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03/10/2013 | FRANCE | N°11VE03960

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 03 octobre 2013, 11VE03960


Vu le recours, enregistré le 29 novembre 2011, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 1011093 du 6 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la SA Le Crédit Lyonnais (LCL) la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée à tort en 2007 et 2008 pour des montants respectifs en droits de 10 129 438 euros et 9 329 905 et d'ordonner le reversement au Trésor des impositions contest

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Il soutient que :

- à titre principal, sur le r...

Vu le recours, enregistré le 29 novembre 2011, du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement n° 1011093 du 6 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la SA Le Crédit Lyonnais (LCL) la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a acquittée à tort en 2007 et 2008 pour des montants respectifs en droits de 10 129 438 euros et 9 329 905 et d'ordonner le reversement au Trésor des impositions contestées ;

Il soutient que :

- à titre principal, sur le régime fiscal applicable aux opérations de gestion de portefeuille sous mandat, le tribunal a inexactement qualifié les faits et commis une erreur de droit en jugeant que les opérations de gestion de portefeuille sous mandat réalisées par la SA LCL constituaient des opérations sur titres exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 261 c-1° e du code général des impôts alors que cette activité ne saurait être limitée à une simple activité d'achats et de ventes d'instruments et d'actifs financiers sur des marchés d'actions ou d'instruments financiers à terme et ne saurait, par suite, être considérée comme consistant en des opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et obligations du mandant sur des titres ; elle consiste davantage en des services de gestion accompagnant le commerce des titres ; en effet, sont exclues du bénéfice de l'exonération prévue à l'article 13 B d) § 5 de la sixième directive n°77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 modifiée les opérations de garde et de gestion des titres ; les termes employés pour désigner les exonérations visées par cet article sont d'interprétation stricte ; en outre la production par la société d'un simple modèle de mandat de gestion de portefeuille ne suffit pas à justifier de la nature de l'ensemble des prestations en litige ;

- à titre subsidiaire, le tribunal a commis une erreur de droit en ne subordonnant pas le droit à restitution de la taxe sur la valeur ajoutée à l'émission de factures rectificatives destinée à écarter, conformément à la jurisprudence communautaire, le risque de perte fiscale pour le Trésor ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 juillet 2012 C-44/11 " Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst contre Deutsche Bank AG " ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la SA Le Crédit Lyonnais ;

1. Considérant que la SA Le Crédit Lyonnais, qui exerce une activité bancaire, a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations de gestion de portefeuille de titres qu'elle a réalisées au cours des années 2008 à 2009 ; que, par réclamation du 29 décembre 2009, elle a contesté l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des commissions perçues en rémunération de cette activité et a demandé la restitution de la taxe collectée y afférente pour des montants de 10 129 438 euros au titre de 2008 et 9 329 905 au titre de 2009 ; que l'administration ayant rejeté sa réclamation, elle a saisi le Tribunal administratif de Montreuil qui, par jugement du 6 octobre 2011, rectifié par ordonnance du 14 octobre 2011, a accordé à la société la restitution de la taxe ainsi contestée ; que le ministre relève appel dudit jugement ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 135 de la directive susvisée : " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes: (...) f) les opérations, y compris la négociation mais à l'exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres, à l'exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l'article 15, paragraphe 2 ; g) la gestion de fonds communs de placement tels qu'ils sont définis par les États membres ; (...) " ; que l'article 261 C du code général des impôts dispose : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : (...) e. Les opérations, autres que celles de garde et de gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par mandats dont la société a produit un modèle type, les clients chargeaient Le Crédit Lyonnais de gérer leurs portefeuilles de titres conformément à l'orientation de gestion qu'ils choisissaient ; que , dans le cadre de cette stratégie de placement, la SA Le Crédit Lyonnais avait sur les comptes ainsi gérés les pouvoirs d'administration et de disposition les plus étendus ; qu'elle pouvait ainsi, sans avoir à consulter le client au préalable, effectuer des opérations sur instruments financiers sur les marchés organisés en fonctionnement régulier ; que la rémunération de ces prestations comprenait trimestriellement une part fixe et une commission proportionnelle aux avoirs gérés :

4. Considérant que la prestation de gestion de portefeuille réalisée par la contribuable était ainsi composée d'une prestation d'analyse et de surveillance du patrimoine du client investisseur, d'une part, et d'une prestation d'achat et de vente de titres proprement dite, d'autre part ; que, dans les conditions susdécrites, ces deux éléments de la prestation de gestion de portefeuille sont l'un et l'autre indispensables pour la réalisation de la prestation globale et sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ; qu'à cet égard, la circonstance que les ordres d'achat et de vente soient réalisés, non par le Crédit Lyonnais lui-même, mais par un courtier tiers et donnent lieu à une rémunération sous forme de commission pour chaque ordre exécuté ne saurait justifier une telle décomposition dès lors que l'exécution de ces opérations, dont le client recherche la combinaison avec la prestation d'analyse et de surveillance de son patrimoine, s'inscrit néanmoins dans la prestation globale de la gestion de portefeuille ; que si les seules prestations d'achat et de vente de titres sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive susvisée, il n'en va, en revanche, pas de même des prestations d'analyse et de surveillance du patrimoine qui ne supposent pas nécessairement la réalisation d'opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et les obligations des parties sur des titres ; que dès lors, la prestation ne pouvant être prise en compte que dans son ensemble, elle n'entre pas dans les prévisions du f) de l'article 135, paragraphe 1 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ni dans celles des dispositions précitées du e) de l'article 261 C 1) du code général des impôts, aux fins d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société la restitution de la taxe en litige ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé sans qu'il soit besoin de statuer sur la contestation subsidiaire du ministre relative à l'exigence de factures rectificatives aux fins de restitution de la taxe ni de se fonder sur les éléments figurant dans le mémoire du ministre enregistré le 13 septembre 2013 et qui, pour ce motif, n'a pas été communiqué ; qu'il en résulte que le ministre est également fondé à demander que les impositions en litige soient remises à la charge de la contribuable ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de l'Etat aux dépens :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SA Le Crédit Lyonnais la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que la présente instance n'ayant en tout état de cause pas donné lieu à dépens, les conclusions présentées à ce titre par la société ne peuvent également qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1011093 du 6 octobre 2011 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : Les droits de taxe sur la valeur ajoutée dont le tribunal a accordé la restitution pour des montants de 10 129 438 euros au titre de 2008 et 9 329 905 au titre de 2009 sont remis à la charge de la SA Le Crédit Lyonnais.

Article 3 : Les conclusions de la SA Le Crédit Lyonnais devant le tribunal et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de l'Etat aux dépens sont rejetées.

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N° 11VE03960 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE03960
Date de la décision : 03/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-10-03;11ve03960 ?
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