Vu le recours, enregistré le 16 novembre 2012, du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :
1° d'annuler l'article 1er du jugement n° 1109649 du 19 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes auxquels la société Federal Finance Banque a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 à raison des commissions perçues en rémunération de son activité de gestion de portefeuille ;
2° de remettre à la charge de la société les impositions dont le tribunal a ainsi prononcé la décharge, en droits et pénalités, soit un montant de 281 449 euros ;
Il soutient que :
- le 29 juillet 2012 (affaire 44/11) la Cour de justice de l'Union européenne a rendu à titre préjudiciel un arrêt qui conforte la position de l'administration ;
- le tribunal a dénaturé et inexactement qualifié les faits et commis une erreur de droit en jugeant que les opérations de gestion de portefeuille sous mandat réalisées par la société Federal Finance Gestion constituaient des opérations sur titre exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 261 c-1° e du code général des impôts alors que l'activité de gestion de portefeuille sous mandat ne saurait être limitée à une simple activité d'achats et de ventes d'instruments et d'actifs financiers et ne saurait, par suite, être considérée comme consistant en des opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et obligations du mandant sur des titres ;
- le jugement ne respecte pas le principe, issu de la jurisprudence communautaire, selon lequel, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les exonérations sont d'interprétation stricte ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 juillet 2012 C-44/11 " Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst contre Deutsche Bank AG " ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :
- le rapport de M. Delage, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;
1. Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel du jugement du 19 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes auxquels la société Federal Finance Banque a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 à raison des commissions perçues en rémunération de son activité de gestion de portefeuille ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne les conclusions du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, dont les dispositions reprennent celles de l'article 13 B de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977: " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes: (...) f) les opérations, y compris la négociation mais à l'exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres, à l'exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l'article 15, paragraphe 2 ; g) la gestion de fonds communs de placement tels qu'ils sont définis par les États membres ; (...) " ; que l'article 261 C du code général des impôts dispose : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : (...) e. Les opérations, autres que celles de garde et de gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par mandats de gestion d'actifs financiers, dont la société a produit un exemplaire, les clients chargeaient la société Federal Finance Banque de gérer leurs avoirs constitués notamment en espèces, valeurs mobilières, parts de fonds communs de placement ou autres titres et produits financiers en tenant compte du profil de placement et de l'orientation choisis parmi ceux proposés ; que, dans le cadre de cette stratégie de placement, la société Federal Finance Banque se voyait reconnaître toute liberté pour l'exécution de l'obligation de moyens mise à sa charge ; qu'elle pouvait ainsi, de sa propre initiative, notamment négocier des valeurs mobilières françaises et étrangères sur les marchés au comptant et procéder à l'achat et la vente d'actions, de SICAV ou de parts de fonds communs de placement ; que la commission perçue au titre de la gestion financière, calculée par application d'un barème, était basée sur la valeur estimative des titres au 31 décembre de chaque année ;
4. Considérant que la prestation de gestion de portefeuille réalisée par la contribuable était ainsi composée d'une prestation d'analyse et de surveillance du patrimoine du client investisseur, d'une part, et d'une prestation d'achat et de vente de titres proprement dite, d'autre part ; que, dans les conditions sus-décrites, ces deux éléments de la prestation de gestion de portefeuille sont l'un et l'autre indispensables pour la réalisation de la prestation globale et sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ; que si les seules prestations d'achat et de vente de titres sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive susvisée, il n'en va, en revanche, pas de même des prestations d'analyse et de surveillance du patrimoine qui ne supposent pas nécessairement la réalisation d'opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et les obligations des parties sur des titres ; que dès lors, la prestation ne pouvant être prise en compte que dans son ensemble, elle n'entre pas dans les prévisions de l'article 13 B de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ou du f) de l'article 135, paragraphe 1 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ni dans celles des dispositions précitées du e) de l'article 261 C 1) du code général des impôts, aux fins d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ; que le principe de neutralité fiscale, qui constitue un principe d'interprétation devant être appliqué parallèlement au principe selon lequel les exonérations sont d'interprétation stricte, ne permet pas d'étendre le champ d'application des dispositions d'exonération en litige telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt susvisé du 19 juillet 2012 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société la décharge de la taxe en litige ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé dans cette mesure, sans qu'il soit besoin de statuer sur la contestation subsidiaire du ministre relative à l'exigence de factures rectificatives aux fins de restitution de la taxe ; qu'il en résulte que le ministre est également fondé à demander que les imposition en litige soient remises à la charge de la contribuable ;
En ce qui concerne les conclusions par voie d'appel incident :
6. Considérant que la société Federal Finance Banque demande l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué par lequel le tribunal a considéré que les prestations de gestion sous mandat assumées par la requérante au titre du contrat de délégation de moyens conclu avec la société Federal Finance Gestion devaient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des prestations de gestion de fonds communs de placement auraient été déléguées dans ce cadre, il ressort de l'arrêt rendu ce jour par la Cour de céans dans l'instance n° 12VE03261 que les prestations de gestion de portefeuille sous mandat effectuées par Federal Finance Gestion n'étaient pas exonérées ; qu'il suit de là que les prestations de gestion de portefeuilles réalisées dans le cadre de la délégation de moyens invoquée ne pouvait pas davantage être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que le tribunal aurait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et commis une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Federal Finance Banque la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les rappels, en droits et pénalités, de taxe sur la valeur ajoutée dont le tribunal a accordé la décharge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 à raison de commissions perçues en rémunération de son activité de gestion de portefeuille sont remis à la charge de la société Federal Finance Banque.
Article 2 : Les conclusions de la société Federal Finance Banque sont rejetées.
Article 3 : Le jugement n° 1109649 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 19 juillet 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 12VE03919 2