La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2013 | FRANCE | N°12VE03838

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 23 avril 2013, 12VE03838


Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée pour M. B...C..., demeurant..., par Me Teti, avocat ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203171 du 25 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2012 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

2°) d'annuler, pour exc

s de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de ...

Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée pour M. B...C..., demeurant..., par Me Teti, avocat ; M. C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203171 du 25 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2012 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ";

4°) de mettre à la charge de l'Etat le montant des dépens ;

M. C...soutient :

- en premier lieu, que l'arrêté du 11 avril 2012 est irrégulier puisqu'il ne comporte pas de date de notification et ce, même s'il a pu exercer son recours dans les délais ;

- qu'en deuxième lieu, le préfet des Hauts-de-Seine a méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant de son entrée en France ; qu'en effet, il est entré régulièrement en France pourvu d'un visa d'entrée dans l'espace Schengen ; que si le tribunal a opéré une substitution de base légale sous certaines conditions, il n'a ni observé ces conditions, ni déclaré si elles étaient remplies ; qu'il n'a pas démontré en quoi il disposait des mêmes garanties ; que le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas préalablement mis les parties à même de présenter leurs observations sur ces points ; que la décision était donc fondée sur la circonstance erronée qu'il était entré irrégulièrement en France, et doit, dès lors, être annulée ;

- qu'en troisième lieu, l'arrêté contesté est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en effet, il a en France des liens intenses ; qu'il réside en France depuis plus de six ans, maîtrise la langue française, dispose d'une promesse d'embauche, a une vie stable, une épouse depuis le 23 octobre 2010 qui est titulaire d'un titre de séjour d'un an et travaille ; qu'ils mènent en France une vie familiale depuis presque deux ans et ont vécu maritalement deux ans avant de se marier ;

- qu'en quatrième lieu, les mesures d'éloignement et d'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an sont contraires aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elles violent son droit à mener un vie privée et familiale ; que la communauté de vie est antérieure au mariage de deux ans, soit une vie maritale depuis 2008 ; qu'il reconnaît les valeurs de la République et n'a jamais perturbé l'ordre public ;

- qu'en cinquième lieu, la mesure d'éloignement méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- qu'enfin, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été respectées ; qu'il appartient au parti de l'ex-président du pays M.A... ; qu'il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'il serait soumis à un traitement humain et dégradant en cas de retour dans son pays d'origine ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser, sur sa proposition, de conclusions le rapporteur public ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 9 avril 2013 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les observations de Me Teti, pour M. C...;

1. Considérant que M.C..., ressortissant ivoirien né en 1968, relève appel du jugement du 25 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2012 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le préfet des Hauts-de-Seine, qui avait fondé son arrêté sur la circonstance erronée que M. C...était entré en France irrégulièrement alors qu'il avait présenté un visa de court séjour, a sollicité, en première instance, une substitution de base légale et demandé que soit substitué au 1° du I de l'article L. 511-1 le 2° du même article ; que M. C... fait valoir que la substitution de base légale à laquelle les premiers juges ont procédé serait irrégulièrement intervenue ;

3. Considérant que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut faire droit à la demande de l'administration de substitution de ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; que le juge peut y faire droit, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

4. Considérant que M. C...n'a été privé d'aucune garantie spécifique aux étrangers éloignés en application du 1°) de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les garanties étant identiques pour les étrangers éloignés en application du 2°) du même article ; que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une et l'autre de ces dispositions ; qu'enfin, M. C...a pris connaissance du mémoire du préfet sollicitant cette substitution et y a répondu avant la clôture de l'instruction ; que, par suite, en faisant droit à la demande de substitution de base légale présentée par le préfet des Hauts-de-Seine les premiers juges ne se sont pas irrégulièrement prononcés ;

Sur la légalité de la mesure d'éloignement :

5. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'arrêté attaqué ne porte pas la mention de la date de sa notification est, par elle-même, sans incidence sur sa régularité ; que, par suite, le moyen tiré de que cette circonstance suffirait à l'entacher de nullité ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° du I de l'article L.511-1 ne peut être accueilli ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant que M. C...soutient résider régulièrement en France depuis qu'il y est entré le 30 mai 2006, être marié depuis le 23 octobre 2010 avec une ressortissante également ivoirienne en situation régulière et vivre avec elle depuis presque quatre ans ; que, toutefois, il n'apporte la preuve de la vie commune avec celle-ci que depuis octobre 2009, date à laquelle il a loué avec elle un logement ; qu'il ne vivait avec son épouse que depuis deux ans et demi à la date de l'arrêté attaqué et que les époux n'ont pas d'enfant ; que si M. C...fait état d'une promesse d'embauche et si Mme C...a un travail en France, toutefois aucune circonstance ne fait obstacle au retour des deux époux, qui sont ivoiriens tous deux, en Côte d'Ivoire que M. C...a quitté à l'âge de trente-huit ans et où il ne conteste pas avoir des membres de sa famille ; qu'ainsi, malgré son insertion dans la société française, son droit à mener une vie privée et familiale normale n'a pas été méconnu ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a méconnu ni les dispositions ni les stipulations précitées ;

Sur la légalité de la mesure portant pays de destination :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné :1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ;3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

10. Considérant que le moyen tiré de la violation de ces stipulations et de ces dispositions ne peut qu'être écarté, M. C...ne produisant aucun document à l'appui de ses affirmations selon lesquelles il serait menacé de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays d'origine car il appartiendrait au parti de l'ex-président de la Côte d'Ivoire ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

11. Considérant que M. C...fait valoir que cette décision viole les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et, par suite, son droit à mener une vie privée et familiale normale ; qu'il doit être regardé comme se prévalant des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il soutient que ses liens familiaux en France sont intenses, qu'il est marié depuis près de deux ans, qu'il vivait maritalement avec son épouse précédemment et qu'elle séjourne régulièrement en France ; que la réalité et l'intensité de sa vie familiale fait obstacle à ce que le préfet puisse lui interdire le retour en France pendant une durée d'un an ; que, dès lors, la décision susvisée doit être annulée ;

12. Considérant que l'annulation de cette décision n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande qu'en ce qui concerne la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ; qu'enfin, le requérant n'établit pas que des dépens auraient été exposés dans la présente instance ; que, par suite, ses conclusions à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La décision interdisant à M. C...le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.

Article 3 : Le jugement n° 1203171 du 25 octobre 2012 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

''

''

''

''

N° 12VE03838 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03838
Date de la décision : 23/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : TETI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-04-23;12ve03838 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award