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18/04/2013 | FRANCE | N°12VE02478

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 18 avril 2013, 12VE02478


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2012, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par MeB... ; M. A... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1105396 du 19 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 septembre 2011 par lequel le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité, ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou dans lequel il prouve être légalement admissib

le, et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée...

Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2012, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par MeB... ; M. A... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1105396 du 19 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 septembre 2011 par lequel le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité, ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou dans lequel il prouve être légalement admissible, et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

2° d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 septembre 2011 ;

3° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste de l'appréciation faite par le préfet de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L.511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car le préfet ne s'est pas prononcé sur les quatre critères cumulatifs posés par cet article ;

- le préfet a commis une erreur manifeste en appréciant les conséquences de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français sur sa situation personnelle ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu la décision du 25 mai 2012 du bureau d'aide juridictionnelle accordant l'aide juridictionnelle totale à M.A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013 :

- le rapport de Mme Vinot, président assesseur ;

- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., né le 17 juillet 1978, ressortissant de la République Démocratique du Congo, relève régulièrement appel du jugement du 19 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 septembre 2011 par lequel le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou dans lequel il prouve être légalement admissible et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) " ; que si M. A... soutient qu'il est atteint d'une hépatite B pour laquelle il a bénéficié d'un suivi par le service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Bichat à compter du 17 février 2012, postérieurement, d'ailleurs, à la date de l'arrêté litigieux, les pièces qu'il produit ne permettent pas de tenir pour établi que le traitement nécessité par son état de santé ne serait pas disponible dans son pays d'origine ni, par suite, qu'un retour au Congo pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui ; que, par ailleurs, M.A... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire exceptionnelle, au sens de l'article L.511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Yvelines aurait méconnu les dispositions précités dudit article ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ; que M. A...soutient qu'il est entré en France en 2008, qu'il y réside de façon habituelle depuis lors et qu'il ne dispose plus d'attaches dans son pays d'origine depuis le décès de ses parents en 1983 et celui de sa grand-mère qui l'a élevé ; que, toutefois, le requérant, entré récemment en France, n'établit pas la stabilité et l'intensité des liens qu'il y aurait tissés, et n'établit pas davantage qu'il serait dépourvu de toutes attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où résident notamment son frère et deux soeurs, et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 30 ans ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

4. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Yvelines aurait entaché la décision contestée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que M. A... soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il serait exposé à des souffrances physiques et morales extrêmes ainsi qu'à un risque de mort prématuré en raison de son état de santé ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit, il n'établit pas que le traitement nécessité par son état de santé ne serait pas disponible dans son pays d'origine ; qu'ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations précitées des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen ;

6. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsqu' aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / (...) / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. (...) " ; qu'il ressort des termes mêmes des dispositions législatives précitées que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ;

7. Considérant que le préfet des Yvelines a fondé la décision d'interdiction de retour sur le territoire national pour une durée d'un an sur le seul comportement de l'intéressé qui, selon l'arrêté litigieux, " a fait l'objet le 24 novembre 2009 d'une mesure de refus de titre de séjour temporaire assortie d'une obligation de quitter le territoire français, s'est maintenu, malgré cette décision, en situation irrégulière sur le territoire français depuis le 31 décembre 2009 (...) " ; qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté que le préfet aurait examiné la durée de la présence en France du requérant, ni la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, ni apprécié si sa présence sur le territoire français représentait une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi, M. A... est fondé à soutenir que le préfet des Yvelines a méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui interdisant le retour sur le territoire national pour une durée d'un an et à demander, pour ce motif, l'annulation de cette décision ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal de Versailles a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté attaqué en date du 20 septembre 2011 par lequel le préfet des Yvelines lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

10. Considérant que le présent arrêt, qui annule la seule interdiction de retour, n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour ou le réexamen de la situation du requérant ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 19 décembre 2011, en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 20 septembre 2011 par lequel le préfet des Yvelines lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an, ensemble l'article 2 de cet arrêté, sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

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N° 12VE02478 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE02478
Date de la décision : 18/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. COUZINET
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : BOIARDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-04-18;12ve02478 ?
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