d'autres éléments des dossiers permettaient à la SGTE de justifier des garanties requises par les dispositions précitées ; qu'elle a ainsi entaché chacune de ses décisions d'une erreur de droit ; qu'il en résulte que la SGTE est fondée à soutenir que l'Opievoy a méconnu les dispositions de l'article 52 du code des marchés publics et qu'elle a été irrégulièrement évincée des procédures d'attribution afférentes à ces appels d'offres ;
6. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter ce marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;
7. Considérant qu'en se bornant à soutenir qu'elle a été irrégulièrement évincée des appels d'offres en litige sans démontrer qu'elle n'était pas dépourvue de toute chance d'obtenir les marchés précités, la SGTE n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation du manque à gagner à hauteur de 891 480,62 euros qu'elle escomptait de ces marchés ; qu'elle n'est pas davantage fondée à solliciter l'indemnisation de l'atteinte à sa réputation dont elle aurait été victime du fait des agissements de l'Opievoy dès lors, d'une part, qu'elle ne démontre pas son affaiblissement sur le marché, et, d'autre part, que la résiliation du marché était fondée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SGTE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Opievoy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SGTE et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SGTE la somme que réclame l'Opievoy au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE GENERALE DES TRAVAUX EUROPEENS est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Office Public d'aménagement et de construction Interdépartemental de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines (Opievoy) présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 12VE00585 2