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13/06/2013 | FRANCE | N°12VE03906

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 13 juin 2013, 12VE03906


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2012, présentée par Mme C...A...épouse B...demeurant..., par Me Djouka, avocat ;

Mme A...épouse B...demande à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance n° 1207568 en date du 12 octobre 2012 par laquelle le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 octobre 2011 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, pour irrecevabilité ;

2° d'annuler l'arrêté préfectoral en date du 14 octobre 2011 ;

3° d'

enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour mention vie pri...

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2012, présentée par Mme C...A...épouse B...demeurant..., par Me Djouka, avocat ;

Mme A...épouse B...demande à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance n° 1207568 en date du 12 octobre 2012 par laquelle le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 octobre 2011 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, pour irrecevabilité ;

2° d'annuler l'arrêté préfectoral en date du 14 octobre 2011 ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de Me Djouka ;

La requérante soutient que :

- l'ordonnance méconnaît les dispositions de l'article 39 alinéa 1 du décret du 19 décembre 1991 dans la mesure où il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du bureau d'aide juridictionnelle lui ait été notifiée par le bureau d'aide juridictionnelle, de telle sorte que le délai de recours n'a pu commencer à courir ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où elle a une vie stable et continue en France depuis plus de six ans avec son concubin qui est en situation régulière, l'état de santé de ce dernier nécessite sa présence régulière à ses côtés pour l'aider dans les gestes de la vie quotidienne ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié pris pour son application ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2013 :

- le rapport de Mme Van Muylder, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme A...épouseB..., ressortissante indienne, relève appel de l'ordonnance n° 1207568 en date du 12 octobre 2012 par laquelle le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 octobre 2011 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, pour irrecevabilité ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance, (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à la régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens... " ; qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut, dans le délai d'un mois suivant la notification, demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif (...) " ; que le décret susvisé du 19 décembre 1991 modifié prévoit que, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration du délai de recours, ce délai est interrompu et un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...épouse B...a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 28 octobre 2011, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 14 octobre 2011 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, en vue d'introduire un recours contentieux tendant à l'annulation dudit arrêté ; que si, dans sa demande présentée au Tribunal administratif de Montreuil, Mme A...épouse B...a indiqué que la décision du bureau d'aide juridictionnelle a été notifiée le 10 février 2012, elle fait valoir en appel que cette date est celle de la notification de la décision à l'ordre des avocats de Seine-Saint-Denis ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date du 21 septembre 2012, à laquelle a été enregistrée la demande de Mme A...épouse B...au greffe du tribunal, plus d'un mois était écoulé à compter de la notification à la requérante, de la décision du bureau d'aide juridictionnelle lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et de la décision désignant un avocat pour l'assister ; que, par suite, le président du Tribunal administratif de Montreuil ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter par voie d'ordonnance cette demande comme étant entachée d'une irrecevabilité manifeste ; qu'il suit de là que Mme A...épouse B...est fondée à soutenir que l'ordonnance est entachée d'irrégularité, et à demander son annulation pour ce motif ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...épouse B...devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 14 octobre 2011 du préfet de la Seine-Saint-Denis :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A...épouseB..., entrée sur le territoire français le 8 avril 2006, a vécu en concubinage à partir de juillet 2006, avec un compatriote titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 6 février 2021, avec qui elle a eu deux filles nées le 7 mars 2007 et le 12 décembre 2008 et s'est mariée le 16 décembre 2010 ; que M. B...est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés ; que le docteur Benifla, médecin généraliste agréé, a attesté les 7 novembre 2007, 5 janvier 2010 et 18 octobre 2011, des graves problèmes de santé de M. B...dont la prise en charge ne pourrait être mise en oeuvre dans son pays d'origine et, de la présence indispensable de son épouse à ses côtés ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée et méconnaît ainsi les stipulations précitées ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...épouse B...est fondée à demander l'annulation de l'arrêté en date du 14 octobre 2011 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

9. Considérant que le présent arrêt implique que le préfet de la Seine-Saint-Denis délivre à Mme A... épouseB..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) " ; qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991 susvisée : " En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. " ;

11. Considérant que Mme A...épouse B...ayant obtenu, en première instance, le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Djouka, avocat de la requérante, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Djouka de la somme de 1 200 euros, qu'il demandait au tribunal ;

12. Considérant, en revanche, et en tout état de cause, que Mme A...épouse B...n'ayant pas présenté de demande d'aide juridictionnelle en appel, aucune condamnation de l'Etat à verser une somme au profit de son conseil ne peut être prononcée au titre des frais exposés devant la Cour ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1207568 en date du 12 octobre 2012 du président du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté en date du 14 octobre 2011 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A...épouse B...un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Djouka en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 12VE03906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03906
Date de la décision : 13/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. COUZINET
Rapporteur ?: Mme Céline VAN MUYLDER
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : DJOUKA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-06-13;12ve03906 ?
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