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02/07/2013 | FRANCE | N°12VE03895

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 02 juillet 2013, 12VE03895


Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2012 présentée pour M. C...B..., demeurant au..., par Me Peiffer-Devonec, avocat;

M. B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1110688 en date du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2011 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourra ê

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Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2012 présentée pour M. C...B..., demeurant au..., par Me Peiffer-Devonec, avocat;

M. B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n°1110688 en date du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2011 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou, à défaut de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, et ce, dans un délai d'un moins à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 19 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; en effet, présent en France depuis 2005 et justifiant d'une bonne intégration professionnelle et sociale, il vit en concubinage depuis avril 2010 avec une compatriote admise à séjourner en France au titre de la protection subsidiaire ; en outre, leur fille, née en 2008, et dont il pourvoit à l'entretien et à l'éducation depuis sa naissance, bénéficie de la même protection au égard au risque d'excision qu'elle encourrait en cas de retour en Guinée et est atteinte d'une maladie génétique impliquant qu'il puisse séjourner en France pour continuer à subvenir à ses besoins ; enfin, sa compagne attend un deuxième enfant qu'il a reconnu de manière anticipée en novembre 2011 ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sont illégales en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- la mesure d'éloignement litigieuse n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle et familiale

- cette mesure est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est à tort crû en situation de compétence liée pour la prononcer ;

- pour les motifs précités, elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour et signalement dans le système d'information Schengen est entachée d'erreur d'appréciation

................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les avis d'audience adressés aux parties le 29 mai 2013 et portant clôture d'instruction immédiate à cette même date ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2013 :

- le rapport de M. Huon, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

- et les observations de Me Peiffer-Devonec ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité guinéenne relève appel du jugement du 9 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2011 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et signalement dans le fichier d'information Schengen :

2. Considérant, en premier lieu, que, par l'article 1er du jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé la décision, contenue dans l'arrêté du 2 septembre 2011 du préfet de la Seine-Saint-Denis, faisant interdiction à M. B...de revenir sur le territoire français ; qu'ainsi, les conclusions tendant à l'annulation de ladite décision sont sans objet et, par suite, irrecevables ;

3. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. (...) " ; qu'aux termes de l'article 96 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Les données relatives aux étrangers qui sont signalés aux fins de non-admission sont intégrées sur la base d'un signalement national résultant de décisions prises, dans le respect des règles de procédure prévues par la législation nationale, par les autorités administratives ou les juridictions compétentes. / (...) 3. Les décisions peuvent être également fondées sur le fait que l'étranger a fait l'objet d'une mesure d'éloignement, de renvoi ou d'expulsion non rapportée ni suspendue comportant ou assortie d'une interdiction d'entrée, ou, le cas échéant, de séjour, fondée sur le non-respect des réglementations nationales relatives à l'entrée ou au séjour des étrangers " ; qu'en vertu du second alinéa de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 4 du décret n° 2011-820 du 8 juillet 2011, les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour prise en application du III de l'article L. 511-1 sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription au fichier des personnes recherchées ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions et des stipulations précitées que, lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ; qu'une telle information, dont, au surplus, il ne ressort pas de l'arrêté litigieux qu'elle ait été portée à la connaissance du requérant, ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, et en tout état de cause, les conclusions tendant à l'annulation du signalement aux fins de non admission de M. B...dans le système d'information Schengen sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...)" ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., entré en France en 2005, vit en concubinage avec MlleA..., également de nationalité guinéenne avec laquelle il a eu une fille née le 5 décembre 2008 et dont il attendait un deuxième enfant à la date de la décision attaquée ; que, si la résidence commune des intéressés n'est établie que depuis le mois d'avril 2010, il ressort des pièces du dossier, et en particulier, des attestations de plusieurs médecins ayant suivi l'enfant qui mentionnent que, depuis la naissance de celle-ci, le requérant l'accompagnait régulièrement lors des consultations, ainsi que des relevés d'un livret A ouvert par le requérant au nom de sa fille en mai 2009 que l'intéressé a contribué à l'entretien et à l'éducation de cette dernière avant la période de vie commune ; qu'en outre, alors que Mlle A...est sans emploi, M. B...justifie, par la production de l'ensemble de ses bulletins de salaires, ainsi que de ses avis d'imposition, de l'exercice d'une activité salariée depuis six ans, ce qui au surplus, atteste d'une bonne insertion professionnelle et, par suite, de revenus, certes modestes mais stables, lui permettant de subvenir aux besoins du foyer ; que, de plus, les certificats médicaux circonstanciés établis par le chef du service de pédiatrie du centre hospitalier de Saint-Denis relèvent que la jeune enfant du couple souffre d'une maladie hématologique d'origine génétique qui implique un suivi constant au risque d'entraîner de graves séquelles voire d'engager le pronostic vital et qui, de ce fait, nécessite la présence de ses parents à ses côtés ; qu'enfin et surtout, il est constant que tant la compagne du requérant que leur fille ont été admises par l'OFPRA au bénéfice de la protection subsidiaire en application de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à raison des risques d'excision encourus par l'enfant en cas de retour en Guinée, de sorte que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans ce pays dont ses deux parents sont originaires ; que compte tenu de ces éléments, qui ne sont nullement contestés en défense, et eu égard notamment à l'ancienneté et à la continuité de la relation de M. B...avec MlleA..., de laquelle sont issus une fille née en 2008 et un deuxième enfant à naître en 2011, à l'intérêt qui s'attache, sur le plan tant matériel que moral, à la présence de l'intéressé aux côtés de sa compagne et de leur fille qui ne peuvent retourner en Guinée, et aux sérieux gages d'insertion présentés par le requérant, la décision de refus de séjour attaquée doit être regardée comme ayant porté au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquelles elle a été prise ; que cette décision a donc méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est, par suite, entachée d'illégalité ; que cette illégalité entraîne celle des décisions, contenues dans l'arrêté du 2 septembre 2011, obligeant le requérant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2011 en tant que, par cet arrêté, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

9. Considérant qu'eu égard à ses motifs, la présente décision implique nécessairement, en l'absence de circonstances nouvelles qui y feraient obstacle, que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à M. B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de délivrer à l'intéressé un tel titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Peiffer-Devonec, avocate de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette dernière de la somme de 1 500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Les décisions, contenues dans l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 2 septembre 2011, portant refus de séjour à l'encontre de M.B..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination sont annulées.

Article 2 : Le jugement n°1110688 du 9 février 2012 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. B...une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Peiffer-Devonec, avocate de M.B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03895
Date de la décision : 02/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Christophe HUON
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : PEIFFER-DEVONEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-07-02;12ve03895 ?
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