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09/07/2013 | FRANCE | N°12VE00534

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 09 juillet 2013, 12VE00534


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2012, présentée pour la SOCIETE EMR HOLDINGS, anciennement dénommée Emerson Europe SA, dont le siège est situé 32 avenue Albert 1er à Rueil-Malmaison (92500), par la société d'avocats Fidal ; la SOCIETE EMR HOLDINGS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0802133 en date du 13 décembre 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant que, par ce jugement, le tribunal, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur de 38 euros, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de l

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Vu la requête, enregistrée le 13 février 2012, présentée pour la SOCIETE EMR HOLDINGS, anciennement dénommée Emerson Europe SA, dont le siège est situé 32 avenue Albert 1er à Rueil-Malmaison (92500), par la société d'avocats Fidal ; la SOCIETE EMR HOLDINGS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0802133 en date du 13 décembre 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant que, par ce jugement, le tribunal, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur de 38 euros, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge pour un montant de 3 425 343 euros au titre de l'année 2001 à raison de la réintégration d'une perte constatée à la suite d'une cession de créance ;

2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en soutenant pour la première fois devant le tribunal que l'abandon de créance litigieux avait été consenti à la société Crouzet Spa et non pas à la société BVM Components Srl, l'administration fiscale a opéré une substitution de motif illégale, dès lors que ce nouveau motif n'a pas pu être débattu contradictoirement pendant la vérification de comptabilité et devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a requalifié la cession de créance consentie à la société BVM Components Srl en abandon de créance, dès lors que cette cession était documentée et comptabilisée comme telle dans les comptes de la société Crouzet Spa ; cette requalification aurait dû donner lieu à la mise en oeuvre des garanties prévues par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dès lors que l'administration s'est nécessairement placée sur le terrain de l'abus de droit ;

- la cession pour 100 000 000 lires des titres de la société Crouzet Spa et du prêt de 14 334 000 000 lires qui lui avait été consenti ne caractérise pas un acte anormal de gestion, dès lors que cette décision permettait d'éviter les coûts et incertitudes liés à la liquidation de la société Crouzet Spa ; le prix de cession de 100 000 000 lires est le fruit d'une négociation respectant les intérêts de chaque entreprise et il est présumé refléter un prix de marché ; la qualification retenue par l'administration traduit en réalité une immixtion dans la gestion de la société Emerson Appliance Controls SAS, anciennement dénommée société Crouzet France ; la circonstance que la cession a été négociée par la société Emerson Electric Co, société mère de la société Emerson Appliance Controls SAS, n'est pas de nature à démontrer que cette dernière n'avait pas d'intérêt à céder ses titres de la société Crouzet Spa ;

- à titre subsidiaire, si le prêt consenti à la société Crouzet Spa devait être considéré comme un élément du prix de revient des titres de cette société, la société Emerson Appliance Controls SAS devrait être réputée avoir réalisée une moins-value déductible sur cession de titres de participation à hauteur de l'abandon de créance litigieux ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 juin 2013 :

- le rapport de M. Guiard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société EMR HOLDINGS ;

1. Considérant que la société Emerson Appliance Controls, filiale de la société Emerson Europe SA désormais dénommée EMR HOLDINGS, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er septembre 2000 au 31 août 2004 ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, au titre de l'exercice clos par la société Emerson Appliance Controls en 2001, l'administration fiscale a remis en cause, sur le terrain de l'acte anormal de gestion, la déductibilité d'une perte résultant de la cession au profit de la société BVM Components Srl, pour un montant d'un euro, d'un prêt de 7 402 893 euros (14 334 000 000 lires) consenti à la filiale italienne de la société Emerson Appliance Controls préalablement à la cession de ses titres au profit de la société BVM Components Srl ; que la SOCIETE EMR HOLDINGS, qui a adressé en vain à l'administration fiscale une réclamation en date du 13 octobre 2006, fait appel du jugement du 13 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur de 38 euros, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge pour un montant de 3 425 343 euros au titre de l'année 2001 à raison de la réintégration de la perte constatée à la suite de la cession du prêt ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise ; que ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés les charges étrangères à une gestion commerciale normale ; que la cession gratuite ou pour un prix symbolique d'une créance par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'une telle cession consentie par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;

3. Considérant que pour établir que la cession par la société Emerson Appliance Controls au profit de la société de droit italien BVM Components Srl, au prix d'un euro symbolique, d'un prêt de 7 402 893 euros consenti préalablement à la filiale italienne de la société cédante, la société Crouzet Spa, était constitutive d'un acte anormal de gestion, l'administration fiscale a retenu que cette cession ne résultait pas du choix de la société cédante mais d'une décision prise par la société Emerson Electric Co, société tête du groupe auquel elle appartenait, et que cette cession était dépourvue de contrepartie pour la société Emerson Appliance Controls elle-même ; que, toutefois, au cours des années 1999 et 2000, il n'est pas contesté que la société Crouzet Spa, spécialisée dans la fabrication de minuteurs pour moteurs de machines à laver, connaissait de graves difficultés économiques, résultant de la perte d'un important client, de l'échec d'un plan de sauvetage négocié avec le Gouvernement italien, de l'absence de succès du lancement de nouveaux produits et de conflits sociaux internes ; que, pour éviter de supporter les coûts et les incertitudes liés à la liquidation de sa filiale italienne et afin de préserver sa réputation, la société requérante soutient que la société Emerson Appliance Controls a fait le choix de céder la société Crouzet Spa à la société de droit italien BVM Components Srl ; qu'il résulte des actes de cession des 21 décembre 2000 et 17 janvier 2001 que la société Emerson Appliance Controls a accepté à ce titre de céder à la société BVM Components Srl, d'une part, l'ensemble de ses titres Crouzet Spa pour un montant global de 51 645 euros (100 000 000 lires) et, d'autre part, contre un euro symbolique, un prêt de 7 402 893 euros (14 334 000 000 lires) consenti à sa filiale afin de garantir au repreneur les moyens financiers nécessaires pour supporter les coûts inhérents au risque de liquidation de la société cédée ; qu'en contrepartie de la cession, outre le prix de 51 645 euros payé par la société BVM Components Srl, celle-ci s'était engagée à maintenir l'activité de fabrication de programmateurs de la filiale italienne reprise pendant une période de cinq mois, ainsi que son équilibre financier pendant une durée de trois années, à maintenir 100 emplois salariés au sein de celle-ci et à prendre en charge l'ensemble des conséquences liées au licenciement des personnels, dégageant ainsi la société requérante de toute responsabilité y compris vis-à-vis du Gouvernement italien ; qu'ainsi, la cession gratuite de la créance a été un élément indispensable à l'aboutissement des négociations bilatérales en vue de la reprise de la filiale italienne ; que la société requérante soutient, en outre, sans être utilement contestée sur ce point, que les négociations en vue de la cession ont été menées par la société Emerson Electric Co, sa société mère américaine, à la demande du repreneur qui souhaitait bénéficier de l'assise financière de la société tête du groupe Emerson, sans néanmoins faire fi du consentement de la société française Emerson Appliance Controls ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la société mère, qui s'est portée fort, aurait privilégié son propre intérêt ou encore l'intérêt du groupe aux dépens de celui de sa filiale qu'elle venait d'ailleurs de recapitaliser ; que, dans ces conditions, compte tenu du fait, en outre, que le service avait admis la nécessité pour l'entreprise française de se séparer de sa filiale italienne et qu'il n'est pas démontré, au surplus, que la perte resultant de la cession litigieuse a été significativement plus élevée que les coûts qui auraient été nécessairement induits par la liquidation de la société Crouzet Spa, la cession pour un prix symbolique de la créance a eu des contreparties tant économiques qu'en termes de réputation pour la société requérante et l'administration fiscale ne peut, dès lors, être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe que cette cession était constitutive d'un acte étranger à la gestion normale de la société Emerson Appliance Controls ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE EMR HOLDINGS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE EMR HOLDINGS et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0802133 du 13 décembre 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La SOCIETE EMR HOLDINGS est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'année 2001 à hauteur de 3 425 343 euros.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE EMR HOLDINGS une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 12VE00534 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE00534
Date de la décision : 09/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-082 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net. Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Olivier GUIARD
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-09;12ve00534 ?
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