Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2012, présentée pour la SA REDCATS ayant son siège social au 110 rue de Blanchemaille BP 44 à Roubaix Cedex 1 (59051), par le cabinet Villemot, Barthes et associés ;
La SA RECATS demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1009206 en date du 26 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 112 048 euros, assorti des intérêts moratoires, afférent aux frais liés à la cession de titres de participation de la société Kadéos ;
2° de prononcer le remboursement sollicité, assorti des intérêts moratoires ;
3° de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme dont le montant sera chiffré à l'issue de l'instruction ;
Elle soutient que :
- conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat (arrêt Siva du 10 juin 2010), les dépenses liées à la cession des titres Kadéos doivent être regardés comme des frais généraux dès lors qu'ils présentent un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique ; en effet, cette cession, s'inscrivant dans le cadre d'une restructuration stratégique, lui a permis de se recentrer sur son activité de concession de marques et a favorisé le développement de son chiffre d'affaires ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, les frais facturés par le cabinet d'avocats Darrois sont des frais préparatoires à la cession en cause et la TVA correspondante doit dès lors bénéficier d'une présomption de déductibilité ;
- alors qu'il n'est pas contesté que les honoraires versés aux sociétés Ernst et Young, Kpmg Audit et Leonardo rémunèrent des prestations engagées en vue de préparer la cession, l'administration, qui ne remet pas en cause l'objectif économique de l'opération ni ne soutient que ces honoraires ont été mis à la charge des cessionnaires, ne renverse pas la présomption de déductibilité de la TVA ayant grevé lesdits honoraires ;
- il ressort du contrat de cession de titres, et notamment de ses articles 2 et 8.6, qu'aucun des frais exposés dans le cadre de cette cession n'a été répercuté à l'acheteur ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2013 :
- le rapport de M. Huon, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;
1. Considérant que la SA REDCATS, qui exploite une activité de holding et de concession de marques, a, comme les autres sociétés du groupe Pinault Printemps La Redoute (PPR) auquel elle appartient, cédé le 31 mars 2007 à la société Accor les parts qu'elle détenait dans la société Kadéos ; qu'à l'issue de l'opération la société PPR lui a refacturé, à hauteur de sa participation dans le capital de la société cédée, soit 16,67 %, les frais et honoraires des honoraires versés aux sociétés Leonardo, Darrois, Ernst et Young et Kpmg en contrepartie de services rendus dans le cadre de la cession engagés dans le cadre de la cession ; que la requérante a sollicité en avril 2010 le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée incluant notamment la taxe ayant grevé ces frais, d'un montant de 112 048 euros ; que, par décision du 7 juillet 2010, le service a rejeté, dans cette mesure, la demande de la société au motif que les dépenses correspondantes n'entretenaient pas un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité taxable ; que la SA REDCATS relève appel du jugement du 26 janvier 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution du crédit de taxe dont le remboursement lui a ainsi été refusé ;
Sur les conclusions à fin de remboursement et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des articles 167, 168, 169 et 173 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 susvisée, qui ont repris le contenu des paragraphes 1 et 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu'en l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ;
3. Considérant que, lorsqu'une société holding, qui se livre à une activité économique à raison de laquelle elle est assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, envisage de céder tout ou partie des titres de la participation qu'elle détient dans une filiale et expose à cette fin des dépenses en vue de préparer cette cession, elle est en droit, sous réserve de produire des pièces justificatives, de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces dépenses, qui sont réputées faire partie de ses frais généraux et se rattacher aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant de cette activité économique ; qu'il en va ainsi lorsque l'opération de cession des titres ne se réalise pas ; que, lorsque cette cession est intervenue, que cette opération soit en dehors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou dans le champ mais exonérée, l'administration est toutefois fondée à remettre en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé de telles dépenses quand, compte tenu des éléments portés à sa connaissance et au vu des pièces qu'il appartient le cas échéant à la société qui les détient de produire, elle établit que cette opération a revêtu un caractère patrimonial dès lors que le produit de cette cession a été distribué, quelles que soient les modalités de cette distribution, ou que, en l'absence d'éléments contraires produits par la société, ces dépenses ont été incorporées dans le prix de cession des titres ;
4. Considérant que si la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses inhérentes à la transaction elle-même n'est en principe pas déductible dès lors qu'elles présentent un lien direct et immédiat avec l'opération de cession des titres, cette société est néanmoins en droit de déduire cette taxe si, compte tenu de la nature des titres cédés ou par tous éléments probants tels que sa comptabilité analytique, elle établit que ces dépenses n'ont pas été incorporées dans leur prix de cession et que, par suite, elles doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et se rattachant ainsi aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie ; que les mêmes règles s'appliquent dans le cas où les dépenses ont été payées à un même intermédiaire, chargé à la fois de préparer cette cession et de réaliser la transaction, dès lors que ces deux catégories de prestations n'ont pas donné lieu à une rémunération distincte et qu'elles doivent alors être regardées comme un tout indissociable se rattachant à la transaction ;
5. Considérant, en premier lieu, que la facture adressée le 26 avril 2007 par la Banque Leonardo à la société PPR avait trait à une commission de réalisation et de succès ; que les deux factures des 22 mars et 23 mai 2007 du cabinet Ernst et Young se rapportaient à des " services d'assistance à la rédaction de procédures comptables " concernant la période de janvier à fin avril 2007 ; qu'au égard à leur nature, ces prestations étaient inhérentes à la cession elle-même, intervenue le 31 mars 2007 ; que doit également être regardée comme relevant de cette qualification, la mission confiée à la société Kpmg dès lors que la facture émise le 29 mai 2007 par cette société mentionne " la réalisation de travaux dans le cadre de la cession de la société Kadéos " et que la requérante, seule à même de pouvoir produire des justificatifs sur ce point, se borne à de simples allégations mais n'apporte aucun élément de nature à établir que ces " travaux " présentaient exclusivement un caractère préparatoire à la vente ; qu'enfin, la note d'honoraires du cabinet Darrois du 2 mai 2007 se rapporte non seulement à diverses missions d'analyse et de conseil, préparatoires à la cession, mais aussi à la négociation et à la rédaction du contrat de cession ; que ces deux catégories de prestations n'ont pas donné lieu à une rémunération distincte et doivent alors être regardées comme un tout indissociable se rattachant à la transaction ;
6. Considérant, toutefois, en deuxième lieu, que, pour justifier, ainsi qu'il lui incombe, que les dépenses afférentes aux prestations en cause n'ont pas été intégrés au prix de cession des titres, fixé à 2 333,33 euros par action quel que soit le cédant, la SA REDCATS se prévaut des stipulations de l'article 8.6 du contrat de cession, versé au dossier, prévoyant expressément que chaque partie conserve à sa charge les honoraires, frais et commissions de ses propres conseils et mandataires ; qu'à défaut pour l'administration, de critiquer utilement la portée de ces stipulations en se bornant à les qualifier de " clause de style " et en invoquant l'absence de comptabilité analytique , la société requérante doit être regardée comme établissant que les honoraires en cause n'ont pas été incorporés dans le prix de cession des titres de la société Kadéos ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le service soutient, en s'appuyant sur un rapprochement entre les distributions d'un montant de 48 001 996 euros, opérées par la SA REDCATS au titre de l'année de réalisation de la cession et de la plus-value retirée de cette dernière, soit 34 853 776 euros, que cette opération revêtait un caractère patrimonial ; que, toutefois, la société requérante fait valoir qu'au titre de l'exercice 2007, son résultat s'est élevé à 137 077 610 euros, dont 65 689 744 euros de résultat exceptionnel, incluant la plus-value de cession des titres Kadéos, et que seuls 48 001 996 euros ont été distribués, le solde, à savoir 89 075 614 euros, ayant été mis en réserve ; qu'en outre, la société relève que les dividendes prélevés sur le résultat 2007 étaient sensiblement plus faibles que ceux, de l'ordre de 80 000 000 d'euros, mis en paiement au titre des exercices précédents, lesquels affichaient pourtant un résultat nettement inférieur ; que, dans ces conditions, l'administration, qui ne conteste nullement ces éléments, n'établit ni même n'apporte un commencement de preuve, par le simple rapprochement dont elle fait état, que le produit de cette vente des actions Kadéos a été distribué et que cette opération a ainsi revêtu un caractère patrimonial ; que, par suite, et dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 6., que la SA REDCATS établit que les dépenses en cause n'ont pas été incorporées dans le prix de cession, celles-ci doivent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux se rattachant aux éléments constitutifs du prix des opérations relevant des activités économiques qu'elle exerce comme assujettie ; qu'ainsi, c'est à tort que l'administration a remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les honoraires en litige et, par suite, a rejeté la demande de restitution de ladite taxe ;
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) " ;
9. Considérant qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre la SA REDCATS et le comptable concernant les intérêts dus en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, les conclusions de la requérante à fin de paiement d'intérêts moratoires doivent être rejetées comme irrecevables ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA REDCATS est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en restitution d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 112 048 euros afférent aux frais liés à la cession de titres de la société Kadéos ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais, au surplus non chiffrés, exposés par la SA REDCATS et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé à la SA REDCATS le remboursement de la somme de 112 048 euros correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les honoraires liés à la cession de titres de la société Kadéos et comprise dans le crédit de taxe dont elle disposait au mois d'avril 2010.
Article 2 : Le jugement n° 1009206 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SA REDCATS est rejeté.
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