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03/10/2013 | FRANCE | N°12VE03340

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 03 octobre 2013, 12VE03340


Vu le recours, enregistré le 19 septembre 2012, du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1104262 du 7 juin 2012 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société Covea Finance a été assujettie sur les prestations de gestion de titres qu'elle a effectuées pour le compte des clients autres que des SICAV pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ;

2° de remettre à la charge

de la société les impositions contestées à concurrence de la décharge prono...

Vu le recours, enregistré le 19 septembre 2012, du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1104262 du 7 juin 2012 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société Covea Finance a été assujettie sur les prestations de gestion de titres qu'elle a effectuées pour le compte des clients autres que des SICAV pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ;

2° de remettre à la charge de la société les impositions contestées à concurrence de la décharge prononcée à tort soit pour un montant de 345 664 euros en principal ;

Il soutient que :

- à titre liminaire, le 29 juillet 2012 (affaire 44/11) la Cour de justice de l'Union européenne a rendu à titre préjudiciel un arrêt qui conforte la position de l'administration ;

- le tribunal a dénaturé et inexactement qualifié les faits et commis une erreur de droit en jugeant que les opérations de gestion de portefeuille sous mandat réalisées par la SA MMA Finance pour le compte de sociétés d'assurance constituaient des opérations sur titres exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 261 C-1° e du code général des impôts alors que l'activité de gestion de portefeuille sous mandat ne saurait être limitée à une simple activité d'achats et de ventes des d'instruments et d'actifs financiers et ne saurait, par suite, être considérée comme consistant en des opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et obligations du mandant sur des titres ; elle consiste en effet davantage en des services de gestion accompagnant le commerce des titres ; le jugement méconnaît le principe communautaire selon lequel les exonérations sont d'interprétation stricte ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que ces mêmes opérations de gestion de portefeuille sous mandat réalisées par la SA MMA Finance pour le compte de sociétés d'assurance pouvaient bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 261 B du code général des impôts au seul motif que la société n'était pas assujettie à la taxe sur plus de 20% de ses recettes sans avoir examiné si les autres conditions tenant à l'application de cette exonération étaient satisfaites, ce qui n'avait pas été établi par la requérante, et ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 juillet 2012 C-44/11 " Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst contre Deutsche Bank AG " ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Covea Finance ;

1. Considérant que la société MMA Finance, qui exerçait une activité de gestion de portefeuilles de titres et d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, à l'issue de laquelle l'administration a procédé à des rappels de taxe sur les prestations qu'elle avait exercées au titre de cette activité, dont la société Covea Finance, venant au droits de la société MMA Finance, a demandé la décharge ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles la contribuable a été assujettie sur les prestations de gestion de titres qu'elle a effectuées pour le compte de SICAV et de sociétés d'assurance pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ; que le ministre, qui admet l'exonération de taxe des prestations réalisées pour les SICAV, demande à la Cour d'annuler ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la société Covea Finance a été assujettie sur les prestations de gestion de titres qu'elle a effectuées pour le compte des clients autres que des SICAV pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant que la contribuable fait valoir que pour refuser le bénéfice de l'article 261 B du code général des impôts, tant au cours des opérations de contrôle que lors de la procédure de rectification, le service avait opposé le seul motif tiré de ce que le pourcentage de recettes imposables par rapport au chiffre d'affaires total était supérieur à 20 % ; qu'elle soutient que la substitution de motifs de fait demandée par le ministre est irrecevable dès lors qu'elle aurait pour conséquence de la priver de la possibilité de voir le litige soumis à l'examen de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que toutefois, la remise en cause d'un régime d'exonération dans lequel une entreprise s'est placée, tel que celui prévu par l'article 261 B du code général des impôts, a trait au principe même de l'imposition de ces opérations et non au montant du chiffre d'affaires mentionné à l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales ; qu'une telle question ne relève dès lors pas de la compétence de la commission départementale alors même que sa solution dépendait de l'appréciation de questions de fait ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut qu'être écarté ; que la société n'ayant été privée d'aucune garantie, elle ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer des principes de loyauté et d'équité pour contester la substitution de motifs de fait à laquelle il est ainsi procédé ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13 B de la sixième directive n° 77-388 CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 : " Sans préjudice d'autres exonérations communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : (...) 5. les opérations, y compris la négociation mais à l'exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres (...) " ; que l'article 261 C du code général des impôts dispose : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : (...) e. Les opérations, autres que celles de garde et de gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, s'agissant des impositions en litige, la société MMA Finance exerçait son activité dans le cadre de mandats de gestion conclus avec des sociétés d'assurance ; qu'il est constant qu'à ce titre elle définissait pour ses mandataires une politique d'investissement spécifique, déterminait les achats et les ventes d'actifs présents dans le portefeuille de ses mandants et tenait la comptabilité des opérations selon la réglementation en vigueur ; que les gestionnaires de portefeuille qu'elle employait passaient quotidiennement des ordres d'achats et de vente sur les marchés financiers après les avoir analysés ; que la commission de gestion perçue en rémunération de cette activité était basée sur l'encours des portefeuilles gérés :

5. Considérant que la prestation de gestion de portefeuille réalisée par la contribuable était ainsi composée d'une prestation d'analyse et de surveillance du patrimoine du client investisseur, d'une part, et d'une prestation d'achat et de vente de titres proprement dite, d'autre part ; que, dans les conditions sus-décrites, ces deux éléments de la prestation de gestion de portefeuille sont l'un et l'autre indispensables pour la réalisation de la prestation globale et sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ; qu'à cet égard, la circonstance que les ordres d'achat et de vente aient été réalisés, non par la société MMA Finance elle-même, mais par un courtier tiers et aient donné lieu à une rémunération sous forme de commission pour chaque ordre exécuté ne saurait justifier une telle décomposition dès lors que l'exécution de ces opérations, dont le client recherche la combinaison avec la prestation d'analyse et de surveillance de son patrimoine, s'inscrit néanmoins dans la prestation globale de la gestion de portefeuille ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que la finalité de l'activité exercée pour des sociétés d'assurance serait la seule réalisation d'opérations d'achat et de vente de titres, alors que le mandat de gestion produit prévoit la fixation de l'orientation des investissements, un objectif de produits financiers et la définition des limites d'investissement et de suivi des risques ;

6. Considérant, par ailleurs, que si les seules prestations d'achat et de vente de titres sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive susvisée, il n'en va, en revanche, pas de même des prestations d'analyse et de surveillance du patrimoine qui ne supposent pas nécessairement la réalisation d'opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et les obligations des parties sur des titres ; que dès lors, la prestation de gestion de portefeuille sous mandat ne pouvant être prise en compte que dans son ensemble, elle n'entre pas dans les prévisions du 5 de l'article 13 B de la directive susvisée du 17 mai 1977 ni dans celles des dispositions précitées du e) de l'article 261 C 1) du code général des impôts, aux fins d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 261 B du code général des impôts : " Les services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des personnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti sont exonérées de cette taxe à la condition qu'ils concourent directement et exclusivement à la réalisation de ces opérations exonérées ou exclues du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes " ; que si la société MMA Finance avait adhéré le 3 janvier 2005 avec effet rétroactif au 1er janvier de cette même année à un groupement du type de ceux qui sont mentionnés par ces dispositions, il résulte de l'instruction que les prestations litigieuses n'ont pas été réalisées par ledit groupement mais par la contribuable pour d'autres membres de ce groupement ; que, dès lors, la société ne peut revendiquer le bénéfice de ces dispositions ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

8. Considérant que la doctrine administrative A-315 n°5 à jour au 20 octobre 1999 admet que la circonstance que des membres du groupement soient redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour certaines de leurs opérations n'exclut pas nécessairement ledit groupement du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 261 B du code général des impôts au titre des services qu'il rend dès lors que, pour chacune des personnes physiques ou morales en cause, le pourcentage des recettes donnant lieu au paiement de la taxe par rapport aux recettes totales traduit le caractère nettement prépondérant des opérations qui échappent à l'imposition ; que ladite doctrine précise que cette condition sera présumée remplie si ce pourcentage est inférieur à 20 %, sous réserve toutefois que les autres conditions pour bénéficier de l'exonération soient respectées ; qu'ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, les prestations en litige n'ont pas été réalisées par le groupement et n'entrent donc pas dans le champ d'application de l'article 261 B du code général des impôts ; qu'il suit de là que la société ne peut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, obtenir le bénéfice de l'exonération demandée en invoquant la doctrine précitée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se fonder sur les éléments figurant dans le mémoire du ministre enregistré le 13 septembre 2013 et qui, pour ce motif, n'a pas été communiqué, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la contribuable a été assujettie sur les prestations de gestion de titres qu'elle a effectuées pour le compte de clients autres que les SICAV ; qu'il est, dans cette mesure, fondé à demander la réformation du jugement et à ce que les impositions en cause soient remises à la charge de la société ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de l'Etat aux dépens :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Covea Finance la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que la présente instance n'ayant en tout état de cause pas donné lieu à dépens, les conclusions présentées à ce titre par la société ne peuvent également qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Les rappels, en droits et pénalités, de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la contribuable a été assujettie sur les prestations de gestion de titres qu'elle a effectuées pour le compte de clients autres que les SICAV pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 et dont le tribunal a accordé la décharge sont remis à la charge de la société Covea Finance.

Article 2 : Les conclusions de la société Covea Finance tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de l'Etat aux dépens sont rejetées.

Article 3 : Le jugement n° 1104262 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 7 juin 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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N° 12VE03340 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03340
Date de la décision : 03/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-10-03;12ve03340 ?
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